La déchéance de nationalité : un chiffon rouge ?

Chiffon rouge, locution : par allusion. à la cape des toreros
Agiter le chiffon rouge : mettre en avant un sujet polémique.

Cela fait désormais deux mois que l’espace médiatique est occupé par la question de la déchéance de nationalité. Le gouvernement a réussi, avec cette mesure, à décaler le débat et à occulter presque complètement le problème de l’état d’urgence, de sa prolongation et de son inscription dans la constitution.

Ce chiffon rouge arrange une grande partie des politicards qui ont foncé toutes cornes dehors :

  • La gauche : ça lui permet une indignation à bon compte et un simulacre d’opposition alors qu’elle a voté l’état d’urgence et qu’elle s’apprête à l’inscrire dans la constitution sans trop de problème.
  • Le gouvernement qui drague de cette façon la droite et l’extrême droite, pour avoir une majorité au congrès (Parlement+Sénat) afin d’inscrire l’état d’urgence dans la constitution.
  • La droite qui peut se solidariser à l’action gouvernementale qui correspond désormais à sa ligne xénophobe tout en marchandant l’extension de la déchéance aux délits.
  • Les fachos qui voit une mesure historique du FN être reprise.
  • Les gauchistes qui concentre une partie de leur critique sur une mesure qui leur permet de zapper un peu l’état d’urgence qui n’est qu’une caricature de l’état qu’ils ne remettent pas en question (on veut bien chanter A bas l’état policier ! mais pas A bas l’état ! Ou dire que l’état d’urgence n’est pas efficace : si il l’était les gauchistes l’accepteraient ?).

Chaque parti peut ainsi se positionner sans remettre en cause l’union sacrée autour de l’état d’urgence.

La technique du chiffon rouge est utilisée très souvent par les gouvernants. Son principe est simple : mettre en avant une mesure très polémique d’une loi, concentrer le débat public sur ça, pour faire passer la loi dans son ensemble et éviter qu’un véritable débat s’installe, quitte à revenir en arrière sur certains points, si la mobilisation contre le chiffon rouge est trop forte. Si aucun parti n’a dénoncé ce dispositif c’est que chacun-e y trouve un intérêt.

L’ensemble de la classe politique a collaboré a cette mise en scène avec ces nombreux rebondissements, plus absurdes les uns que les autres, histoire de réussir à garder l’attention des téléspectateur.ice.s : déchéance pour tou-te-s, pour les bi-nationaux, pour personne, créer des apatrides ou pas, ou juste une mesure d’indignation nationale. N’importe quelle connerie est bonne pour ne pas parler du reste et entretenir la confusion sur fond de soupe politicienne.

Bien sur, cette mesure n’est pas que cela, et elle doit être critiquée.

Une extension au plus petit délit commun

D’autant plus qu’au final elle risque de s’appliquer au « délit terroriste », comme par exemple l’apologie du terrorisme. Si cette mesure avait été mise en place l’année dernière, un-e collégien-e qui aurait dit dans sa classe un truc du genre « je ne suis pas Charlie », aurait put être privé-e de sa nationalité française et donc de ses droits. En tant qu’ anarchiste j’ai beau me foutre d’être français-e et ne pas défendre le droit, j’aime bien quand même bénéficier du RSA et des APL et d’autres droits et je sais que c’est beaucoup plus difficile d’y avoir accès quand on n’est plus français sans parler des facilités à franchir les frontières.

Un Valls, Un état, Une nation

C’est aussi une mesure politicienne pour draguer les fachos de la droite et du FN, qui vient alimenter le nationalisme, la xénophobie et le racisme. On vient recentrer le débat sur l’État-Nation qui serait menacé par des ennemis intérieurs qui bien que « citoyen-ne-s » n’en serait pas vraiment, des potentiels traîtres à la nation, qui viendrait certainement de l’étranger. C’est aussi une sorte d’injonction à tout-e-s à être fidèle à l’état et a devoir le prouver en permanence sous menace d’être déchu de ses droits. Le gouvernement crée deux camps la Nation et les Terroristes, si tu n’adhères pas à la Nation tu es terroriste. L’épée de Damoclès de la déchéance de nationalité menace d’innombrables têtes avec la notion fourre-tout de « délits » terroristes.

Une mesure coloniale

En faisant mine de ne pas le faire, elle s’adresse quand même aux bi-nationaux(c’est très peu probable que la france crée des apatrides) et en filigrane aux bi-nationaux des pays anciennement colonisé par l’état francais. Si ça a toujours été galère d’obtenir des cartes de séjours ou la nationalité française, le gouvernement socialiste envoi le message que même si tu l’a depuis trois générations tu pourra toujours être exclu-e, expulsé-e, que ne tu ne sera jamais « gaulois-e », qu’il faudrait renier tes origines, ta langue, ta culture, ta nationalité pour être « assimilé-e » complètement à la Nation. Une logique raciste et coloniale digne de la guerre d’Algérie et de son état d’urgence.

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