Deux ans après le début de cette pandémie, nous voudrions enfin mettre des mots sur ce qui nous pose problème quotidiennement dans notre rapport à la plupart des espaces anti-autoritaires que nous fréquentons. Ce n’est pas seulement un problème de rapport pratique au covid, c’est tout un cadre de pensée qui est en jeu, au-delà de ses conséquences matérielles.
On est un certain nombre à se sentir mal à l’aise dans les milieux politiques que nous partageons vis-à-vis du comment on gère cette situation épidémique. Le fait que nous ne soyons pas valides influence bien certainement nos positionnements à ce sujet.
Tout ce qui est dit dans ce texte est une réaction point par point à des choses qu’on a entendues dans notre entourage plus ou moins proche.
Lise et Johanna
Mars 2022
Anti-validisme autonome vs positions pro-État
Quand des positions critiques de la gestion collective du covid sont émises dans des espaces anti-autoritaires, il arrive souvent que les personnes portant ces critiques se voient renvoyées à des positions “pro-État”, au sens où elles n’auraient peut-être pas suffisamment de recul par rapport à l’autoritarisme d’État / ou elles relaieraient malgré elles les discours de l’État et, finalement, feraient un peu son jeu…
Nous pensons que le fait d’amalgamer anti-validisme autonome et autoritarisme étatique -partant d’un enjeu de santé publique- pose plusieurs problèmes.
Tout d’abord cela a pour effet d’évacuer directement les enjeux de validisme qui étaient soulevés, forçant les personnes à passer bien du temps à se justifier sur le fait d’être anti-autoritaire oui oui et de ne pas aimer la répression non non. Cela montre également que le validisme n’est pas compris comme étant intersectionnel, puisqu’il est si difficile de faire entendre qu’on peut souffrir du validisme et de l’autoritarisme d’État en même temps, que ce ne sont pas des situations « au choix ». Ce qui peut engendrer un sentiment d’isolement, de frustration et de profond désarroi.
Au delà de ça, cela pose un problème d’analyse de ce qu’est l’Etat et de ce qu’il produit en termes de rapports sociaux et matériels. Entendons-nous bien : avant tout, l’Etat est profondément validiste (la logique d’Etat s’opposant par essence à toute logique d’émancipation de rapports sociaux hiérarchiques et violents).
Si l’on part d’un point de vue qui comprend la notion de validisme d’État, cela implique de considérer que si l’État porte des discours anti-validistes, c’est par pur opportunisme, dans la mesure où il suit une logique qui lui est propre, et qui est la logique du pouvoir. Cela nous amène à penser que l’État instrumentalise un discours anti-validiste pour pousser plus loin sa logique de contrôle. Ainsi, sous prétexte de “prendre soin des personnes fragiles”, il étend ses possibilités de flicage et de connaissance des moindres faits et gestes des individus qu’il entend tenir sous son joug, et ce dans des proportions sans précédent compte tenu de ce que permettent actuellement les technologies de surveillance.
Dans le cadre de cette analyse, il ne peut y avoir d’amalgame entre anti-validisme autonome et instrumentalisation d’un certain anti-validisme par l’État pour asseoir son pouvoir. Par exemple, cela pourrait relever du même genre d’évidence que quand le gouvernement instrumentalise des discours féministes pour fermer toujours plus les frontières. Dans ce cas, ça ne vient à l’idée de personne (dans nos « réseaux anti-autoritaires ») de faire un lien logique entre féminisme et discours étatique à la Marlène Schiappa ! Au contraire, ça énerve tout le monde de se faire récupérer la gueule... Mais par rapport aux enjeux de validisme, la réaction n’est pas la même.
Cela pose également la question de la compréhension / connaissance que nous avons de ce qu’est le validisme en tant que système d’oppression structurel. Est-ce que l’amalgame ne viendrait pas aussi du fait que les discours et les pratiques autour de comment on prend soin des personnes « exposées », « non-valides », étaient en fait très peu présents dans nos espaces (en général) avant que le discours étatique anti-covid ne prenne toute la place ? Est-ce que l’omniprésence de la parole de l’État ne serait pas en lien avec le fait que les paroles des premières concernées restent quasi invisibles, y compris dans nos milieux militants ? Et plus globalement, qui parmi nous peut prétendre détenir une connaissance relativement fine de ce que portent les mouvements anti-validistes, dans leurs diversité, complexités et désaccords ? En tous cas pas nous qui écrivons ce texte, quand bien même cela nous concerne directement ! Alors, à partir de là, est-il possible d’effleurer l’étendue potentielle de notre ignorance ? Si oui, est-ce que cela n’invite pas à un peu d’humilité ?
