Il n’y a pas si longtemps...récit d’un bout de la manif "gilets jaunes" du 24 novembre

Samedi 24 novembre, les gilets jaunes manifestaient pour la première fois dans Toulouse. Croisant par hasard leur cortège, j’ai décidé de m’y mêler pour tenter de saisir un peu la portée de ce mouvement de protestation atypique. Écrit le soir même, ce retour qui pourrait paraitre anacronyque après les deux derniers samedi toulousain me semble malgré tout pertinent, même suite au passage de plusieurs jours d’émeutes.

Aux alentours de 17h la manifestation qui semble-t-il commencé à 12h (5h de manif !) vient de se faire refouler de la gare. Des grilles du chantier TESO sont tombées, la flicaille a pris quelques caillasses et envoyés lacrymogènes et grenade désencerclante. Autour de la rue Bayard, des grappes se gilets jaunes se retrouvent. Comme ailleurs en France la composition de la manif est très hétéorogène : des syndicalistes, des shlags avec gilets jaunes décorés de feuilles de canabis dessinées et hardtek dans les enceintes , des vieux, un vieux beauf probablement bien à droite avec une plaque d’immatriculation dessinée sur son gilet, des encartés du NPA quatre drapeaux français, un drapeau occitan, et sûrement quelques fafs convaincus. Quelques personnes filment tantôt la manif tantôt leur visage tout en commentant, sûrement pour faire un live diffusé sur les réseaux sociaux. Un adolescent à côté de moi s’adresse à son pote : "je peux dire un truc ? - Vas-y." Le gars gueule "La France au Français !". Son pote s’écarte de lui, part en éclats de rire. Gêné ou complice ? Horrifié je lui demande pourquoi il vient de dire ça. Il est incapable de me l’expliquer et s’éloigne de de moi pour aller saluer une personne qu’il a rencontré sur un blocage.

Très vite le cortège passe de 150 à 300 personnes en arrivant à Jean Jaurès. Ça s’arrête. Je tombe sur un tract sans queue ni tête intitulé "Hymne à la démocratie" et signé "papi bugeau" avec adresse mail (perso) et numéro de téléphone (perso) inclus. Deux ou trois personnes ont des mégaphones, et donnent des consignes contradictoires. On ne bouge pas ? Direction le Capitole ? Ou François Verdier ? Finalement le gros de la manif part vers François Verdier au cri du classique slogan syndicale "Tous ensemble tous ensemble". Mais une cinquantaine de personne ne bouge pas, puis appellent le reste de la manif, qui finit par faire demi-tour. Que se passe-t-il ? Une arrestation ? Un.e blessé.e ? Une action en cours ? Pas du tout. Un jeune artiste ambulant et aveugle chante du blues. Tout le monde se réunit, les smartphones sortent, la foule chante en choeur. Mais où suis-je tombé ? Le chanteur avance vers François Verdier, tout autour de lui la manif reprend "Stand by me" puis du Bob Marley. Le tout entrecoupé de "Macron Démission". Le gars fini par dire qu’il adore Toulouse, qu’il doit partir mais pas sans ajouter une dernière fois qu’il supporte les gilets jaunes et que Macron fait du mal à ce pays qu’il affectionne.

Je suis la manif depuis 30 minutes et on n’a pas fait 300m. Les flics de la CDI file vers la Préfecture, ils sont beaucoup plus tendus que les manifestant.e.s. Mais on n’ira jamais à François Verdier, ni à la préf. Nouveau demi-tour. Des gilets jaunes rentrent dans le centre commercial Saint-Georges. D’autres gilets jaunes crient que c’est un piège, qu’il ne faut pas y aller. Moment de flottement, mais finalement on ne rentre pas dans le centre commercial.Tant pis pour l’autoreduc. Je ne comprends plus grand chose. La flicaille non plus. Un gars gueule qu’on doit aller au Capitole. Les CRS qui suivaient nonchalamment le cortège ne savent pas quoi faire, ne bloquent pas la rue menant au capitole, laissent passer quelques personnes en direction de Jean Jaurès puis forme une ligne qu’on ne peut traverser si l’on porte un gilet jaune. Ils sont contournés par la perpendiculaire qui mène au Capitole mais ce bout de cortège vient finalement se placer derrière les camions de CRS. Les flics se retrouvent nassés. Crispé, leur chefs ordonne de surveiller l’arrivé d’éventuels proJectils sur leurs sales tronches.

Le face à face dure quelques minutes. Sur les CRS ça gueule alternativement "CRSS SS" puis "La police avec nous" puis une partie de la manif chante la Marseillaise puis "on marche ensemble, on tient la rue, et si les flics envoie les gazs on continue". Finalement, la manif se reforme en un unique cortège qui part en direction du Capitole où il se dispersera.

A quoi est-ce que je viens d’assister ? Je ne sais pas. Mais il y avait beaucoup de sourires parmi les manifestant.e.s C’est comme si une flash-mob, Nuit Debout, une manif syndicaliste et le mariage de mon cousin avaient fusionnés. Un mélange improbable, innatendu, détonnant ?

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