Ecole ou caserne ? Le point sur la répression au collège Bellefontaine

Jeudi dernier, 18 juin, une journée de grève était appelée pour soutenir cinq collègues qui passaient en commission de mutation, et une collègue qui passait en commission disciplinaire. Les six collègues ont appris à l’issue de ces réunions paritaires qu’ils et elles seraient mutées. Les possibilités de recours leur permettant de rester à leur poste au collège Bellefontaine s’épuisent à mesure que les jours passent... Malgré tout ça, les grévistes n’ont pas dit leur dernier mot.

Jeudi 18 juin, dès 9 heures devant le rectorat. [1]

La veille au soir, les premières toiles de tente sont plantées et une vingtaine de grévistes de l’éducation nationale ont déjà investi le parc de l’ex caserne Niel pour y camper et montrer leur entière détermination à soutenir leurs six collègues dont les cas vont être "étudiés" le lendemain.

Dès 9 heures une bonne centaine de personnes est déjà sur le qui-vive et entame un concert de casseroles. A ce moment personne ne se fait trop d’illusions, ces commissions paritaires [2], en plus d’être quasiment jouées d’avance, ne sont que consultatives. Dans l’esprit de beaucoup, si rien ne se passe d’autre qu’un rassemblement, il y a peu d’espoir d’influer sur la décision d’une rectrice qui s’est montrée depuis le début particulièrement insensible aux alertes des travailleurs et travailleuses de Bellefontaine ainsi qu’au sort des élèves qui sont scolarisés dans cet établissement.

Action au Conseil Général

Peu de temps après le début du concert de casseroles sous les fenêtres du rectorat, un groupe d’une trentaine de grévistes, portant symboliquement des masques signés des noms des six collègues, se sont rendus au Conseil Général où ils ont interrompu une réunion présidée par le premier secrétaire du PS 31, Sébastien Vincini [3]. Surprise !
Il s’agissait d’obtenir de lui un appel direct à la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Un appel téléphonique en forme de dernier recours pour que la rectrice revienne sur sa volonté de sanctionner les collègues en question. Autour de la table plusieurs délégués syndicaux du CG, notamment de SUD et de la CGT, se sont montrés solidaires et nullement agressés par cet envahissement sympathique. Une discussion s’engage alors avec monsieur Vincini et après une bonne heure à essayer de faire jouer ses "contacts" pour entrer en communication avec le cabinet de la ministre, c’est tout juste s’il ne se fit pas raccrocher au nez.

Derrière les mutations se cache la répression...

Au sortir de la CAPA, les récits des élu.e.s sont sans surprise : la rectrice confirme les mutations des cinq collègues "dans l’intérêt du service", une manière de maquiller un peu ce qui n’est rien d’autre qu’une sanction. Aucun des cinq collègues n’exercera en REP (Réseau d’Education Prioritaire) à la rentrée prochaine [4], et le critère de mutation à distance égale de son domicile n’a pas non plus été réellement respecté. Peu importe, il s’agissait pour le rectorat d’affirmer son autorité, bien que la rectrice certifie à tue-tête qu’il ne s’agit en aucun cas de sanctions. Évidemment, plus personne ne la croit.
Les accusations fallacieuses contenues dans les dossiers suffisent pour démontrer qu’il ne s’agit nullement "d’intérêt du service" [5].
Cette décision sonne comme un nouveau coup de bambou derrière la nuque de toutes celles et ceux qui ont lutté cette année dans l’éducation nationale. Cela prouve encore une fois le projet réel du rectorat : derrière l’évidente petite vengeance mesquine et une sincère volonté de punir, c’est surtout l’occasion de séparer violemment un noyau de lutte soudé. D’autant que l’après-midi, la CAPD entérinera la mutation, disciplinaire cette fois, de la sixième collègue.
Ce qui c’est joué ce jour-là au rectorat n’est pas qu’un cas localisé. C’est un précédent en matière de répression d’une lutte. Il faut clairement y voir un message envoyé à toutes celles et ceux qui luttent dans les établissements scolaires. Le rectorat a agi selon la bonne vieille méthode de taper sur quelques-uns pour effrayer tous les autres.