Pour surmonter ces difficultés, il faudrait se donner les moyens de comprendre le fonctionnement complexe du validisme, depuis le validisme d’État jusqu’à ses expressions les plus diffuses dans la vie courante. Sans ce travail, on se condamne à la dépolitisation de cette oppression, et son intersectionnalité reste de l’ordre de l’impensé.
Le problème n’est pas émotionnel
Il y a une phrase qu’on entend tout le temps et qui fait grincer des dents : « si t’es stressée je fais un test » ou « moi je ne suis pas stressée par rapport au covid ». Le champ lexical du stress ou de l’anxiété est omniprésent et tend à invisibiliser les rapports matériels d’existence des personnes. En effet, ce « stress » peut s’expliquer par des raisons tout à fait rationnelles si l’on est une personne à risque, ou si l’on fréquente des personnes à risque qui comptent sur nous dans leur quotidien. En effet, nombre de personnes ne peuvent pas se permettre de tomber malade pour tout un tas de raisons pratiques, parce qu’elles vivent dans un logement insalubre, parce qu’elles ne travaillent pas dans l’économie formelle et n’auront pas d’arrêt maladie, parce qu’elles n’ont pas les bons papiers et que l’accès aux soins est difficile, parce qu’elles sont seules à assumer le travail d’élevage des enfants et de soutien aux personnes fragiles, etc. Le niveau de risque que fait peser le covid sur chaque personne nous semble donc éminemment lié aux conditions matérielles d’existence, conditions elles-mêmes produites par de multiples rapports de pouvoir (classe, race, sexe...) au sein de la société, et pas uniquement le rapport validiste.
Ceci dit, la difficulté à sortir d’un registre émotionnel, compassionnel et moral nous semble typique d’un rapport dépolitisant à la question du handicap. En effet, l’utilisation ultra dominante de ce registre montre en creux à quel point la question de la violence validiste et des structures sociales qui la produisent reste un impensé (ce qui est une violence en soi).
Le sentiment de toute puissance immunitaire
Nous vivons aussi une époque où beaucoup de gens font étalage de leur sentiment de toute puissance immunitaire. Parfois cela peut sembler indélicat quand ce sentiment nous est balancé dans la face depuis un endroit de privilège. Parfois cela peut sembler stupide quand il vient avec un arrière-fond viriliste en mode « je suis pas une mauviette, moi ! ». Le fait de se dire « ça ne m’arrivera jamais » ou « si je l’attrape ça ne sera rien de plus qu’un petit rhume » est, il nous semble, un validisme ordinaire, une manière de mettre à distance la vulnérabilité qui fait peur. Cela produit un « nous » (les personnes fortes) et les « autres » (les faibles) qui assoit ce sentiment de supériorité.
Ceci dit, prendre soin de son système immunitaire peut être une bataille que l’on est bien obligé de mener du fait de problèmes de santé. Cela peut être aussi une forme de pratique subversive du soin, une manière de se réapproprier le soin du corps de façon holistique, en opposition avec la pratique allopathique (patriarcale et occidentale), et dans un but d’autonomisation par rapport au système médical et pharmaceutique capitaliste.
Santé physique vs santé mentale
Quand on porte des positions allant dans le sens d’un effort réel de réduction des risques de transmission du covid dans nos espaces, il n’est pas rare non plus qu’on nous oppose la prise en compte des enjeux de santé mentale. Cette manière d’opposer et de mettre en concurrence enjeux de santé physique et enjeux de santé mentale peut être portée tant par des personnes pour qui les questions de santé mentale prennent beaucoup de place dans la vie que par des personnes pour qui ces enjeux ne constituent pas d’empêchement majeur dans leur quotidien.
Cette opposition nous pose bien des questions, tant dans le rapport surprenant que cela implique à la réalité de la vie de nos corps que politiquement, d’un point de vue anti-validiste.
Il ne s’agit pas de faire passer la santé physique de certaines personnes devant la santé mentale d’autres. Pourquoi, et surtout comment scinder santé physique et mentale quand la réalité d’une vie humaine regroupe nécessairement les deux ? La santé mentale d’une personne sous dialyse ou en pleine chimiothérapie n’est pas moins impactée par les multiples conséquences délétères que peut avoir la pandémie de covid et sa gestion autoritaire. La santé mentale d’une personne qui n’est pas « à risque » face au covid peut être fortement impactée si elle contracte le covid. Une dégradation de la condition physique peut impacter négativement la santé mentale, tout comme une mauvaise santé mentale dégrade, le plus souvent, la condition physique.
