Italie : NO TAP, retour sur une année de lutte

Retour sur une année de lutte à Melendugno (région des Pouilles, Italie) dont le projet dramatique du TAP –TransAdriatic Pipeline – s’inscrit dans la lignée des zones de résistances et d’alternatives territoriale et populaire.

Chantier de Melendugno

C’est à Melendugno, petite ville du sud de l’Italie dans le Salento, que s’organise depuis plus d’une année, une lutte contre le « monstre » TAP - transadriatic pipeline.
Le projet TAP, est celui d’un gazoduc qui d’ici trois ans devrait relier le gisement gazier Shah Deniz situé en l’Azerbaijan, jusqu’au sud de l’Italie en passant par la Turquie, la Grèce et l’Albanie, soit au total 870 km de tube.
Ce méga-projet a pour objectif de trouver une alternative au gaz russe tout en continuant d’approvisionner l’Europe en méthane.
La création du gazoduc TAP, soutenue par la Banque européenne d’investissement (BEI) ainsi que par de nombreuses sociétés pétrolières internationales, semble être plus un projet d’intérêt financier entre multinationales et Etats, plutôt qu’une réelle préoccupation de la distribution du méthane vers chaque foyer européen.

C’est donc en réaction à la destruction de leurs terres ainsi qu’aux mensonges de l’agence TAP, que la population de Melendugno et du Salento, depuis plus d’une année, lutte au quotidien, dans l’espoir d’empêcher l’avancement des travaux du chantier de Melendugno ainsi que la création d’un quelconque autre chantier synonyme de frénésie capitaliste, n’importe où dans le monde.

Mamme NO TAP, le 8 mars 2018

NO TAP : NÈ QUI, NÈ ALTROVE – NO TAP : NI ICI, NI AILLEURS

Ceci est le slogan du mouvement NO TAP et du collectif des MAMME NO TAP (les mamans no tap). Alors que le 17 mars 2017 commençaient les travaux du chantier à Melendugno - se résumant par le déracinement de plus de 200 oliviers centenaires, laissant une zone morte, perforée et excessivement sécurisée - se forma dans l’urgence et par les opposant-e-s au TAP un rassemblement qui deviendra permanent.
Par de nombreux appels à manifester ainsi que des invitations a découvrir le point de rassemblement permanent ( Presidiopeppina-sanbasilio), le mouvement NO TAP a réussi petit a petit à inclure un maximum de personnes d’âges et de milieux différents. Des étudiant-e-s aux retraité-e-s, des militant-e-s aux non militant-e-s, sur la question du TAP tout le monde semble être d’accord, bien que parfois les diverses pratiques de luttes aient créées des conflits, et même une fragmentation au sein du mouvement.
Tout récemment, en avril dernier, s’est formé le collectif des MAMME NO TAP, non composé uniquement de mamans, mais aussi de sœurs, tantes. Ces femmes luttent pour la protection du territoire afin « d’offrir une terre saine pour nos enfants », et dans l’espoir que leurs terres restent un savoir passé de génération en génération, plutôt qu’elles tombent dans les mains du système d’exploitation capitaliste.

Si le Salento est connu, c’est grâce à ces champs d’oliviers qui font partis du patrimoine de la région et qui représentent presque tout le décor du territoire, l’huile d’olive est l’une des ressources économiques les plus importantes. Détruire des champs d’oliviers devient une attaque contre la population du Salento. Le chantier en cours de Mélendugno ne sera pas le seul dans la région, plus de dix puits sont prévus en Italie, sans compter ceux qui surgiront en Albanie, en Grèce et en Turquie. Dans ce sens, la lutte devient donc globale.