Des questions et des certitudes.

Depuis le début de la lutte contre le manque de moyens dans le cadre de la mise en place du dispositif REP +, les collègues grévistes du collège Bellefontaine sont apparus relativement isolés. Très peu de bahuts, même parmi ceux concernés par le dispositif d’éducation prioritaire ont vraiment réussi à embrayer. Cette réalité a malheureusement confirmé l’actualité du rapport de force dans l’éducation nationale, où les conflits ont une fâcheuse tendance à se localiser établissement par établissement. Une sorte de chacun pour soi, inhérent à la volonté de mettre les établissements en concurrence, ce que la récente réforme du collège renforce clairement [6]. Sortir du mur du "cas par cas", dans lequel nous envoient ministère et rectorat, doit être un des objectifs des mouvements futurs.
Nul doute que la lutté exemplaire menée par les collègues de Bellefontaine est sanctionnée aujourd’hui par la hiérarchie académique avec d’autant plus d’aisance que la corporation enseignante ne s’est que très peu solidarisée de la lutte menée en décembre dernier. Si certains syndicats comme SUD éducation ont fait preuve du début à la fin d’un soutien indéfectible à la grève et à la stratégie offensive, d’autres ont semblé beaucoup plus ambigus, émettant parfois de grosses réserves sur les discours et fonctionnements de la lutte engagée à Bellefontaine [7].
Dans tous les cas, comme évoqué plus haut, la lutte n’est pas terminé. Dans certaines prises de parole du jeudi 18 juin devant le rectorat, des grévistes faisaient état, avec beaucoup de détermination, de leur volonté d’engager une grève de la faim jusqu’à l’obtention de leur maintien en poste au collège Bellefontaine.

Notes

[1Cette journée fait suite à un appel officiel du syndicat de l’éducation de la CGT, de SUD éducation, syndicat le plus actif et solidaire de la lutte au collège Bellefontaine depuis le début, mais aussi d’une décision de l’AG des grévistes inter-établissement de jeudi dernier, 11 juin, journée nationale contre la dernière réforme du collège.

[2C’est quoi ces commissions ? On parle ici des CAPA (Commission Administrative Paritaire et Académique) et CAPD (Commission Administrative Paritaire et Départementale) qui a siégé ce jeudi en mode conseil de discipline. On dit que ces commissions sont paritaires car il y siège un nombre équivalent de représentants des salariés (syndicats) et de représentants de l’administration, qui sont sans surprise tous du côté de la hiérarchie.

[3Celui-ci avait déjà au mois de décembre dernier, alerté par courrier la ministre, après une occupation du siège de la fédération PS de Haute-Garonne (voir La Dépêche du 10/12/2014) et l’article 9 décembre : ça c’est de la grève !sur Iaata.info. Courrier resté à ce jour sans réponse.

[4Ce qui signifie que ces collègues se verront supprimer la prime REP d’environ 200 euros mensuels à la rentrée prochaine. C’est ni plus ni moins qu’une perte de salaire qui les attend.

[5Par exemple il est reproché à cinq de ces collègues de ne pas avoir respecter la minute de silence à Charlie Hebdo (ce qui peut déjà être contestable sur le fond). Problème, ils et elles étaient tous grévistes ce jour-là et donc absolument pas présents dans l’établissement. La liste des "charges" retenues contre les collègues est de cet acabit, ni plus ni moins qu’un tissu d’âneries à charge.

[6Notamment en renforçant l’autonomie du chef d’établissement quant à la gestion d’une partie de la dotation globale horaire (DGH), en gros le stock d’heures pédagogiques (cours et autres) dont dispose l’établissement.

[7La décision courageuse de partir en grève reconductible et la mise en place d’AG de grévistes inter-établissements ont semblé être des cailloux dans la godasse du SNES-FSU. Inévitablement, une organisation à la base se heurte tôt ou tard aux logiques d’appareils et aux tractations bureaucratiques. Gageons que ce qui a été mis en place lors des différentes journées de grève de cette année scolaire (et les liens qui y ont été tissés) représente du temps de gagner pour la suite.

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