POURQUOI UNE DISCUSSION SUR LA JUSTICE ?
Difficile de ne pas faire l’amalgame entre la notion de justice et l’une de ses manifestations circonstanciées : la justice d’État. Héritière du droit romain, un des premiers systèmes juridiques imposant une justice par le droit, la justice étatique monopolise en effet l’exercice et l’imaginaire de la justice. Elle n’est pourtant qu’un accaparement par l’État d’une aspiration propre aux communautés humaines.
En s’attribuant des vertus morales, le système judiciaire se considère seul compétent pour pouvoir "rendre justice", c’est-à-dire contrôler et sanctionner la conformité des actes avec le droit. La justice étatique n’est donc que l’appareil du droit. Elle a pour fonction de garantir un système normatif (coutumes, jurisprudences, codes, recueils, etc.) et donc un ordre contre lequel nous luttons. Étant donné qu’elle symbolise cet ordre et qu’elle est l’outil de sa répression, nous cherchons à échapper et à mettre en faillite la justice étatique et ses institutions, de la police aux prisons, en passant par les tribunaux. Pourtant, n’importe quel groupe refusant l’autorité de l’État peut-être confronté à des situations exigeant une réponse et faisant appel à une notion plus étendue de justice (agressions sexuelles, trahisons, etc.). Il est généralement contre-intuitif dans ces cas de porter plainte ou de solliciter les tribunaux. Mais alors comment se défendre face aux abus, aux franchissements de limites qui peuvent advenir au sein d’un groupe ?
À nos yeux, il y a un enjeu révolutionnaire à penser et concevoir, non pas des nouvelles institutions à mettre en place lors d’un hypothétique renversement de l’ordre établi, mais des réactions communes contre ce qui vient faire outrage à une personne ou à un groupe, pour ne pas laisser ces actes à des silences de fossoyeur.
Pour sortir de la confusion et nous réapproprier la notion de justice, nous voulons tenter d’en cerner les constantes, les principes et les fondements de sa pratique de part le monde, au-delà des divergences d’application. Partant de cela, il s’agira de déterminer sur quelles fonctions et quelles formes nous misons, qu’elles soient existantes ou à imaginer.
Comment se positionner face à la punition ? Que dire de la répression ? Comment penser la réparation ? Où se base notre croyance en des possibilités de changements, de transformation de la société, du groupe ou des coupables ? Comment la notion de justice dépasse-t-elle le rapport inter-individuel et la simple résolution de conflit ? Au-delà de ces questions de principes, quelles échelles, quelles formes devons nous donner aux décisions et à leurs applications ?
Autant de questions qui nous feront naviguer entre l’universel et le singulier, entre la raison et la passion. Pour autant, la question de la justice ne devra pas nous faire perdre de vue celle de l’amont de la crise : la manière dont nous envisageons nos rapports et ce qu’ils peuvent produire.
Le Local sera ouvert pendant deux jours à une discussion sur ces questions de justice, à travers une mise en perspective générale approfondie par des lectures de textes. Pour recevoir les extraits de textes, envoyez un mail à l’adresse RuePiquemil@riseup.net, nous vous les ferons suivre à partir de Vendredi 21 septembre. Nous vous invitons de votre côté à apporter (ou à nous envoyer) des supports de réflexion qui vous semblent pertinents.
(Il y aura aussi peut-être une projection de film Vendredi soir)
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