Les conséquences du 21 février à Toulouse

Bilan et analyse des conséquences de la manifestation du 21 février à Toulouse.
Comme à chaque fin de manif, on panse ses plaies et on pense aux copains abandonnés, la tête plaquée sur le pavé.

Du monde sur la touche :

Bilan : 23 vitrines « vandalisées » et 15 interpellations, pour la plupart dans la dernière ligne droite des affrontements à armes inégales.
Mais du côté des flics, 3 fonctionnaires seulement sont touchés (sur 265 présents au total), on est plutôt afféré à rédiger du PV et arranger des déclarations concordantes pour obtenir des indemnisations.
Ce diable de préjuidice moral qu’ils ont subi en matraquant et gazant tous azimuts, aux frais du ministère de l’Intérieur, il faut vite le mettre sur papier pour qu’il soit recevable par le Proc.
Beaucoup se refont régulièrement la garde-robe de la sorte, car leur pantalon est tout crotté. Si seulement c’était que leur pantalon. Bref.

Suite aux GAV du samedi, les comparutions immédiates du lundi étaient attendues par quelques dizaines de proches des jeunes majeurs comparaissant.
Peine perdue, la moitié de la salle d’audience est occupée par une classe de collégiens, conviée pour l’occasion à faire le nombre, en plus des journalistes.
Le cordon de CRS posté devant le TGI pour l’occaz reste inflexible.
Audience inaccessible pour les parents donc. Justification : « La salle est pleine et les prévenus sont majeurs ».
Des peines légères, n’excédant pas les TIG et le sursis, ont été prononcées à cette occasion, faute de preuves et de parties civiles.
Le Parquet ayant fait appel de ces décisions « trop légères » aux yeux de l’État, les prévenus seront jugés de nouveau, à une date ultérieure, et ne sont donc pas tirés d’affaire.
À suivre, mais vue l’ambiance tendue reignant au Tribunal ces derniers jours, les condamnés risquent d’être jugés rapidement en appel, et en catimini.

Dès le lendemain, mardi 24 février, le ton change au Tribunal.
Hormis une personne relaxée, car sous le régime de la curatelle renforcée, les autres boucs émissaires ont douillé.
Après la visite d’un gradé de la police dans la salle des délibérés, deux des prévenus, déjà sous le coup de peines avec sursis, écoperont de 6 mois fermes, et rendront son sourire au Procureur.
Un autre, bénéficiant pourtant de solides garanties de représentation, et refusant la comparution immédiate pour préparer sa défense, devra patienter à Seysses jusqu’à sa prochaine audience, dans un mois.
La « sévérité exemplaire » des peines prononcées est représentative de la démarche punitive de l’appareil répressif français, face à un mouvement social en déficit d’organisation, en comparaison avec celui de Nantes par exemple.
Cependant, les motivations de ces décisions peuvent aussi nous éclairer sur la teneur du mouvement social à Toulouse.

Faites entrer l’accusé :

Commençons donc par une citation du Figaro : « Me Hélène Pronost [L’avocate de Vincent], s’est interrogée : "C’est une peine très sévère. Il paie pour le climat général ?" » [1]
Un jeune de 19 ans, employé à la Mairie en CDD, identifié uniquement par son jogging blanc, qui prend 6 mois fermes pour outrage et jet de projectiles vers les forces de l’ordre, sans aucune preuve matérielle, ni dommage corporel, ce n’est pas de la sévérité mais de l’acharnement.
Souligner son œil au beurre noir à l’audience relève presque de l’anecdote, et ça en devient révoltant.

Sévère et incohérent, comme la décision d’envoyer un homme alcoolique (et très alcoolisé au moment des faits) en prison pour 6 mois, sous prétexte qu’il n’a pas de domicile fixe, et qu’aucune mesure de contrôle judiciaire n’est donc envisageable.
En aucun cas, le tribunal ne se sera penché sur l’état de santé du prévenu, au chômage, qui vivait actuellement à la ZAD du Testet, le carricaturant comme marginal, et désignant ainsi un coupable face à la Partie Civile commerçante.
Il aura été identifié comme l’auteur de dégradations grâce aux vidéos trouvées sur Youtube durant la GAV, le Proc peut donc remercier les journalistes et manifestants you-entubeurs qui publient des vidéos de débordements, sans montage ni floutage préalable.

Pour conclure, il est utile de préciser un argument de procédure juridique, employé par les avocats de la défense : « Le régime d’exception des délits politiques » et ses « infractions connexes ».
Ces infractions particulières [2] donnent accès à un régime d’exception, ne permettant pas la procédure de comparution immédiate, du fait de leur caractère politique (Article 397-6 du code de Procédure Pénale).
Autrement dit, si cette manifestation et les évènements en découlant avaient été considérés « à mobile politique » par le Tribunal, il se serait déclaré incompétent pour statuer en comparution immédiate.
Ça ne s’est évidemment pas produit.
C’est un cas de figure semblable à celui du délit d’apologie du terrorisme, sorti du domaine du Droit de la Presse pour être soumis au Droit pénal en novembre, et autorisant donc le jugement en compa immédiate [3].
De là à dire que cette manifestation a été le Dieudonné [4] du TGI de Toulouse, il n’y a qu’un pas, en termes juridiques, mais pas que.

Ce constat et ces exemples ne sont pas liés à une démarche de victimisation, mais de responsabilisation individuelle et collective, pour une réelle solidarité cohérente dans les mouvements sociaux toulousains, où nous sommes nombreux à se connaître, peu à être soudés, et beaucoup à rester sur le carreau.
Un mouvement social ne peut pas céder aux sentiments de confusion et de tension, ne peut pas laisser de places aux individualismes affinitaires ou non, quand on se retrouve matraqué, gazé ou encerclé ensemble, il est nécessaire pour tous de rester unis. C’est la seule force du Peuple.
Et lisez les flys de la Legal, ça peut toujours servir...

Solidairement.

Un manifestant lambda.

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