Une matinée en gilet jaune

Une matinée en gilet jaune sur les blocages du nord de Toulouse. On y était pas pour ça, mais ça nous a semblé intéressant de partager ce qu’on y a vu en écrivant ce texte.

A quelques-un.es, on a décidé de rejoindre les gilets jaunes ce vendredi matin. L’idée était de rencontrer des gens, d’échanger, de filer un coup de main pour tenir des occupations ou blocages. On a décidé d’aller sur des points au nord de Toulouse, autour de la raffinerie de Lespinasse. La possibilité de participer au blocage de la raffinerie ça nous semblait avoir du sens et puis pour être passé en voiture sur ces blocages plusieurs fois, les gens là-bas avaient l’air sympas. Si on en croit ce récit publié sur rapportsdeforce.fr l’ambiance par là semblait être au rejet des tentatives de récupération par le RN [1].

Au rond-point de Lespinasse, on est accueillis chaleureusement. Les gens qui sont là se connaissent uniquement parce que depuis des jours - voire depuis le début - ils se relaient sur ce point (parfois bloquant, parfois filtrant). Il y a des retraités, mais aussi des gens qui bossent et viennent tenir le lieu sur leurs créneaux disponibles. Un feu régulièrement alimenté par des palettes permet de se réchauffer. Dans une cabane qui y a été construite, on trouve tout un tas de nourriture amenée chaque jour par les gens qui passent ou restent.

Quand on y arrive, quelques personnes arrêtent les camions qui arrivent au rond-point après avoir été ralentis par une chicane. Ils leur disent bonjour, leurs demandent ce qu’ils pensent du mouvement, avant de leur souhaiter du courage pour leur journée de boulot et de leur demander juste de faire un tour du rond-point au ralenti pour montrer leur soutien. C’est efficace puisque ça ralentit considérablement le trafic, et l’ambiance est plutôt bonne : beaucoup de gens s’arrêtent volontiers pour discuter parfois même longuement, même après avoir été bloqués. Au doigt mouillé, on constate que les quelques personnes visiblement énervées, fermées ou hostiles, conduisent en moyenne des bagnoles plus chères que les autres.

Les gilets jaunes ont arrêté, pour l’instant, de tenter de bloquer la raffinerie voisine. Chaque tentative précédente s’est soldée par une expulsion par les flics. Un gars déplore « même avec les tracteurs et les tas de fumiers, ça a pas tenu, il faudrait qu’on soit 400, 500, sinon on se fera défoncer ». Les avis des gens qu’on croise convergent pour trouver dégueulasses les violences à coups de flashball et lacrymo de la police lors des manifestations. Certains critiquent la présence de casseurs « qui divisent le mouvement », autant d’autres constatent que ce n’est depuis qu’il y a eu de la casse et le bordel aux Champs-Élysées que le gouvernement commence à lâcher des choses.

Un automobiliste affiche son soutien et après s’être assuré que les gendarmes présents ne peuvent pas l’entendre, raconte qu’il a fait mai 68 et qu’alors « ils se sont fait bastonnés par les flics, mais ils les ont aussi bien bastonnés ». Cela nous semble irréel de voir cette cohabitation sympathique avec les deux gendarmes en faction sur le rond-point en même temps qu’une dénonciation des violences policières. Sur un autre rond-point, un jeune nous dit que selon lui « à la campagne, les flics ils sont tranquilles, ils vivent là, alors qu’en ville, ils sont déconnectés et viennent casser du noir, de l’arabe, même des blancs... enfin des blancs en survet, quoi ».

Spontanément, la plupart des discussions portent sur le travail. Les gens communiquent facilement sur leur salaire (souvent pas bien au-delà de 1500€). Au final, seule une personne dit rapidement qu’« il y a trop de taxes en France », mais ce qui semble préoccuper de manière partagée, c’est le coût de la vie en général, les bas salaires et l’arrogance du pouvoir. Sur le rond-point de Bruguière, les panneaux abordent la question de classe sans équivoque :

Macron l’heure de la révolution est arrivée (à côté : la classe laborieuse est là !)
Révoltés de voir appauvrir les plus pauvres au profit des plus riches !!!

On a croisé une personne qui souhaite se rendre à Paris pour la manif de samedi, plusieurs qui iront manifester à Toulouse, d’autres préfèrent rester tenir les ronds-points. Une personne croisée était d’ailleurs à Toulouse le lundi précédent (3 décembre) avec son gilet jaune pour apporter du matos de soin aux lycéen.nes qui manifestaient au centre ville.

On est conscient qu’on n’est pas resté très longtemps et que les personnes à qui on a parlé ne représentent qu’elles-mêmes. Il serait donc complètement abusif de tirer des grandes généralités sur le mouvement des gilets jaunes. De ce qu’on a pu voir, il nous semble impossible de parler d’un « mouvement de fachos ». Il y avait, certes, un drapeau français sur chaque point, mais rien de plus. On a pu entendre quelques comportements racistes ou homophobes, mais pas plus que la moyenne de ce qu’on peut voir ailleurs. Les personnes rencontrées ne sont pas toutes blanches (très peu de femmes par contre), et clairement membres de la classe populaire. Le rejet de toute organisation était unanime, et si quelques-uns se rendront peut-être à l’AG de dimanche (9 décembre) à Sesquière, on a plus ressenti une indifférence ou un rejet affirmé de toute forme de représentation.

Y’avait en tout cas beaucoup de chaleur, de soutien de la part des personnes en voiture, de joie de se rassembler et de discuter, et une grande révolte.

Notes

[1Rassemblement National, nouveau nom que c’est donné le parti de la famille Le Pen

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