Fin juin 2013, en plein jour et en plein centre-ville, Tanguy rentre de manif et en profite pour déchirer les affiches de quatre panneaux de pub. Il fait également disjoncter le système électrique d’un gros panneau déroulant. C’est alors que déboule sur lui un afficheur de JC Decaux qui va littéralement le prendre en chasse avec sa fourgonnette, en lui gueulant dessus « je vais te crever ». Tanguy qui est en vélo, manque de tomber, il flippe, et ne trouve rien de mieux à faire que d’aller se réfugier au commissariat où il va tenter de déposer une plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Manque de bol, l’employé de JC Decaux est déjà chez les keufs et lui a collé une plainte pour « dégradations de biens publics » sur le dos. Entre la version d’un jeune bardé de dreadlocks qui revendique fièrement son « combat moral » contre l’abondance publicitaire et le petit soldat d’un gros requin de la pub, les flics tranchent : Tanguy se prend 24 heures de garde-à-vue dans les dents, sa plainte est classée sans suite et il est bon pour une convocation au tribunal.
Le 13 février, il était donc à la barre du tribunal correctionnel de Toulouse. Au final, il risque de se taper 140 heures de travail d’intérêt général et 946 euros de dommages et intérêts pour s’être attaqué au mobilier du roi de la pub. Délibéré le 13 mars.
Poubelle la vie avec JC Decaux
Mais le plus intéressant dans cette affaire, c’est la rapidité dont a fait preuve l’afficheur pour intercepter le militant anti-pub. Qui l’a prévenu ? Bin, les panneaux… En fait, dans ces mobiliers, un petit système téléphonique est intégré. En cas de pannes ou de dysfonctionnements, un sms est illico envoyé vers un PC central et vers le téléphone portable d’un afficheur. Faut dire que chaque salarié est en charge d’un secteur géographique bien défini qui dénombre une centaine de panneaux, si ça merde, c’est lui qui est responsable et qui doit intervenir sur le champ. Pour choper Tanguy, l’afficheur a étudié la position géographique des pannes et en a déduit sa progression dans la ville. Du coup, il a anticipé son déplacement en se pointant à proximité du prochain panneau qui se trouvait dans le sens de la marche de Tanguy. Grâce à cette formidable rapidité de réaction, l’afficheur touchera peut-être la prime de 250 euros à la fin du trimestre. Une belle carotte qui est attribuée aux salariés de JC Decaux, à condition qu’en cas de pannes, le panneau de pub reste le moins longtemps possible en rade. Attends, tu crois quoi ? Que les annonceurs payent pour des clopinettes ? Non, les clients fliquent Decaux, qui flique ses salariés qui fliquent les anti-pubs. Elle n’est pas poubelle la vie ?
Grâce à cette carotte, JC Decaux, qui est quand même affalé sur un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros, a transformé ses afficheurs en garde-chiourme de panneaux publicitaires. Et comme les mecs palpent en moyenne entre 1300 et 1700 euros par mois (selon l’ancienneté), tu comprends pourquoi ils sont prêts à gnaquer tout ce qui passe, du moment qu’on touche à leur os. Et si les mecs n’interviennent pas, gaffe, ils sont au moins priés par leur direction de prendre en photo (avec leur portable de boulot) les zoulous qui escagassent leur taf. Et de préférence, en flag…
Moralité : Camarade si tu veux attaquer un panneau de JC Decaux, mets une cagoule, agis de nuit et fumes-le plutôt que de le déboulonner…
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