Communiqué du collectif d’orga suite à la « marche » de nuit féministe en mixité choisie sans mecs cis du 25 novembre

Un grand merci aux personnes présentes, à celles qu’auraient voulu l’être, à celles qui l’étaient de loin et qui ont soutenu la marche à distance. C’était incroyable, comme un virus dans leur système d’exploitation. On a fait trembler le goudron, hurler le vent et les voisins, on a fait peur, on a fait fureur, on était là, on n’avait pas peur, on était en furie, on n’a rien laissé aux gars cis, on a pris le temps, on a pris la rue, on a posé notre rythme, on a clamé nos chants, rappé et screamé nos sons. On était beaucoup et on a kiffé nous voir si nombreux.ses !

C’est beau dit comme ça. Mais c’est pas tout. C’était pas que ça. C’est triste, c’est révoltant, qu’il faille encore prendre les devants, encore combattre les systèmes d’oppression au sein de nos marches. Mais il est hors de question de se taire et de laisser faire.

Nous, le collectif d’orga, dénonçons de manière catégorique les comportements transphobes, interesexophobes, non-binairophobes, qui se sont sentis la légitimité et l’aisance d’exister dans cette manifestation. Solidarité totale envers les personnes concernées et le collectif CLART-I qui ont et auront TOUJOURS leur place dans le mouvement féministe, sans avoir à le prouver.

Nous dénonçons les comportements oppressifs visant à exclure les personnes concernées par la mixité choisie de cette marche. Comportements qui ont eut lieu avant, pendant, et après la marche, notamment sur les réseaux sociaux.
Cette mixité, sans mec cis, est un choix politique affirmé, assumé, et défendu par le collectif d’orga.
Nous nous positionnons clairement contre toute atteinte et toute remise en question de la présence de personnes concernées par cette marche.
Nous nous positionnons radicalement contre la négation de la présence et de l’existence des mecs trans, des personnes en questionnement, des personnes non-binaires et des personnes intersexes au sein de cette marche, de nos luttes, et de notre féminisme.

Si ça te gêne, si tu restes persuadée que seule toi, personne assignée ou se désignant comme femme, est légitime à être ici dans cette "marche", tu as tort et tes comportements transphobes, interesexophobes, non-binairophobes ne sont pas tolérés avant, pendant et après la "marche".

Quand tu vas agresser une personne en l’alpaguant pendant la manif pour savoir si c’est un mecs cis, pour le.la virer, le.la genrer comme bon te semble, tu n’as pas ta place au sein du cortège.

Quand tu écris un commentaire ou un statut sur les réseaux sociaux pour remettre en cause la légitimité des personnes non "femmes" à être présent.e.s, à prendre la parole, à être visible au sein de la manif, tu te positionnes en contradiction profonde avec les bases politiques de cette marche.

Nous ne souhaitons pas minimiser, ni invisibiliser, les agressions sexistes très violentes et quotidiennes que subissent les femmes trans dans la rue et ailleurs, néanmoins nous dénonçons les pratiques politiques visant à mépriser et exclure les autres identités de genres opprimées dans le seul but de servir une soit disant "cause des femmes" avant tout.

On se rassemble dans ce cortège, sans mecs cis, pour changer le rapport de force et être en force ensemble.

D’ailleurs les mecs cis qui nous observent, que ça fait marrer, alors qu’on prend la rue, qu’on prend jean jaurès, on vous voit, on vous oublie pas, on vous retrouvera. Toi qui a agressé le cortège de tête, qui avait sa voiture garée sur le trajet, on t’oublie pas non plus.

