De la difficulté grandissante à ouvrir des squats à Toulouse et de la force collective en garde à vue

Cela fait quelques mois que les galères s’enchaînent à Toulouse pour celleux qui tentent d’ouvrir des maisons vides. Retour sur une expérience récente.

Des expulsions qui se suivent

Dès septembre, le ton est monté avec un dispositif policier disproportionné et une partie d’un quartier bloqué lors de l’expulsion du Faubourg Bonnefoy, où sept personnes seront gardé.e.s-à-vue pendant 24h et trois autres envoyées au Centre de Rétention Administratif de Cornebarrieu.

Un mois plus tard, deux expulsions se suivent. Une maison proche du métro la Roseraie qui se fait expulser par trois keufs et un serrurier. Déterminés et très menaçants, ils pointent leurs gazeuses et menacent d’embarquer au comico les personnes peu nombreuses ce jour-là, qui se trouvent à l’intérieur. Heureusement elles parviennent à s’enfuir. Les flics une fois rentrés seront bien dégoûtés de ne trouver aucun.e squatteur.se.

Sans oublier la visite nocturne et l’expulsion en novembre 2015 rue Saint Blanche ou encore les 20 gardé.e.s à vue suite à l’expulsion rue Roquelaine du 32 mars lors du mouvement contre la loi travail.

Une maison de perdue, onze en garde-à-vue

Fin novembre, c’est une autre expulsion qui a eu lieu au 22 rue des Roziers. C’est celle-là que je souhaite raconter.

Cette maison est vide depuis 17 ans. Déjà squattée en 2011, elle fut à nouveau vide pendant 6 ans. Pas de chance, elle est dans le quartier des Chalets, plutôt habité par des bourges qui ont des gros 4x4 et qui aiment bien ouvrir la porte aux flics. Paraîtrait-il qu’ils sont "vigilants".

Le dimanche soir illes se réunissent à une dizaine accompagné.e.s de baqueux et ensuite de la nationale. Illes s’auto persuadent que les squatteur.se.s ont forcé la porte du garage de la baraque d’à côté pour s’introduire dans la maison en passant par le jardin. Tant qu’à faire autant en profiter pour se porter partie civile et faire changer sa porte de garage !

Ce soir là les keufs vont prendre seulement les témoignages des voisin.e.s qui ne veulent pas de squat dans leur rue et ignorer celleux qui donnent des témoignages en faveur des squatteur.se.s. Tant qu’aux preuves, ce n’est même pas la peine d’espérer qu’ils y prêtent une quelconque attention. A trois reprises donc ils vont passer foutre la pression et prendre l’identité de certain.e.s copaines en soutien.

Le lendemain à 14h (à Toulouse ça a décidément pas l’air de vouloir expulser le matin !) ils arrivent du bout de la rue, équipement au complet, sortent le bélier et en l’espace d’une minute ils sont une trentaine à l’étage.

Les carreaux volent en éclat sur leur passage, c’est leur moment d’adrénaline, faire du bruit, crier, faire peur, matraque en l’air « levez les mains asseyez-vous ! » menottes aux mains, insultes, blagues de keuf et direction le comico. Pendant ce temps un copain a eu le temps de monter sur le toit et de s’échapper, les bleus le chercheront une heure durant dans tout le quartier.

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On se retrouve donc onze en garde-à-vue. Ridicule. Neuf d’entre nous donnent une fausse identité, et dix refusent de filer leur ADN et empreintes. Personne ne parle à la police. Les auditions se déroulent en pleine nuit.

Au petit matin l’OPJ passe dans les cellules des personnes sous faux noms et récite la même formule « Votre identité n’existe pas, vous allez être renouvelés et passerez en compa immédiate jeudi. Vous passerez les fêtes de fin d’année à Seysses ». Ok, la douche froide.

Dans ma tête et celle des potes c’est les mêmes questions « Est-ce qu’on tient le faux nom ?  » « Est-ce que c’est possible de passer en procès sous X ? ».
A travers l’épais plexiglass, certain.e.s essayent de communiquer et décident ensemble de garder le faux nom. Le nombre et la solidarité ont permis de se sentir fort.e.s, et moins seul.e.s face à la police. On tape tout.e.s du poing sur la porte, la décision est prise, on ira peut-être à Seysses, mais on ira ensemble !