Nous n’irons pas bien loin si nous pensons en termes d’opposition binaire. Cette base de raisonnement ne peut engendrer que catégorisation factice, hiérarchisation et mise en concurrence.
C’est néfaste pour les personnes handis car on a tout le temps des besoins contradictoires et l’habitude de gérer ces enjeux. Trouver de la place pour toustes est quelque chose qui se travaille, qui s’apprend, qui s’acquiert avec le temps et se cultive. C’est une culture. Ce sont des compétences et des réflexes sociaux qui se développent.
Politiquement nous avons un intérêt matériel à être solidaires entre personnes vivant différentes formes de validisme / capacitisme – que ce soit relevant de la santé mentale ou physique.
Réduction du problème politique à la critique de la répression
Il nous semble que les réactions politiques face à la crise sanitaire se sont focalisées sur la question de la répression : refus de l’enfermement du confinement, des attestations de sortie, des pass sanitaires, refus de l’obligation vaccinale, de l’obligation du port du masque... et des contrôles policiers que cela engendre. Notre idée n’est pas de remettre en question la nécessaire critique, la nécessaire lutte contre l’autoritarisme d’État. Nous la partageons.
Mais le problème est que la question de la répression a pris toute la place. Elle a entraîné, chez certain.es de nos camarades, un réflexe pavlovien anti-État qui empêche, paradoxalement, de penser de façon autonome les questions soulevées par la pandémie.
Responsabilité de l’État vs déresponsabilisation collective
Certain·es disent que ce n’est pas à nous de se poser ces questions, que c’est le capitalisme qui est coupable de la situation [1] et que du coup c’est aux capitalistes de la gérer : on ne va pas s’amuser à ramasser les pots qu’on n’a pas cassés. Dans l’optique de laisser à l’État le soin de gérer, ces personnes refusent l’impact que pourrait avoir l’épidémie sur leur vie en les obligeant à annuler une fête, ou à utiliser des outils de réduction des risques comme aérer une pièce, porter un masque, se faire tester.
Mais n’y a-t-il pas là une absurdité ? C’est justement parce qu’on souhaite une société sans État qu’on essaie de s’organiser de la manière la plus autonome possible sur à peu près tous les aspects de la vie [2].
Bien sûr le système capitaliste multiplie l’intensité et la quantité des épidémies, fragilise les systèmes de santé. Mais il serait trop facile de rejeter la faute uniquement sur l’État. Des épidémies, il en existait déjà au néolithique. Des épidémies, il en existerait aussi dans un monde anarchiste ou communiste libertaire. Le virus, c’est l’État, certes, mais pas que.
Deux poids, deux mesures (minimisation du covid)
Il y a un haut niveau de méfiance vis-à-vis de la fiabilité et de l’utilité des tests, et des vaccins (ainsi que de leur innocuité). Avoir une grande méfiance vis-à-vis de ce qui nous arrive par en haut (État, industrie pharmaceutique, médias mainstream…) est tout à fait légitime et nécessaire, mais cela devient problématique si l’on est dans un cadre qui tend par ailleurs à un certain relativisme par rapport au covid. Un cadre où les niveaux de méfiance déployés semblent radicalement différents selon qu’il s’agit de se méfier de la maladie elle-même ou de la manière dont l’État gère cette maladie. Par exemple, on se méfie à mort des effets du vaccin sur son système immunitaire mais par contre on est persuadé·e que son système immunitaire va très bien faire face au covid. Pourtant le covid long [3] touche tout le monde, et bien souvent des personnes jeunes et en bonne santé, y compris des enfants.
Il paraît pourtant impossible de considérer les risques des vaccins si on ne parvient pas à être rigoureux sur les risques du covid en tant que tel, à un niveau individuel et collectif. Puisqu’il s’agit d’évaluer un bénéfice-risque à un niveau individuel et collectif.
La minimisation est telle que certain·es comparent la mortalité du covid avec le nombre de morts sur la route. Il est donc peut être nécessaire de rappeler quelques chiffres : en une année en France, il y a environ 3 500 morts sur la route, contre 62 000 personnes [4] mortes du covid (donc 20 fois plus). Et on estime à 1 million les covid longs en France [5].