En parlant du cortège de tête, voici un communiqué du collectif des Sales Races auquel nous apportons notre soutien :

Nous sommes les sales races et nous sommes en colère.
Plusieurs dynamiques nous ont posé problème, fait offense, et corroboré des systèmes de violence lors de cette marche de nuit.
Nous déplorons un manque total de soutient de la part de nos camarades blanc-he-s. Ce qui n’est pas dû à l’organisation de la marche, la présence d’une voiture PMR ne pouvant décemment pas servir d’excuse à la passivité et au manque de réactivité de personnes valides et privilégiées.
Nous restons convaincues que si ça avait été des blanc-he-s en tête de cortège, vous n’auriez inventé aucun obstacle, aucune excuse.
Ce manque de soutient dépeint bel et bien un climat plus large quant aux questions intersectionnelles.
En effet, après avoir appelé plusieurs fois la battucada à venir devant pour des raisons de dynamique et de sécurité, nos voix ont été ignorées, même méprisées. Nous avons eu droit à un, « elles arrivent, mais elles râlent », des « oui, oui », condescendants et inaboutis.
Au même moment nous avons dû éviter une altercation avec un mec cis, ainsi qu’une intervention policière. Si le dispositif policier vous a paru plutôt confortable, sachez que nous, en tête avec nos sales têtes, avons été littéralement lâché au danger. Votre confort vient de notre mise en danger.
Un flic s’est approché de notre camarade, sa lacrymo en évidence contre son torse bombé, « tu veux jouer, on va jouer ».
Ici, pas de prise en charge collective. Pas de dégage hurlé d’une seule voix, pas de slogan, pas de hurlements, pas de mouvement collectif, comme il y en a eu à l’arrière du cortège. Et si tu ne savais pas, que tu n’avais pas vu, t’avais qu’à venir devant et peut-être que t’aurais sû.
Nous avons eu la sensation, qui se révèle dans les faits, d’avoir vécu deux manifestations différentes. D’un côté, des féministes cis blanc-he-s s’organisaient, chantaient, marchaient entre elles pendant que nos slogans n’étaient pas scandés, que notre proposition à l’intersectionnalité n’était pas entendue. Voire incomprise. Pas prise en compte, du tout.
Nous n’avons pas pris le micro pour faire joli, pour dire du vent. Notre énergie n’est pas gratuite.
La banderole de tête portant le message, « Nous sommes les descendantes des colonisé-e-s que vous n’avez pas tué.e.s » étaient tenue par des personnes concernées, évidemment. Pour autant, nous n’avions pas besoin d’un périmètre de sécurité qui nous faisaient comprendre que c’était nous le danger.
Nous aurions aimé sentir cette masse flamboyante derrière nous, la puissance collective, la chaleur, le soutient, la force, la solidarité. Nous aurions aimé ne pas être triste, ne pas être touché.e.s, ne pas nous questionner sur « qu’est ce qu’on aurait pu faire mieux, ou dire autrement ». Parce que ces questions là, ce n’est plus à nous de nous les poser. Nous aurions aimé être entre nous pour nous connecter, que vous soyez avec nous pour nous soutenir, être prise en compte, exister.
Une personne blanche s’est permise de tenir la banderole avec nous, et quand nous lui avons demandé si elle se sentait concerné.e, elle répondait à côté de la plaque. C’est allé jusqu’à un coup d’épaule de sa part. Ce n’était pas à nous de le gérer. Quit à faire jouer votre solidarité blanche dans le coeur battant d’une manifestation de nuit protégée par un cortège de personnes racisé.e.s en tête, et un cortège de mec trans à l’arrière également au coude à coude avec la police, mettez là en place pour gérer vos camarades problématiques.

