Loi Elan acte 2, la carotte

La loi Évolution du Logement et Aménagement Numérique (ELAN) entend lutter contre les squats par la répression et par la normalisation. Si la loi n’est pas encore promulguée la version adoptée par le Sénat fin juillet 2018 sera certainement définitive. La stratégie répressive a fait l’objet d’un précédent article, nous aborderons ici le côté plus sournois de cette législation.

Légalisation

L’article 9bis de la loi [1] n’a pas eu l’honneur de la publicité pourtant il va ouvrir une « série d’opportunités » pour pas mal de structures qui font de la charité leur métier. Il vient renforcer et systématiser, sous la forme d’une expérimentation, des choses déjà existantes.

Il est institué, sur l’ensemble du territoire et à titre expérimental, un dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires, notamment à des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social.

Ben voilà les squateureuse viré.es par une porte reviennent bien propreté.es, bien encadré.es, bien normalisé.es, sous la forme de « résidents temporaires » en charge de la protection et la préservation des locaux vacants. Deo gratias la startup nation n’oublie pas les valeurs de la république. Et attention ce n’est pas pour faire n’importe quoi, mais bien pour accomplir de nobles missions « hébergement, insertion, accompagnement social ». Au moins, on n’aura pas fait une licence de socio ou une école d’éduc pour rien… Mais attention, n’importe qui ne pourra pas prétendre à faire n’importe quoi.

Sont agréés par l’État, au vu de leurs compétences à mener des travaux d’aménagement et à organiser l’occupation de bâtiments par des résidents temporaires, les organismes publics, les organismes privés ou les associations qui mettent en place un dispositif d’occupation temporaire de locaux en vue d’en assurer la protection et la préservation.

Il va falloir se faire agréer, montrer patte blanche et se subordonner aux pouvoir public. Et surtout, « accueillir le bon public »…

L’agrément de l’État peut être subordonné à des engagements de l’organisme ou de l’association (…) quant aux caractéristiques des résidents temporaires, et notamment en faveur des personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 345‑2‑2 du code de l’action sociale et des familles.

 [2]

Nous y voilà donc comme, en Suisse, en Allemagne, en Hollande, un encadrement légal qui va permettre de donner les moyens à des associations à visée humanitaire de donner des solutions aux problèmes de logement. C’est que, dans pas mal de ville, une grande part de l’hébergement d’urgence est assuré par des structures illégales. L’Etat ne peut pas tout, alors si vous avez un peu de temps libre… Bien évidemment cela ne va pas lever les difficultés pour trouver des propriétaires disposer à passer contrat, mais c’est un dispositif qui, couplé à une augmentation de la répression, peut changer pas mal de chose.

Convergences

L’article précédent focalisé sur le versant répressif avait évoqué le projet de loi d’un député LR du Vaucluse. Sans détour il visait à criminaliser le squat et, lui aussi, prévoit une porte de sortie légaliste en obligeant tout « occupant à titre gratuit » à signer une convention avec le propriétaire.

À compter de la promulgation de la présente loi, toute occupation à titre gratuit d’un bien immobilier doit faire l’objet d’une convention signée entre le propriétaire et l’occupant.
Par cette convention, le tiers occupant à titre gratuit s’engage à entretenir comme il se doit l’immeuble occupé et le propriétaire à fournir un logement digne.
Sans préjudice de l’article 1240 du code civil, le tiers occupant à titre gratuit est responsable de l’entretien du bien qu’il occupe. Lorsqu’il souhaite quitter celui-ci, il prévient par courrier avec accusé de réception le propriétaire de son départ. Il dispose alors de trente jours à compter de la date d’envoi pour quitter l’immeuble

.

Cette concession à la gratuité n’est pas une nouvelle lubie de la bourgeoisie mais la conscience que le logement comme marchandise ne peut pas suffire à couvrir tous les besoins. Dès lors pour protéger cette marchandise il faut en organiser l’accessibilité, la paix sociale est à ce prix.

Défi politique

Nous voyons aujourd’hui le résultat d’une séquence de propagande de la droite et de l’extrême droite contre les squats. Depuis l’affaire dite Maryvonne où l’extrême droite avait utilisé un cas d’une vieille dame dont l’une des propriétés avait été squatté pour faire croire qu’elle était spoliée de ses biens [3]. C’est très clairement cet assimilation entre « on vient chez moi » et on « squatte un logement vide » qui est utilisé pour criminaliser le squat, et c’est encore l’idée véhiculée à la une des torchons locaux en cette rentrée 2018 Mais la nécessité d’encadrer un accès au logement en dehors du marché et du logement social pour résoudre certain problème est aussi une donnée incontournable depuis quelques années. Comment faire pour se battre pour défendre l’occupation de logement vide contre la spéculation et le logement marchandise ? Des occupations pour s’organiser contre ce monde tel qu’il ne va pas ? Comment faire pour que le squat reste un des outils de lutte et non pas seulement une solution pour résoudre des moments de détresse ? Bien évidemment qu’il n’y a rien à redire à cette nécessité et les moyens mise en œuvre pour y faire face, c’est justement le problème. Nous risquons d’être mis assez rapidement face à ce dilemme et va falloir être maline pour conserver des espaces de lutte.

Notes

[1version du sénat consulté en août 2018, consultable en ligne.

[2Cet alinéa stipule que "Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence".

[3Voir cet article, qui retrace déjà des propositions de loi qui, se saisissant du fait divers, tentent d’attaquer les squat on retrouve déjà le petit Aubert qui ne se lasse pas de faire passer son texte de lois tout les ans

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