Mais le nombre de morts est-il un critère de gravité d’un problème social ? A titre d’exemple, il y a en France 2.5 fois plus de mort·es du cancer [6], et 496 fois moins de féminicides [7], que de mort·es du covid. Nous n’arrêterons pas d’être féministe parce qu’il n’y a « qu’une centaine » de femmes mortes sous les coups de leur conjoint ou ex conjoint par an en France. Que signifie ce rapport aux chiffres ? S’il nous semble intéressant d’avoir une notion quantitative de la mortalité, nous ne souhaitons pas pour autant tomber dans une vision comptable et gestionnaire des vies humaines.
L’autre manière courante de minimiser le covid est de dire qu’il y a des problèmes d’une plus grande ampleur dans le monde contre lesquels on met beaucoup moins d’énergie à lutter. Nous sommes d’accord avec le constat –on pense par exemple au réchauffement climatique- mais cela ne justifie aucunement de ne pas prendre au sérieux la gravité du covid. Cela ne nous autorise pas à être dans une logique de hiérarchisation des luttes. A l’échelle mondiale, sur une année, le nombre de mort·es du Covid (5 à 8.5 millions) [8] est comparable au nombre de morts de la faim (9 millions) [9]. Et sans les vaccins, les masques, les tests etc., combien de millions de morts y aurait-il eu en plus ? Et à l’inverse, si nous mettions de l’énergie collective à, par exemple, faire pression pour une levée des brevets des vaccins, combien compterions-nous de morts en moins ? Certes, l’État français a consacré de gros moyens ces deux dernières années à lutter contre la propagation de ce virus, tout en maintenant son cap habituel pour le reste, ce qui est évidemment un problème. Mais nous voudrions lutter sur tous les fronts nécessaires, et pas seulement prendre le contre-pied de ce que fait l’État, quoi qu’il fasse.
Âgisme et travail du care
On remarque que dans les régions où culturellement on prend plus soin de ses vieux/vieilles, les plus jeunes sont plus attentif.ves à réduire les risques de ne pas attraper le covid. C’est, paraît-il, le cas à Lille, en Italie…
Cela pointe un individualisme âgiste où on isole les vieux. Et puisque le travail du care est essentiellement porté par des femmes, que ce soit du travail gratuit ou salarié, on se pose aussi la question de l’impact selon le genre de cette attention aux vieilleux et donc à la réduction des risques du covid. Y a-t-il une prise en charge plus importante faite par les femmes et les personnes AFAB [10] de la réduction des risques [11] liée au covid, de la même manière que pour la santé sexuelle ?
Responsabilité collective
Certaines personnes disent « je refuse de vivre dans un monde où je devrais prendre telle ou telle disposition sanitaire », « je refuse de vivre dans un monde mortifère de distanciation sociale, de gens masqués », mais elles ne nomment pas les conséquences de ces postures. Nous nous rejoignons sur la dénonciation du système qui contrôle le port du masque mais il nous semble que le refus de l’utilisation du masque comme outil de réduction des risques est souvent un comportement validiste et autoritaire (puisque ce refus n’est généralement pas concerté) [12]. Derrière cette idée se cache un véritable darwinisme social, la défense de l’idée que c’est le/la plus apte qui survivra.
Qu’est-ce qu’on fait en tant que personnes valides pour ne pas exclure d’office les personnes qui ne le sont pas ? Et celles dont les conditions d’existence ne leur permettent pas de tomber malades ? Est-ce qu’on peut se sentir responsable, en tant que personne ayant le sentiment d’avoir un système immunitaire puissant et tenant à sa liberté individuelle, de ne pas participer à la propagation d’un virus qui impacte violemment la santé de beaucoup de gens ?
Attraper ou non le virus n’est pas une question de choix personnel. Je peux prendre la décision de prendre un risque : par exemple de fréquenter de près quelqu’un qui a certains symptômes de covid mais ne s’est pas fait tester. Mais on sait bien que le risque que l’on prend n’est pas que pour soi : nous fréquentons d’autres personnes et si on attrape le virus on peut aussi bien le refiler.
