Suite aux nombreux articles de presse parus ces derniers jours sur la situation de Jennifer, une femme trans incarcérée à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses depuis juin 2020, nous - collectif de soutien– souhaitons prendre la parole pour rétablir les faits et dénoncer les propos discriminants portés à son encontre.
Depuis le premier jour de son enfermement, Jennifer a été placée à l’isolement au quartier hommes de la maison d’arrêt. Pendant 9 mois, elle n’a vu aucune autre personne incarcérée, n’a eu accès à aucune activité et la « cour de promenade » à laquelle elle avait accès était celle de tout isolement : minuscule et grillagée. Ses seuls contacts humains au quotidien étaient avec les surveillants : insultes, humiliations et autres traitements irrespectueux parmi lesquels le refus de la genrer correctement.
A la lecture de certains articles, on pourrait croire que l’obtention d’un changement d’état civil est une procédure simple et rapide. Et que Jennifer aurait donc obtenu son transfert au quartier femmes de la maison d’arrêt en un claquement de doigts. C’est faux. Il faudrait prendre la mesure de la complexité dans le temps et de la réalité d’un parcours de transition.
Oui, Jennifer a sollicité son changement d’état civil auprès du tribunal judiciaire. Mais un parcours de transition est long et compliqué. Aujourd’hui encore, en 2021, accéder à un parcours de transition médical et administratif (hormonothérapie, chirurgie, changement d’état civil, etc..) prend plusieurs années et les personnes font souvent face à de trop nombreux obstacles. Incarcéré-e, il est encore plus difficile d’accéder à ce parcours, ou de continuer à y avoir accès
Ce n’est pas sans peine et sans soutien que Jennifer est enfin parvenue à demander le changement de son état civil. Par ailleurs, elle n’a pas été extraite de sa cellule pour assister à sa propre audience de changement d’état civil.
Par décision de justice, elle a malgré tout obtenu le changement de son état civil. Et c’est la juridiction qui a rendu cette décision qui en a informé la maison d’arrêt. C’est dans ce contexte que la direction de la prison a décidé de transférer Jennifer au quartier femmes : toujours à l’isolement. Cependant, depuis son transfert, elle a enfin accès à la cour de promenade commune et aux activités avec les autres personnes incarcérées.
Toutefois, le flot de fausses informations et de discriminations ne cessent pas. Preuve en est l’étalage dans la presse de la parole des surveillantes sur une situation qui mobilise surtout leur manque de connaissance et de sensibilisation à propos des questions de transidentité, en plus de leur manque de connaissance des textes de lois. Les textes prévoient qu’une femme au sens de la loi, doit être enfermée au quartier femmes. N’en déplaisent aux surveillantes.
Nous sommes outré-es de l’aisance qu’ont eu de trop nombreux médias à relayer des propos voyeuristes, humiliants et déshumanisants qui portent atteinte à l’intimité et à la dignité de Jennifer. Certains l’ont également mégenré ouvertement. De tels propos sont clairement transphobes, niant son identité et son intégrité.
Quant à la demande des surveillantes de transférer Jennifer à Fleury-Mérogis, où il y aurait un quartier spécifique pour les femmes trans dans la prison, il convient de clarifier que ces femmes sont à l’isolement au quartier hommes. Elles revendiquaient d’ailleurs en 2019 un accès au sport, à une cour de promenade extérieure et aux mêmes activités que les autres personnes incarcérées.
Depuis de nombreuses années, des collectifs comme le PASTT, Acceptess-T, le Genepi et autres associations luttent pour « améliorer les conditions d’incarcération » des personnes trans et les soutenir. Nous nous inscrivons dans la continuité de ces luttes.
Nous nous opposons au transfert de Jennifer à Fleury-Mérogis qui représenterait une dégradation de ses conditions actuelles d’enfermement et qui, en plus, l’éloignerait de ses proches et soutiens.
Contact presse : solidaritejennifer@riseup.net
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