Tout d’abord, un bref historique pour recontextualiser notre projet et notre réflexion : tout a commencé d’une réunion au cours de laquelle certaines d’entre nous faisaient le bilan de 365 jours de mobilisation des assemblées anti-nucléaires contre le projet d’enfouissement de Bure, dans la Meuse, tandis que d’autres se projetaient dans l’année 2015 vers le sommet climatique de la COP21 et dans les luttes de territoires en cours et à venir.
Nous avions envie d’ancrer notre projet dans un territoire en lutte, sur une lutte symbolique aussi bien des enjeux de la COP21 que d’un capitalisme industriel et industrieux mondialisé. Mais nous voulions aussi nous extraire des temporalités qui sont celles des grands sommets, des agendas des décideurs politiques et financiers.
Nous avons jeté notre dévolu sur Bure parce que nous disposions là-bas d’un terreau de lutte déjà solide, nourri par plus d’une dizaine d’années de réflexions, d’investissements et d’actions en résistance au projet de poubelle nucléaire. Que ce soit la maison de la résistance ou le terrain acquis par des sympathisants de la lutte, nous avions l’opportunité d’établir patiemment, au cours de l’année passée, notre projet de campement et de faire connaissance avec le contexte local de la lutte.
Nous avons donc choisi de construire ce projet ensemble, en affinités, à près de 80 personnes réparties dans tout le nord de la France, parce que ça nous semblait un cadre bienveillant, plus propice à construire collectivement, entre personnes qui se connaissent, un campement de cet ampleur. Et nous avons attendu qu’entre nous toutes ce campement prenne sens et forme, pour le faire connaître, élargir notre cercle aux amiEs intéresséEs. Nous avons voulu que ce projet se construire à deux vitesses : au sein des groupes, dans les différents collectifs et lieux investis, afin de ne pas faire peser toute l’organisation sur le groupe investi à Bure ; et nous avons voulu néanmoins être présentEs dès mars, chaque mois, à Bure, pour ne pas reproduire les expériences hors-sol du passé : nous voulions prendre le temps de connaître nos voisinsEs de cet été, les habitantEs, les militantEs et les acteurs du projets CIGÉO.
Les chantiers collectifs [1] que nous organisons durant une semaine par mois depuis mai nous ont permis à la fois de bien mieux connaître les enjeux de la lutte sur place, d’ouvrir notre projet à celleux qui souhaitaient y prendre part et enfin de construire par avance, patiemment, un certain nombre d’infrastructures pour cet été.
Par ailleurs, nous avons voulu nous nourrir des expériences récentes sur les ZAD [2] pour prendre le temps de rencontrer les collectifs en lutte localement et construire ce moment avec elleux, afin que cet été nous ne nous retrouvions isoléEs ni physiquement ni politiquement dans notre campement, dans une méfiance et hostilité environnantes. Nous avons ainsi partagé nos dernières réunions d’organisation du campement avec des temps de rencontre avec les collectifs, les habitantEs des villages autour du laboratoire de l’ANDRA.
De même, cet été nous souhaitons que ces dix jours soient partagés à parts égales entre les moments de rencontre et d’organisation collective sur le campement et ceux d’échange avec les populations environnantes. A travers des cantines, des débats, des promenades, des manifestations dans les campagnes, villes et villages alentour, organisées en commun avec les collectifs en lutte localement, nous espérons ainsi contribuer à renforcer la lutte locale en y associant les habitantEs.
Une question récurrente, avec le spectre de Montabot où un violent et bref affrontement [3] avait blessé de nombreuses personnes en lutte contre la ligne haute-tension Cotentin-Maine, est celle de notre projet d’actions. Nous choisissons délibérément de ne pas construire un moment de répression prévisible, au cours d’une manifestation en direction du laboratoire de l’ANDRA , nous préférons penser de multiples autres formes plus inventives et néanmoins radicales d’expression de notre opposition au projet d’enfouissement CIGÉO. Que ce soit sous la forme de balades nocturnes, d’occupation des places et des rues des villes autour, ou bien d’autres idées fourmillantes que nous avons eues, nous escomptons bien être présentEs partout et tout le temps durant ces 10 jours dans la Meuse et la Haute-Marne.
Enfin, notre perspective de résistance ne s’en tient pas à ces 10 jours : nous étions là tous ces derniers mois avant, et nous avons bien l’intention d’y rester après. Nous espérons que, de même qu’à l’issue du camp action climat de 2009 à la ZAD [4] ou , le camp anti-G8 au même endroit en 2011, viendront s’installer dans la région celles et ceux qui poursuivront et construiront la lutte contre ce monstrueux projet d’enfouissement dans les mois et années à venir.
Et si nous avons souhaité que ce campement ne soit pas que celui de la lutte anti-nucléaire [5], que nous accueillons le mardi 4 une grande assemblée internationale contre la répression, à la demande de nos amis allemands, qu’en fin de semaine nous organisons également une réunion internationale de deux jours en vue de préparer les mobilisations de fin d’année de la COP21 et que nous avons voulu poser des temps de discussion de nos bilans et perspectives sur les luttes récentes de territoire ou en soutien aux migrants, c’est parce que nous sommes convaincus que ces grands moments de convergence nous offrent l’opportunité de construire collectivement des réseaux de résistance et de lutte déterminants pour les années à venir.
Nous espérons que ce texte contribuera à vous donner l’envie de venir, de nous aider à construire ce moment et l’enrichir de vos contributions (de nombreux espaces sont destinés à accueillir toutes les discussions, ateliers et débats que vous souhaiteriez apporter sur le campement ou en-dehors). Nous appelons à venir dès le 20 juillet pour un chantier collectif sur le terrain.
Vladimir, Martine & Co
Le texte en PDF :
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