Beaucoup fonctionnent avec l’illusion du consentement mutuel : par exemple on est cas contact, ou on a le covid, et on va à une réunion où on prévient les personnes qui donnent leur accord pour qu’on participe quand même à la réunion. Ce fonctionnement par consentement mutuel à la prise de risque pourrait fonctionner s’il était fait de manière stricte. Mais ça ne marche pas pour plusieurs raisons : non seulement parce qu’il est impossible de négocier toutes nos interactions sociales mais aussi parce que la plupart des gens ne le font pas. Le problème central dans ce « modèle du consentement mutuel », que les féministes ont déjà bien explicité pour le consentement en contexte de sexualité, c’est qu’on se voile la face sur les multiples enjeux entre les personnes qui rendent le consentement bien plus complexe qu’il n’y paraît. Pour ce qui est du covid, c’est toujours la personne qui a pris le risque qui est en position de force et qui décide qu’en prenant ce risque elle prend aussi le risque de ne pas te voir ou que tu ne viennes pas à la réunion. Toi tu ne fais que subir la situation si tu décides de ne pas voir la personne ou de ne pas aller à la réunion parce que ça te semble trop risqué. Petit à petit tu vas soit t’isoler de plus en plus, soit te « sentir obligé·e » à prendre des risques, alors qu’on te perçoit comme consentant·e. Prises de risques qui auront peut être un impact plus grand sur ta santé que sur celle des autres.
Il ne s’agit pas ici de distribuer les bons et les mauvais points, de pointer du doigt tel ou telle prise de risque. Personne n’a une attitude exemplaire, la question n’est pas individuelle, elle est collective. Quelles attitudes et discours politiques produisons nous collectivement ? Il y a une différence entre décider d’aller à une réunion alors qu’on est cas contact, et le banaliser, voire le revendiquer comme un acte de résistance. Il y a une différence entre fêter son anniversaire avec ses potes en plein pic épidémique, et organiser un événement politique et public (par exemple une soirée de soutien dans un local politique fermé), qui plus est sans mentionner s’il y a des méthodes de RdR (Réduction des Risques, voir note n°11) envisagées. Pour ce qui est de proposer un cadre de RdR, certain·es diront que chacun·e se gère comme iel a envie et nul besoin qu’on me dise si je dois venir avec un masque ou pas. Mais c’est précisément cette mention, dans les invitations publiques ou privées, qui peut décider les plus fragiles à se joindre à l’initiative, à se dire que le risque est acceptable pour elleux, à se sentir invité·es et pris·es en compte.
Que défendons nous quand on a pour objectif d’organiser une boom alors que le taux de contamination est élevé, que les hôpitaux sont encore surchargés ? Ce sont les libertés de qui ? Est-on vraiment sûr·e que tout le monde est concerné de la même manière ? Est-on vraiment à l’abri de toute dérive autoritaire dans nos manières de concevoir les notions de liberté et d’autoritarisme ?
Pour un référentiel commun
La RdR face au covid ne peut être que collective, sinon ça ne fait pas tellement sens, ce n’est pas efficace, et cela fait porter toute la charge de la RdR sur les personnes qui y ont le plus d’intérêt (donc les personnes les plus exposées au risque).
Si nous sommes d’accord pour œuvrer à un monde où on ne laisse pas crever les vieux, les vieilles, et les plus à risque d’un point de vue médical et/ou social, encore faut-il se mettre d’accord sur ce que c’est qu’un risque, et quelles sont les pratiques qui pourront réduire ces risques. Nous plaçons toustes différemment notre curseur. Quand on essaye de se mettre d’accord sur la place du curseur, là aussi la discussion se réduit parfois à peau de chagrin : on s’accuse de croire béatement le pouvoir médical, les labos ou le gouvernement, ou bien on s’accuse de voir une conspiration dans n’importe quelle étude scientifique, et de croire n’importe quel texte qui traîne sur internet qui va dans le sens que cette épidémie n’est pas à prendre au sérieux.
Arrêtons de nous renvoyer la balle sur ce terrain et posons nous la question réellement : comment fait-on ensemble ?
Il ne s’agit pas de se jeter la pierre à chaque fois que l’on prend un risque (nous en prenons tous), il s’agit de réfléchir collectivement à comment ne pas se sentir seul·e face à ces décisions, essayer d’avoir des points de repères partageables. Pour ce faire il est nécessaire de partager une culture commune de réduction des risques par rapport au covid, d’essayer d’avoir un référentiel commun sur qu’est-ce qu’un risque, et quel niveau de risque correspond à quel type de situation. Cela implique de se donner le temps et l’espace de discussions collectives autour de ces questions. Ce texte est une invitation.
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