En voulant criminaliser l’activisme des militants handicapés, la justice s’est ridiculisée. Elle ne pouvait pas faire une démonstration plus éclatante de l’incompréhension et du mépris des institutions envers les personnes handicapées, ainsi que du bien fondé et de l’urgence de nos luttes.
Nous, militants d’Handi Social, dénonçons les conditions "indignes" dans lesquelles s’est déroulé le procès de 16 personnes en situation de handicap et leurs proches, qui s’est tenu au tribunal de Toulouse, mardi 23 mars, pour avoir “entravé” la circulation ferroviaire et aérienne en 2018. Alors qu’il y a plusieurs millions de personnes handicapées et à mobilité réduite qui sont entravées et pas seulement une heure, durée de nos actions. Mettre cela en balance, c’est indigne, alors que les reculs de nos droits fondamentaux entravent nos vies et notre autonomie de manière permanente.
Tout a commencé par l’impossible accès en autonomie en fauteuil roulant au tribunal à cause d’un monte -charge, de surcroît branlant et sale, dans un tribunal incapable de mettre à disposition, conformément aux textes en vigueur, le registre public d’accessibilité ni l’arrêté d’approbation de l’Ad’AP (agenda d’accessibilité programmé).
Ensuite, nous n’avons reçu les convocations que douze jours avant la tenue de l’audience. Pour produire des témoins, il faut le faire dix jours avant. Donc on nous a mis dans une situation où matériellement, on ne pouvait pas fournir de témoignages ni d’éléments.
On a bien vu que le tribunal n’avait rien fait pour nous permettre d’avoir un procès équitable et qu’aucun moyen de compensation n’avait été prévu ni mis en place afin que nous puissions nous exprimer individuellement devant la justice. Micros non fonctionnels rendant l’écoute des débats difficile voire impossible pour les personnes présentant des troubles auditifs, absence d’interprète pour l’une d’entre nous alors même que la justice était au courant depuis 2 ans de ses problèmes d’élocution, aucune compensation pour une autre qui est très mal voyante... Aucune assistance pour nombre d’entre nous pour accéder aux sanitaires, obligeant certains à porter des couches ! Une autre s’est urinée dessus pendant l’audience !
Nous sommes en colère pour les risques sanitaires liés à la Covid auxquels nous avons été exposés durant cette audience dans la mesure où la jauge de 28 personnes maximum dans la salle et les règles de distanciation sociale et d’évacuation n’étaient pas respectées. Nous étions 45 en début d’audience et 35 en fin d’audience, durant 8 heures, soit en violation manifeste avec les règles nationales et celles fixées par le Président de juridiction lui-même. Alors même que certains d’entre nous présentent plusieurs comorbidités ce qui a été rappelé au Tribunal à plusieurs reprises.
Enfin, nous nous indignons de l’inflexibilité et de l’inhumanité du tribunal qui a refusé de suspendre l’audience à 20h, avant les plaidoiries qui allaient terminer à 22h, malgré les 5 demandes explicites de nos avocats, et qui nous a empêché de regagner nos domiciles en temps et en heure afin de bénéficier des transports spécialisés nécessaires annulés après 20h et d’auxiliaires de vie pour pouvoir manger, se laver, se coucher indisponibles après 22h. La majorité des avocats des parties civiles ont d’ailleurs évoqué leur malaise quant aux conditions du procès et l’un d’eux a même exprimé de la “honte”.
Cette atteinte manifeste à nos droits fondamentaux nous a placés dans une position telle qu’il a fallu occuper le Tribunal de Toulouse afin d’obtenir, par pur rapport de force, une solution de secours, très imparfaite puisque c’est encore les militants les plus valides qui ont dû assister certains d’entre nous pour manger, se laver et se coucher ! Nos avocats ont proposé au Président du Tribunal de contacter Tisseo pour réquisitionner des Mobibus, ce qui a effectivement été réalisé afin d’éviter un nouveau scandale, mais sans faire disparaitre que nos camarades qui se retrouvent quotidiennement confrontés à des besoins de déplacements urgents ne bénéficient pas des mêmes réponses dans l’indifférence absolue.
Plus encore que toutes les institutions qui chaque jour nous humilient et nous mettent en danger, faute d’accessibilité et de compensation de nos handicaps, la justice a démontré à quel point nous avions été légitime à agir et à quel point la relaxe devrait être de droit. Nous attendons désormais le délibéré qui sera rendu le 4 mai prochain afin de voir si la justice continuera son oeuvre de déshonneur ou reconnaitra la légitimité de notre combat pour l’accessibilité.
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