Depuis maintenant 6 semaines, les salariés de Thalès se mettent en grève tous les jeudis. Un mouvement inédit et même historique dans cette entreprise.
Serait-ce pour protester contre l’utilisation de leur matériel de guerre par l’armée saoudienne pour bombarder des civils au Yemen ? Contre l’utilisation de leur matériel de guerre par l’armée française pour bombarder des civils (célébrant un mariage) au Mali ? Contre l’utilisation de leur matériel de guerre par l’armée russe pour bombarder des civils en Syrie et en Ukraine ? Contre l’utilisation de leur matériel de guerre par Frontex pour bloquer les personnes qui fuient ces bombardements ? Non, non, non, et encore non !
Pensez-vous ! Pourquoi ces gens là feraient une chose pareille ? La fabrication d’armes, de matériel militaire, c’est leur spécialité, leur fierté ! Est-ce que les ouvriers en boulangerie se plaignent qu’on fasse des sandwichs avec leurs baguettes ? Alors pourquoi les ouvriers de Thalès se plaindraient que le fruit de leur travail est utilisé pour massacrer ? C’est bien à ça qu’il sert. C’est bien à ça qu’il a toujours servi. Qui achèterait des baguettes s’il était impossible de faire des sandwichs avec ? Pas grand monde. Quel Etat achèterait des armes si il ne pouvait pas massacrer des gens avec ? Sûrement aucun.
"On fabrique des roquettes, des bombes, donc on a des salariés qui manipulent des explosifs", explique Armelle Bruant, déléguée CGT dans l’usine Thalès. "La majorité de ces salariés sont payés entre 2.000 et 2.500 euros brut. C’est totalement insuffisant au regard des risques qui sont pris, au regard des qualifications nécessaires pour faire ce métier"
Chez Thalès, on est fier de ses qualifications. On fabrique du matériel de guerre oui, mais du matériel de qualité ! Et français ! Ça mérite bien une petite augmentation.
Pour le moment, la direction de l’entreprise prévoit une augmentation des salaires de 3,5%. Mais les grévistes réclament une hausse de 5%.
Sinon, attention, ça va péter, tous les jeudis ! Oui bon, parce que les autres jours de la semaine, ça turbine. Les systèmes de navigation pour bombes intelligentes vont pas sortir tous seuls de l’usine ! Et si rien sort de l’usine, les résultats font la gueule, et ça la CGT n’aime pas.
La colère est d’ailleurs montée d’un cran ce jeudi, lorsque les salariés ont pu examiner le bilan de l’entreprise Thalès. "Les résultats sont exorbitants, tous les chiffres sont en hausse, même le prix de l’action du groupe va augmenter à nouveau, et d’autant plus avec les événements actuels [la guerre en Ukraine ndr]", constate la déléguée CGT. "Le message de notre PDG est clair : l’année a été exceptionnelle et les perspectives pour 2022 - 2023 devraient être aussi bonnes, donc le groupe devrait générer des milliards d’euros sur cette période." [1]
Alors, pour ou contre la guerre ? On ne le saura pas. La guerre à la CGT-Thalès, c’est tabou. On n’en parle pas. D’ailleurs, lorsqu’un jeune membre toulousain de la secte trotskyste Révolution Permanente rédige un long article [2] ce dimanche sur cette grève, il n’en parle pas ! Et quand il donne la parole à une syndicaliste CGT du site Thalès Alena Space, devant le piquet de grève, elle n’en parle pas non plus [3].
"Les grèves à Thalès c’est assez exceptionnel, là cette année c’est un contexte particulier où on a fait beaucoup de CA, globalement ce n’est pas que Thalès c’est toutes les entreprises du secteur."
Contexte particulier, évènements actuels. La guerre ne doit pas être mentionnée, seulement suggérée.
"On est là pour dire que les richesses ça se partage, on est dans une société on se bat pour nous mais pour les autres aussi, on veut aussi donner l’exemple, si nous on y arrive les autres peuvent y arriver aussi."
Travailleurs, travailleuses, fabriquez des armes pour les puissants de ce monde ! Garantissez à vos patrons des milliards de profits et vous pourrez en récoltez les généreuses miettes !
"Quand une entreprise fait du chiffre c’est grâce au travail de tout le monde des salariés des ouvriers, des ingénieurs, c’est toute une chaîne de travail en fait qui bosse, et qui crée la richesse."
Et quand des enfants meurent sous des bombes guidées par les systèmes Thalès, c’est toute la chaîne de travail qui a les mains couvertes de sang !
"Sans nous, les actionnaires, les sociétés ne peuvent pas faire de chiffre."
Sans nous, les pilotes de tanks, les pilotes d’avions de chasse, ne peuvent pas massacrer des civils avec précision ! Frontex ne peut pas détecter les embarcations de migrants pour les repousser à la mer !
"Alors bien sûr, les actionnaires, les patrons, on en a besoin on est tous complémentaires."
La lutte des classes ? C’est dépassé ! Chez Thalès, tout le monde forme une grande équipe, unie pour générer des bombes, et des profits !
"Je pense qu’à un moment donné il faut que des salariés se mobilisent pour dire stop, on a tous le droit à notre part du gâteau"
Stop ! Stop les bombardements de civils sans que les gens qui fabriquent les armes ne soient mieux payés !
"On doit tous se soutenir les uns les autres."
Merci aux civils de Syrie, d’Ukraine, du Kurdistan, de soutenir les ouvriers de Thalès en voulant bien se prendre des bombes sur le coin de l’œil. C’est beau la solidarité. C’est beau la lutte. Et ça paie !
"Aujourd’hui c’est Thalès qui est en grève, mais y’a pas que Thalès y’a beaucoup de sociétés petit à petit qui se mettent en grève pour les mêmes raisons."
Comme Safran et Airbus Defense and Space, par exemple ? C’est ça l’idée ?
Pendant que les trotkystes donnent la parole à Carole, ouvrière, les journalistes du Monde s’entretiennent avec Julien, ingénieur :
Badge autour du cou, Julien témoigne de ses difficultés à boucler les fins de mois : "J’ai mangé toute ma trésorerie personnelle et je suis en train de regarder comment réaliser des économies", affirme cet ingénieur qui gagne 2400€ nets par mois. "En janvier, je me suis séparé de ma femme de ménage et je me dis que je devrais faire du vélo plus souvent, qu’il pleuve ou qu’il fasse froid" [4]l
Rendez vous compte ! Avez vous déjà connu la galère de vivre seul avec 2400€ par mois ? Savez vous quelle épreuve terrible représente le licenciement de sa femme de ménage ?!
Trève de plaisanteries. Feu à Thalès, feu à la CGT, les collabos de classe au milieu. Mort à l’Etat, mort aux flics, mort aux militaires.
complements article
Proposer un complément d'info