Le 11 avril un événement "fac ouverte" était programmé, rien de bien délirant dans cette université qui est depuis toujours ouverte à des activités très différentes, en plus de sa fonction de formation des cadres du capital ou d’ouverture à l’esprit critique, selon le point de vue. Les demandes ont été passées dans les règles, ceux et celles qui organisaient ne cherchaient pas l’épreuve de force. L’administration a joué la montre ne transmettant qu’au dernier moment l’interdiction pensant ainsi empêcher toute riposte.
1er mi temps : hygiène et sécurité contre atelier
Arrivé.e.s sur place à 9 h, des hommes en noir d’une entreprise privée de sécurité occupent le terrain depuis 5h du matin... A priori sans trop savoir ce qu’ils attendent. Certains diront être là dans l’attente "d’un mouvement"... Très vite, c’est le responsable de l’hygiène et de la sécurité de l’université qui sera notre interlocuteur. Les raisons de la fermeture de l’université : "on ne sait pas ce qui va se passer". Une sorte de crainte absurde habite ce fonctionnaire, se mêlent des évocations d’accidents et de responsabilités avec des fantasmes de foule en délire devenue ingérable s’entassant par centaines dans des salles trop petites.
D’un coup, des décisions relatives à ce qu’est une université sont ramenées à des questions de gestion et de prévention des risques.
Par exemple, si depuis quelques temps il est demandé une autorisation aux personnes distribuant des tracts au sein de l’université, c’est pour s’assurer qu’il n’y ait pas de conflit. Il s’agit "seulement" de savoir qui fait quoi.
Ce traitement du conflit par la présidence, qui a ignoré les protestations suite à l’interdiction de l’Assemblé féministe le 27 janvier, est une méthode de dépolitisation qui tend à faire croire qu’il est seulement question de faire que "tout se passe bien", là où le propos serait plutôt qu’il ne se passe rien. On peut lire, par ailleurs, sur des demandes de réservation de salles des phrases telles que :
la question autours du savoir étant très vaste , nous sommes amenés à prendre des mesures différentes sur certains sujets plus sensibles au plan Vigipirate.
Ainsi je mets en copie notre fonctionnaire sécurité défense.
Pourquoi ne pas faire passer les universités directement sous l’égide du ministère de l’intérieur ?
2nde mi temps : installation et barrages filtrants
C’est un conflit de basse intensité qui va s’installer entre des vigiles bien conscients de l’absurdité de leur taf mais dirigés par un fonctionnaire droit dans ses bottes, et des personnes de plus en plus nombreuses bien décidées à faire ce pour quoi ilelles étaient venues. Il a fallu batailler pour faire entrer les personnes ce qui a donné lieu à quelques empoignades sans gravité. Ce qui ressort surtout c’est la nécessité pour l’administration de sans cesse rappeler les procédures et son pouvoir. Comme si toute cette mise en scène coûteuse n’avait pour seul but que de réaffirmer la hiérarchie universitaire et la nécessité de rappeler la règle.
Au menu : critique des médias, discussions informelles, destruction et reconstruction du Mirail, bouffe, foot, la précarité à l’université et la question de l’organisation contre son démantèlement, féminisme, racisme et islamophobie... Une diversité bienvenue sous un chaud soleil de printemps.
Nous n’étions pas nombreu.ses.x à participer de l’événement mais dans une certaine diversité et avec une réelle motivation. Il y avait des personnes syndiquées ou non, beaucoup d’étudiant.e.s et quelques enseignant.e.s pas tou.te.s précaires. En tout, moins d’une centaine de personnes mais particulièrement motivées pour que l’événement ait lieu qu’il soit autre chose qu’un simple "événement" justement. Les discussions ont permis de rapprocher des visions sur la lutte à l’université, sur son devenir, mais aussi de revenir sur la manifestation féministe du vendredi 10 et sur la menace de l’interdiction du voile à l’université. Ce qui c’est tenu là est une capacité d’action en acte et ce n’est pas rien dans ces temps moribonds.
Troisième mi-temps en forme de bilan
Ce qui se passe à l’université du Mirail, récemment renommée Jean Jaurès, n’est pas isolé. C’est la continuité d’un projet de longue date de faire de l’université un lieu policé, strictement organisé pour les intérêts du capital. Usine à formations, elle doit privilégier la réussite professionnelle aux futurs cadres du capital. Les étudiant.e.s sont en concurrence comme les formations le sont entre elles et les universités également. Si cette fonction n’est pas nouvelle, elle a toujours cohabité avec une université ouverte qui donnait l’occasion à de nombreuses personnes de se politiser à travers des luttes, des rencontres et même, parfois, dans les enseignements. Cette fonction, jamais parfaite, de fac critique et populaire est soumise à une double tension contradictoire : les universités sont sans cesse plus ouvertes à des couches populaires mais fermées à l’esprit critique et à la sociabilité politique.
La prochaine étape sera d’en faire sortir les classes populaires, à l’exception de quelques méritant.e.s, pour réaliser le projet d’une université toute entière tournée vers la performance. C’est à cela que nous voulons nous opposer en faisant vivre, en actes, le projet d’une université ouverte. Cela passe par l’organisation de ce genre d’événement mais aussi par l’opposition à tous ce qui fabrique l’exclusion comme l’interdiction du voile à l’université en est l’exemple le plus frappant aujourd’hui.
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