Le coming out masculiniste de Pièces et main d’œuvre

Depuis plusieurs années, nous tâchons de comprendre, pour mieux la combattre, l’une des formes de l’anti-féminisme qui se développe en France : le « masculinisme ». Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette vision du monde n’est pas seulement défendue par quelques machos militants. On trouve à gauche de la gauche, plus précisément dans certains milieux libertaires, anti-industriels et écologistes radicaux, le pire de ce que l’idéologie masculiniste peut produire. Dernièrement, un exemple nous a touché.e.s près. Les « individus politiques » grenoblois de Pièces et main d’œuvre ont publié un texte intitulé « Ceci n’est pas une femme. À propos des tordus queer ». Notre intention n’est pas de reprendre, pour le démonter point par point, le contenu entier de ce texte aussi confus que méprisant, qui révèle une profonde ignorance des sujets évoqués. Nous souhaitons en revanche nous concentrer sur les extraits qui signent le coming out masculiniste de PMO.

Depuis plusieurs années, nous tâchons de comprendre, pour mieux la combattre, l’une des formes de l’anti-féminisme qui se développe en France : le « masculinisme ». Nous dénonçons la montée des groupes qui défendent les intérêts des hommes et dont l’idéologie se structure autour d’un fantasme qu’on peut résumer ainsi :

  • le féminisme est allé trop loin, la société s’est « féminisée » et les femmes ont pris le pouvoir.
  • la masculinité est en « crise » et les « vrais » hommes, sont devenus des perdants. Symboliquement castrés, ils ont perdu leurs repères identitaires et leur place dans la société.

Les masculinistes ne se contentent pas de nier l’existence du patriarcat, en tant que système social de domination, au prétexte que l’égalité entre les hommes et les femmes serait « déjà là ». Leur imaginaire débordant va plus loin, produisant une fiction : la société « matriarcale » comme envers symétrique de la société patriarcale ; une société dans laquelle les femmes et les valeurs dites féminines asservissent les hommes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette vision du monde n’est pas seulement défendue par quelques machos militants. Dans le contexte réactionnaire actuel, elle se répand en transcendant les traditionnels clivages « droite » / « gauche ». Et en ce moment, le masculinisme « de gauche » se porte bien. Inutile donc d’aller se perdre sur les forums des « pères perchés », ni même de se fader les 540 pages du dernier best-seller de Zemmour. On trouve à gauche de la gauche, plus précisément dans certains milieux libertaires, anti-industriels et écologistes radicaux, le pire de ce que l’idéologie masculiniste peut produire. Dernièrement, un exemple nous a touché.e.s près. Les « individus politiques » grenoblois de Pièces et main d’œuvre [1] (qu’on abrègera ici en "PMO") ont publié un texte au contenu antiféministe, homophobe et transphobe qui n’est pas passé inaperçu dans les milieux militants. Intitulé « Ceci n’est pas une femme. À propos des tordus queer », ce texte méprisant est une violente charge contre des personnes et des groupes (femmes, lesbiennes, gays, trans, intersexes...). Mal dissimulée derrière une critique en apparence sophistiquée du Queer [2], ce pamphlet n’est en réalité rien d’autre qu’une attaque des fondements de la pensée féministe contemporaine qui a mis en évidence le fait que la naturalisation des « différences » entre femmes et hommes sert à justifier la domination de ces derniers. Si l’anti-féminisme de PMO n’était pour beaucoup qu’un secret de polichinelle, ce texte marque une étape de plus dans sa dérive réactionnaire. Malheureusement, toucher le fond n’aide pas toujours à remonter à la surface.

Dans ce texte, l’ennemi n°1 de PMO, c’est donc le « tordu queer ». Celui-ci dirigerait le monde aux côtés de ses alliés transhumanistes [3]. « Issu du milieu homo des universités new-yorkaises », il ne serait qu’un « rejeton de la technocratie bourgeoise » qui « écrase et méprise le peuple d’en bas ». Ce peuple, le « tordu queer » voudrait le « rééduquer », d’où « son effort d’entrisme dans l’enseignement, de la maternelle à l’université » [4]. Toujours dans ce texte, PMO brocarde et dénonce : les transsexuel.le.s / transgenres, que « les chirurgiens équipent ou débarrassent suivant les cas, d’un pénis détesté ou désiré », les intersexes (« Nous ne sommes pas tous intersexués, pas plus que nous ne sommes pas tous pieds-bots »), le « lobby LGBT » et « l’élite gay et lesbienne » qui aurait la mainmise sur le monde de la mode et voudrait « imposer l’homonormalité ». La liste de citations de cet acabit serait trop longue. Nous invitons les plus courageux.ses à se faire leur propre avis en lisant "Ceci n’est pas une femme". Nous savons que Pièces et main d’œuvre a pris pour habitude de diffuser des textes provocateurs et insultants, s’amusant à observer les réactions des un.es et des autres comme les scientifiques qu’ils combattent observent des cobayes dans une cage. Ce jeu ne nous amuse pas. Notre intention n’est pas de reprendre, pour le démonter point par point, le contenu entier de ce texte aussi confus que méprisant, qui révèle une profonde ignorance des sujets évoqués. Nous souhaitons en revanche nous concentrer sur les extraits qui signent le coming out masculiniste de PMO.

Lire la suite sur Indymedia Grenoble

Notes

[2En anglais, "queer" veut dire "louche", "bizarre". Originellement utilisé pour insulter les personnes qui ne rentrent pas dans la norme hétérosexuelle (homo, lesbiennes, trans...), le mot a été réapprorié par ces dernières pour revendiquer et affirmer cette position sociale.

[3Le lobby transhumaniste travaille à rendre l’humain immortel, par le biais d’une hybridation avec la machine.

[4II est intéressant de noter que cette idée est partagée par les partisan.e.s de la « Manif pour tous » : l’école serait envahie par le « lobby LGBT ».

Publiez !

Comment publier sur IAATA?

IAATA est ouvert à la publication. La proposition d’article se fait à travers l’interface privée du site. Quelques infos rapides pour comprendre comment y accéder et procéder ! Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous contacter.