31 mars 2016 : Toulouse s’est réveillée

En route pour le 32 mars.

On a déprimé collectivement à la Chapelle, on s’est regardéEs en chiens de faïence au 32 mars, on a manqué des occasions en manif. On a pris l’eau et on a cru couler. On s’est vuEs regarder passer le mouvement social comme on regarde passer les trains. Nous, Toulouse, traditionnellement les premiers à bloquer et les derniers à débloquer. Honte et affliction. Quelle mouche nous avait piquéEs ?

On manquait pas de raisons de baisser les bras : les votes de division au Mirail, les syndicats à la préfecture pour organiser la répression, notre maison du 32 mars expulsée la veille du grand rendez-vous...

Et pourtant. Malgré les échecs, on était aussi nombreusEs aux premières assemblées qu’aux dernières. On n’a jamais cessé de se retrouver, d’essayer, de chercher des chemins de traverse, de tracer des lignes de fuite. Des amitiés s’étaient créées. Il est des visages et des voix que l’on aime à regarder et à écouter, et cette chaleur au fond du cœur a raison de bien des défaites.

On s’est retrouvéEs le 31 mars dans la rue sans trop d’espoir, amputéEs que l’on était de nos 19 copains et copines arrêtéEs la veille. Le cœur n’y était pas… Mais ne s’était-on pas promis de faire du 31 mars un point de départ ? Ne devait-on pas au moins ça aux inculpéEs du 32 mars ?

C’est à 12h15 que des étudiantEs du Mirail ont décidé d’honorer ces promesses. Il aura suffi d’un mouvement bien senti, d’un pas de côté... La rue de Rémusat nous ouvre les bras et nous nous y engouffrons, hurlant, dansant, repeignant les murs On est un millier à avoir fait sécession du reste du troupeau pour aller déverser trois semaines de frustration dans les rues de l’hypercentre.

On fait raisonner des "Toulouse, réveille-toi" dans la rue du Taur, on baricade à Saint-Pierre, on déborde les flics partout, on vibre collectivement.

On retrouve un millier de manifestantEs à Saint-Cyprien. C’est le reste du cortège, les vivantEs, celleux qui ont refusé de rentrer chez elleux après l’inconséquente balade que leur avait concoctée les syndicats. LycéenNEs et inexpérimentéEs pour la vaste majorité, ils et elles sont méduséEs devant l’agressivité des flics. Des remarques d’une naïveté désolante fusent : « c’est ça, la démocratie ?! »

Mais ils et elles ne mettent pas bien longtemps à me faire ranger ma condescendance au placard. Pendant que des dizaines de lacrymos font disparaître la place Saint-Cyprien dans un épais brouillard, les CRS chargent. Ca crie, ça pousse, ça tombe.

Alors que le nuage commence à se dissiper et que tout le monde s’est relevé, l’inattendu se produit.

Les mots ne suffiront pas, car il fallait les voir, ces lycéenNEs aux yeux rougis, silhouettes dans les lacrymos, revenir lentement sur leurs pas, en bloc, et hurler à la face des keufs : « ON LÂCHE RIEN ! ».

Je n’en crois pas mes yeux, au moins 500 personnes avancent, reprennent le terrain qu’on leur avait volé. Je retrouve des regards familiers, des sourires complices.

Pendant plus d’une heure, on tiendra la police en respect, en répliquant à chaque charge, à chaque tir. A leurs gestes robotiques et désincarnées, on répondra par toujours plus de rage, toujours plus de vie. Pendant que les unEs allument des poubelles, les autres renvoient les palais de lacrymo. Sens du vent aidant, les bleus s’étouffent dans leur propre gaz, provoquant l’hilarité générale.

Des nouvelles nous parviennent, et elles sont bonnes. L’avenue de Grande Bretagne est sens dessus dessous, des petits groupes foutent le bordel un peu partout, les flics paniquent au point de se rentrer dedans en bagnole. Avenue Etienne Billières, ils continuent de charger, on continue de revenir, aussi sûrement que les vagues sur un récif.

Un mois d’attente. Mais plus de doute.

Toulouse s’est réveillée.

Et elle nous promet des matins blêmes.

Crédit photo Maxime Reynié

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