Dans « ni ici, ni ailleurs » les habitant-e-s du Salento entendent agir au delà de la lutte territoriale. Les intérêts économiques entre l’Azerbaijan, les grandes agences pétrolières actionnaires du gisement Shah Deniz (BP :Grande Bretagne / SOCCAR :Azerbajian / Snam :Italie / Total :France ...), et l’Europe sont d’une importance inestimable. La Commission européenne semble avoir oublié que financer ce gazoduc revient a soutenir les régimes autoritaires d’Azerbaijan, mis en place par la famille Aliyev( HeydarAliyev : 1993-2003 / Ilham Aliyev : 2003-actuellement au poste de président ), ainsi que celui de la Turquie, maintenu par Erdogan depuis son élection en 2002. Précisons que ces deux Etats auront accès aux commandes centrales qui permettront la distribution -ou non- du méthane vers l’Europe. Voilà une belle hypocrisie de la Commission européenne et de la société TAP qui en proposant une alternative au gaz russe, devient associée de deux régimes autoritaires, violeurs des droits humains.
L’entreprise TAP eut ajouté un mensonge supplémentaire ; celui de la création d’emplois dans le secteur, ainsi que celui du remboursement de la dette italienne. Bien difficile de croire à un quelconque coup de main financier pour sortir de la crise lorsque l’on apprend que les bureaux de l’agence TAP sont enregistrés à Baar en Suisse, et que les ouvriers actuellement présents sur le chantier de Mélendugno viennent du nord de l’Italie.

Rassemblement devant l’entrée du chantier de Melendugno

Partout où il y a une lutte il y a répression. Les habitant-e-s et militant-e-s du secteur n’y auront pas échappée et le gouvernement italien semble même avoir « mis le paquet » sur la sécurité du chantier. Les flics, l’agence de sécurité privée (Almaroma), les tours et relevés de plaques d’immatriculations des véhicules présents sur le rassemblement sont, désormais une pratique quotidienne de la digos(la BAC italienne).
En réaction à l’une des nombreuses manifestations contre le gazoduc TAP, le chantier a été transformé en une zone interdite d’accès et militairement protégée. Ce périmètre de sécurité -qui allait au delà de la superficie des travaux- s’appelait la Zone Rouge. C’est à ce moment, que les autorités ont mis en place un système de check point, afin de contrôler les habitant-e-s des maisons encerclée dans la zone. Cette action dura un mois, de novembre 2017 à décembre 2017.
La répression ne se limite pas seulement à la Zone Rouge. Actuellement et depuis un an il y a eu plus de 60 interdictions de territoire. Il peut être interdit de s’approcher du chantier, de la commune de Melendugno, jusqu’à la ville la plus proche Lecce, pour une période variable allant jusqu’à trois ans.
C’est alors que, certaines personnes travaillant dans la commune de Melendugno ou dans la ville de Lecce, en n’ayant plus l’autorisation de circuler dans ces périmètres, se retrouvèrent du jour au lendemain dans l’incapacité de retourner à leurs emplois, d’accéder aux services publics ainsi que les services de soins.
Sur quoi se basent ces interdictions de territoire ? Sur rien ou presque rien. Sur des dénonciations déposées et validées par les flics ; une présence lors des manifestions ou seulement des insultes aux forces de l’ordre, deviennent des motifs valables pour être isolé-e et privé-e de circulation.
Quoi de plus efficace pour affaiblir un mouvement naissant, que d’interdire ses lieux d’organisations et criminaliser ses actions ?

Actuellement la lutte contre le TAP souffre d’un manque de visibilité. Bien qu’il y ait eu des initiatives de soutien par d’autres mouvements ou collectifs, le projet Trans Atlantic Pipeline reste malheureusement trop inconnu des autres lieux qui s’organisent en Italie et à l’international. Un moyen efficace d’informer les curieux-euses reste donc la communication.

« Les martyr-e-s ne meurent jamais »
Pensée à Angelica ‘’La Peppina’’, militante NO TAP
décédée sur le retour d’une ronde nocturne au rassemblement San Basilio

Ennemi-e-s du TAP

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  • 7 juin 2018

    Il existe aussi une brochure récente (mars 2018) sur cette lutte contre le TAP, avec plein de textes traduits de l’italien de 2013 à aujourd’hui, dans une perspective anarchiste :
    Saboter l’énergie. La lutte contre la construction du gazoduc TAP dans le Salento, ed. Sans Patrie, mars 2018, 54 p., A5

    On peut la télécharger là :
    https://grenoble.indymedia.org/2018-03-13-Saboter-l-energie-La-lutte-contre

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