Pourquoi est-ce qu’on a décidé de prendre la tête de la marche ? Pour ne plus être noyé.e.s dans la masse, pour plus entendre « je n’avais pas vu, je ne savais pas ». Pour être là, vraiment là, ne plus être invisible. Pour que vous nous voyez, vous aussi, les féministes.
On revendique pas le droit d’exister. On vous oblige à constater le fait qu’on existe déjà. Que cette réalité cesse d’être niée.
Il est primordiale pour nous de ne plus être dissout-e-s dans l’amas homogénéisant de la féministerie blanche à laquelle on n’adhère pas.
Se réunir, se retrouver, connecter entre personnes non-blanc.he.s ne veut pas dire être en non-mixité. Cessez d’essentialiser nos regroupements !
Nonobstant le fait qu’il soit inadmissible dans le cadre d’une manifestation, quel quelle soit, de laisser un cortège de tête seul, écarté, visibilisé – que nous furent, comme le furent nos grands-parents pendant vos guerre, la première ligne isolée du front, la chaire à canon ; c’est encore du racisme que de considérer le racisme comme seul problème des personnes racisé.e.s.
Si nous sommes les descendantes des colonisé.e.s que vous n’avez pas tué, vous êtes les descendantes des colon.e.s qui ont tenté de le faire.
Nous ne vous demandons pas de nous sauver.
Nous vous demandons de donner sens à cette marche, d’être solidaire, d’être collective.
Sachez que ces dynamiques ont eu des répercussions sur nos choix, et que nous nous sommes arrêtés à Jeanne d’Arc parce qu’il était impossible d’envisager une suite après s’être autant faîtes repéré.e.s. Votre inaction participe de notre exclusion. Nos choix auraient été différents si la marche avait été différente.
Ne pas nous soutenir c’est encore nier ce que nous sommes. Et nous sommes épuisées d’avoir à rappeler notre existence, à la justifier, à la prouver.
Nous avons marché, nous avons pris le micro, nous sommes dans l’équipe d’organisation et avons mis notre énergie en amont dans cet évènement.
Alors c’est injuste de faire comme si nous n’existions pas.
Nous ne sommes pas venue marcher contre vous, nous vous avons demandé de marcher avec nous. Pas pour nous, mais avec nous.

L’accumulation de ces évènements nous ont attristé.e.s. Nous sommes gênées, fatiguée, épuisée, de devoir faire ce genre de constat dans le cadre d’une manifestation dîte radicale.
Nous sommes radicales, nous refusons l’exclusion, nous refusons qu’une manifestation de 600 personnes laissent une dizaine de camarades non-blanc.he.s gérer son cortège.
Nous aussi, comme vous, on se bat contre le patriarcat. A la différence prés qu’avant de se battre contre le patriarcat, vous nous obliger à lutter pour notre droit d’exister dans cette marche, dans le féminisme. On se bat pour pouvoir se battre ! Quand vous aurez compris ça, alors vous saisirez l’ampleur des dégâts et dégoûts que peuvent laisser vos inactions. Alors, nous espérons que vous prendrez vos responsabilités en termes de prises en compte, de remises en question, et d’actions.
Cette marche est magnifique et nécessaire. Nous appelons à une véritable prise de conscience collective, à une solidarité totale, réelle, et effective.
Nous invitons les groupements solidaires, les exclu.e.s, les laissé.e.s pour compte, à un ralliement et à une revendication inconditionnelle de notre présence sur toutes les prochaines manifestations féministes.

Nous sommes les descendantes des colonisé.e.s que vous n’avez pas tué.

On est bien décidé à rester,

On n’a pas finit de ne pas la fermer.

Les Sales Races

***

Maintenant que tout ça est dit, on lance un appel à archives, nous souhaiterions collecter des retours de la manif, audios , vidéos et photos (avec visages floutés sauf des flics), dessins, écrits, notamment les propos des keufs durant et après la manif à envoyer par email à l’adresse marche2nuit@riseup.net

A la suite de la marche, 19 personnes ont été interpellé.e.s, 14 sont sorti.e.s le soir même après un contrôle d’identité, 5 ont été placé.e.s en garde à vue. 4 sont sorti.e.s le lendemain avec des rappels à la loi (qui pour info seront inscrits sur leur casier judiciaire). La dernière camarade a été placée en garde à vue 48h et le juge des libertés à demander son placement à la maison d’arrêt de Seysses pour la nuit du mardi soir. Mercredi au palais de justice elle a refusé la comparution immédiate. Elle vient d’être libérée sous contrôle judiciaire, avec pointage deux fois par semaine au commissariat jusqu’au 18 décembre à 14h, jour du procès. On lâche rien. Nous sommes solidaires et nous vous tiendrons informé.e.s sur iaata.info des suites de notre soutien.
"Jamais vos barreaux n’arrêterons nos luttes "

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  • 1er décembre 2018

    "Une personne blanche s’est permise de tenir la banderole avec nous" je suis métis et j’ai envie de crier au secours. Ne rehabilitez pas des discours racisés svp, ce n’est pas notre couleur de peau qui nous définit....

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