6 juillet : procès de trois manifestant-e-s

Mercredi 6 juillet étaient jugé.e.s trois manifestant.e.s arrêté.e.s après la manif du 9 juin dans le quartier Saint-Michel à Toulouse. Cette manif avait été l’occasion pour quelques dizaines de personnes de repeindre les murs et vitrines de tristes banques, agences immobilières, et autres mobiliers urbains. Arrêtées sur dénonciation d’un élu du Front de Gauche [1] et alors qu’elles quittaient la manif, ces trois personnes avaient été retrouvées avec dans leur sac à dos deux bombes de peinture ainsi que de quoi se masquer le visage. Après 48h de GAV pendant laquelle elles restaient muettes, elles recevaient une convocation pour le 6 juillet.

En cette journée estivale, les gros bourrins habituels ont été remplacés par des magistrates beaucoup plus jeunes et pas habituées aux comparutions. Les peines prononcées sont relativement clémentes [2], bien que la procureure s’amuse à demander des verdicts extravagants.

La cour faisant passer en priorité les personnes détenues [3], le procès des trois manifestant.e.s se fait attendre. A 18h, toujours pas... Ça sera finalement aux alentours de 20h40 et dans l’épuisement général que le procès pourra débuter. Une douzaine de camarades sont présentes dans la salle, en soutien.

La juge lit la longue liste des dégradations dont sont accusé.e.s les prévenu.e.s, en ne précisant qu’à la fin qu’elles ont été commises dans le cadre d’une manifestation "contre la loi anti-travail" (sic) : agences bancaires, immobilières, transformateurs EDF, JCDecaux, Tisséo, prison Saint-Michel.

Le premier prévenu explique qu’il nie toute implication dans les dégradations.

Le deuxième reconnaît avoir commis trois tags, de la même couleur que celle de la bombe retrouvée dans son sac, et précise que la liste qui vient d’être lue correspond à l’intégralité les dégradations qui ont été faites dans cette manif de plusieurs milliers de personnes et qu’il ne saurait en assumer l’entière responsabilité.

La troisième personne est absente.

C’est quasiment le seul moment où les prévenus auront la parole, le procès étant expédié en une quinzaine de minutes. Tant mieux, ça veut dire aussi qu’on n’a pas pris le temps de leur faire la morale, de leur tirer les vers du nez, de leur demander d’exprimer des regrets, et toutes ces autres joyeusetés qui sont le lot habituel des comparutions. La juge se fait même les questions et les réponses : "Vous avez refusé de donner vos empreintes, je suppose que c’est par idéologie c’est ça ?". L’accusé n’a plus qu’à corriger : "Par principe."

Une agence immobilière a payé une avocate pour qu’elle vienne le représenter en tant que partie civile au procès. Petite prise de parole ridicule consistant à rappeler que Monsieur travaille dur dans son agence pourrie et qu’il ne comprend pas pourquoi il a été pris pour cible, lui qui fait honnêtement son travail. "Ce n’est pas FONCIA, quand-même", se permet-elle.

Quelques rires étouffées aussi dans la salle au moment où la juge lit certains tags qu’elle a en photo sous les yeux : "Tisséo collabo", "Mars ou crève"...

C’est au tour de la procureure de se ridiculiser dans ses réquisitions, en répétant en boucle qu’elle n’est pas contre le droit de manifester... pour mieux asséner que trois mois de manifestations, ça suffit ! De toute façon les personnes qu’elle a en face d’elle ne sont pas des manifestants, ils sont simplement venus pour dégrader, et à l’entendre ils sont très, très organisés. Elle affirme qu’il existe des éléments précis dans ce dossier, qui suffisent à condamner fermement les trois accusé.e.s... avant de lire des extraits particulièrement flous d’un procès verbal. Ne se laissant pas abattre, elle demande 5 mois de sursis pour tout le monde, sauf celui qui demande la relaxe pour qui elle ne requiert "que" 2 mois, parce qu’il n’a pas refusé la signalétique [4].

La première avocate plaide la relaxe pour son client, indiquant aux juges que les captures de vidéosurveillance qui ont été versées au dossier le disculpent – ce que les policiers, dans leur inénarrable professionnalisme, n’avaient pas relevé.

La deuxième avocate prend bien le temps de démonter les accusations qui pèsent sur l’autre accusé, en relevant les incohérences, voire les nullités du dossier.

Les juges prennent pas mal de temps pour délibérer, et à 21h15 le verdict tombe.

Soulagement général : pour le premier prévenu, c’est la relaxe !

Le deuxième, en revanche, écope d’un mois de sursis, qui planera au-dessus de sa tête pendant les cinq prochaines années. La cour reconnaît néanmoins qu’il n’est pas responsable de toutes les dégradations pour lesquelles il est poursuivi. Pas d’amende pour les tags mais des dommages et intérêts assez indécents : 350€ pour le mur d’une l’entrée de métro, et 550€ pour la sucette JCDecaux. Des amendes assez clémentes en revanche pour le reste : 200€ pour le refus de signalétique et 200€ avec sursis pour la fourniture d’identité imaginaire.

La troisième personne, absente, écope aussi d’un mois de sursis, de 200€ d’amende et doit payer solidairement 550€ de dommages et intérêts à JCDecaux avec le deuxième inculpé.

Notes

[1Jean-Christophe Selin, pour ne pas le citer.

[2J’insiste sur le relativement : on parle bien de mecs qui prennent du ferme pour avoir refusé d’obtempérer à un contrôle routier.

[3C’est-à-dire les prévenus qui sortent de garde à vue ou de préventive à Seysses.

[4Signalétique : empreintes + photos.

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