A nos amis, copains, amoureux, amants, militants avertis et anti-sexistes aguerris

Sur le virilisme en milieu militant, appel à la remise en question.

Toujours nous voulons croire qu’il n’y a pas meilleurs alliés que vous, vous qui savez, vous qui parlez de l’anti-sexisme, vous qui respectez les espaces de non-mixité et vous interrogez sur les questions de genre. Toujours nous voulons fermer les yeux, vous accorder notre confiance sur le plan du sexisme et croire que vous pourrez vous battre avec autant de force que nous contre le patriarcat. Et toujours, nous nous trompons. Vous êtes les plus dangereux, ceux auxquels on ne fait plus attention, ceux qui ont compris un tout et oublient, parfois, de se remettre en question.
Vous contrôlez votre langage, vous n’employez plus d’insultes putophobes, vous féminisez vos textes.
Vous reprenez vos copains quand ils se trouvent être oppressifs, vous laissez la parole aux groupes non-mixtes, vous ne vous opposez plus aux exclusions ou remise en question d’autres hommes aux comportements problématiques. Vous les approuvez même, parfois.
Vous lisez des brochures, parfois, et vous écoutez les critiques des filles quand elles vous trouvent virilistes.
Vous vous faites vos auto-critiques.
Mais il est trop facile de vous laisser reprendre de vieilles habitudes, de si petites choses qu’elles paraissent n’être rien. De si petites choses qu’en notre for intérieur, au moment de les contester, comme depuis notre naissance, nous nous demandons « est-ce que c’est moi qui en fait trop ? », « est-ce que c’est une question d’ego ? ». Nous sommes conditionnées à nous replacer selon notre « position de femme » et nous avons alors du mal à nous imposer face à vous, à nous trouver légitimes et à vous envoyer chier en vous faisant remarquer votre attitude malvenue ponctuée d’un trop plein de testostérone.
Quand, dans le cadre d’actions, d’ouverture de squatt, de préparation de manifs, vous formez des groupes masculins dans lesquels il semble impossible d’entrer ; que, physiquement, vous formez un cercle impénétrable de discussion. Quand nous avons l’impression que les plans secrets des actions ne sont dicibles qu’aux oreilles d’un autre mec, et que nous n’y aurons jamais accès. Quand nous nous proposons pour des actions qui nous tiennent à cœur et que nous sommes évincées sans savoir pourquoi ; que parfois, nous demandons pourquoi et que vous ne nous aviez même pas entendues, regardées, considérées et que pourtant nous nous souvenons clairement l’avoir dit plusieurs fois. Quand nous annonçons des nouvelles importantes en réunion, et que personne ne nous écoute ; quand vous répétez immédiatement ce que nous vous avons appris et que vous êtes, vous, écoutés. Quand vous balayez nos interventions par une autre sur un autre sujet, et que c’est comme si la nôtre n’avait jamais existé. Quand vous nous demandez cinq fois confirmation, ce qui nous fait systématiquement nous demander si vraiment, vous nous accordez votre confiance. Quand, enfin, pour trouver notre place parmi vous, nous reproduisons des schémas autoritaires qui auraient été qualifiés de virilistes s’ils avaient été appliqués par des hommes.
Bien sûr, qu’il y a une question d’ego. Mais votre ego, à vous, prend toute la place, tout le temps, depuis toujours dans nos vies. Nous avons le droit à un peu d’ego ; nous avons le droit à votre considération. Vous ne faites que savoir, vous ne faites que comprendre : vous ne ressentez pas. Vous ne ressentez pas la rage qui monte du fond de nos tripes quand on nous exclut pour le simple fait d’être une femme. Et nous ne réagissons pas, nous ne réagissons plus. Nous réagissons tous les jours depuis que nous avons décidé de combattre le sexisme mais avec vous nous ne réagissons plus, parce qu’il est difficile d’aller voir les gens qu’on aime pour leur dire « tu m’emmerdes ». Vous n’êtes pas des inconnus, nous vous considérons comme des alliés. Vous êtes nos amis, vous êtes nos proches. Et nous savons intérioriser, éponger, accumuler et passer au-dessus mais il faut le dire : CA SUFFIT. Vous, les « Action Men », devez continuer à vous remettre en question à défaut de ressentir ce que nous ressentons et de vivre ce que nous vivons. Non, nous n’exagérons pas. Oui, il s’agit de virilisme et de sexisme. Non, il ne « suffit pas d’ouvrir sa gueule ». Non, ça n’est pas de notre faute si nous n’arrivons pas à vous le dire. Oui, nous vous l’avons déjà dit. Oui, nous vous le dirons encore. Non, vous n’êtes pas déconstruits.
Nous sommes nous-mêmes en pleine déconstruction, parce qu’il est plus que difficile de se défaire de tout ce que la société nous enseigne et ancre en nous, mais nous avons besoin de pouvoir être entendues. Nous avons besoin de ne pas avoir besoin de votre approbation pour nous sentir légitimes. Nous avons besoin que vous ne vous arrêtiez pas à la première étape et que vous continuiez de vous poser des questions autant sur le plan personnel que sur le plan militant.
Prenez les devants, remettez vous en question. Demandez à vos copines, à vos amantes, aux filles autour de vous, à celles qui vous écoutent, à celles qui vous rentrent dedans, à celles qui ne parlent pas trop, à vos amies, à celles que vous adorez, à celles que vous connaissez peu mais que vous aimeriez connaître ; demandez-leur à toutes, quand vous avez un doute, même infime, ou parfois quand vous n’avez pas de doute. Demandez-leur « j’ai été oppressif ? », « tu trouves que je suis parfois viriliste ? », « est-ce que tu t’es déjà sentie exclue à cause d’un de mes comportements ? ». Posez-vous ces questions, posez-leur ces questions. Continuez de lire des brochures. Continuez d’avoir des discussions. N’attendez pas que ces conversations viennent à vous, provoquez-les. Devenez vraiment nos alliés.

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