La garde-à-vue va-t-elle être prolongée ? Un copain voit une seconde fois son avocate qui semble pessimiste pour la suite des événements. C’est finalement au bout de 24h (et pas une de moins !) qu’on apprend un à une notre libération.

Neuf écopent d’un rappel à la loi pour dégradation et refus de signalétique et d’ADN… au nom de Monsieur ou Madame X !

L’OPJ a l’air d’avoir bien le seum, un.e copain.e lui lance, sourire narquois « Alors on peut sortir de gardav sous X maintenant ? »

Cependant un.e des deux copain.e.s qui avaient donné sa vraie identité reçoit une convocation pour un procés en mars avec les mêmes chefs d’inculpation...

Pendant la gav, une équipe s’est chargée de gâcher le sommeil des voisin.es vigilant.es et de venger les ami.es gardé.es à vue en inscrivant des tags et en gueulant quelques slogans (« Voisins vigilants, un jour t’y laisseras tes dents ! »). Et le fameux portail sera finalement bel et bien dégradé.

Moudenc et ses moutons

Cet été, Moudenc se vantait dans son torchon municipal "A Toulouse" d’avoir fait "diminuer le nombre de squats de 55 à 22, entre décembre 2015 et juin 2016." N’ayant aucun pouvoir sur les décisions de justice administrative et sur la police, sa stratégie semble passer par le développement d’un réseau de voisins vigilant.es, amené.es à jouer un rôle de plus en plus important dans le nettoyage et la gentrification de la ville.
Un système de voisin.es vigilant.es «  référent.es  » est d’ailleurs en train de se mettre en place sous l’impulsion de la mairie. L’objectif affiché : « développer le lien social pour lutter contre le cambriolage »... Et contre les réquisitions de maisons vides ?

Nouvelle loi sur les squats

« L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »
Article 226-4.

La deuxième partie a été rajouté le 24 juin 2015 suite à l’affaire Maryvonne. Encore une histoire sordide où le propriétaire veut récupérer sa maison une fois squattée alors qu’elle était vide depuis plusieurs années. Cette mise à jour du texte de loi met en péril la durée d’un squat, les flics pourraient expulser pour flagrant délit ou violation de domicile au-delà des 48h c’est-à-dire tout au long de l’occupation tant que la procédure n’est pas lancée.

Que faire face à ça ?

Stratégie d’une garde-à-vue

En ce qui concerne la garde-à-vue, ce genre d’arrestation à grand nombre peut être le moment de tester des trucs pour s’en sortir mieux et faire chier la police et la justice. Ils ne peuvent pas envoyer 11 personnes en taule. Répandre l’utilisation de fausse identité, ne pas donner ses empreintes ni son ADN et surtout ne pas parler à la police !

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  • 4 décembre 2016

    Coucou, merci pour le témoignage détaillé.

    J’aimerais donner une précision sur la nouvelle loi sur les squats. La deuxième partie n’a pas été « ajoutée », elle a été modifiée suite à l’affaire Maryvonne, mais ne change que périphériquement l’esprit initial de la loi. Jugez plutôt :

    version avant juin 2015 : L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

    version après : L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
    Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.

    La seule modification a été la séparation en deux phrases, une pour l’introduction et une autre pour le maintien. La raison qui ressort des débats à l’assemblée était qu’il était difficile de prouver que le maintien dans une maison vide avait été réalisé à l’aide de menace, etc. Du coup, même si le maintien n’est pas menaçant, contraignant, etc, il suffit que l’introduction l’ait été pour risquer les mêmes peines. Mais cette loi ne concerne que les domiciles. Rien à voir donc avec l’écrasante majorité des squats, qui sont généralement le domicile de personne. (de mémoire, le domicile étant considéré légalement comme « tout endroit où la personne peut se considérer « chez soi ». Le fait que le proprio soit domicilié sur le cadastre dans la baraque vide qu’on occupe n’en fait donc pas un domicile, légalement. Après on sait que ça n’empêche pas de se faire expulser sur ce prétexte, mais il semble assez peu probable de voir débouler des avalanches de procédures pénales contre des squats grâce à cette loi)

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