J’aimerais, moi aussi, squatter la piste de danse en toute tranquilité !

Ou Je ne suis pas un fruit exotique de Jupiter à consommer absolument !

Je suis une gouine, une meuf, une noire et une féministe.
Et bien plus encore !

Vendredi soir,
– on m’a touchéles tresses parce qu’"elles sont jolies"
– on m’a carressé le bras parce que ma peau avait l’air douce.
– deux meufs se sont demandées, à deux pas de moi, si j’étais dispo ; baisable, parce que j’étais "bonne" ! [1]
– on m’a dévoré des yeux : un tas de fois...
– on m’a demandé de quelle origine j’étais : 3 fois. Grand classique
– on m’a demandé si j’étais célibataire : 4 fois.
– on s’est volontairement frotté à moi.
– on a dit que j’étais une sauvage quand j’ai demandé à une personne de me foutre la paix.

Et j’en passe...
Tout ça entre 21h30 et 3h00 du matin !
C’était pendant la première soirée du festival de fermeture du Guêpier (à Marseille) !

Ras-le bol !

Je fais tout de suite tomber ce mythe : « parce que c’était une soirée en mixité ! ». C’est à dire que c’était une soirée publique et qu’il y avait un tas de gars cis-hétéro. Ça a peut-être sûrement multiplié le nombre de réflexions et de gestes tordus. Rassurez-vous, en mixité choisie MTPG, ça arrive aussi et dans toutes les villes où je passe régulièrement. Sauf quand je reste collée aux copines. Ce qui fait tomber l’autre mythe : « parce qu’on est à Marseille ». J’ai le droit à ce type d’attitudes dans les espaces les plus politisés et radicaux que je connaisse. Eh oui !

Pourquoi ce petit texte ?

Parce que je n’ai pas envie de déserter vos soirées-boum !
Parce que quand deux potes mixent, j’aimerais ne plus avoir à quitter la piste de danse en pleurant.
Parce que je suis fatiguée de mettre en place un tas de stratégies pour passer des moments agréables et anodins pour beaucoup.
Parce qu’il y a encore du taf. Beaucoup de taf. Beaucoup beaucoup de taf !
Parce que ce vendredi soir, nous n’étions que 9 personnes noirEs. Et je comprends pourquoi certainEs désertent.
Parce que ça suffit !
Parce que j’ai l’impression d’être dépossédée de mon corps. Qu’il appartiendrait à tout le monde. Il n’y aurait qu’à le commenter et se servir...
Parce qu’on parle d’antiracisme à tout va mais il y a un sacré écart entre le discours, les pratiques et la vie.
Parce que je continuerai à porter des fringues colorées, des paillettes...et à danser jusqu’au bout de la nuit !

Ca s’est passé au Guêpier, vendredi 23 mars 2018, mais ces postures envers ma personne, c’est quasi systématique : dans tous les espaces et en tout temps. Je ne crois plus depuis longtemps aux espaces "safe" et à la bienveillance dégoulinante.

En revanche, quand je me retrouve dans des espaces où j’ai à priori "confiance", il est vrai que j’aimerais être moi aussi au repos (au moins quelques heures) de la "relouterie" - des (micros) agressions de la vie quotidienne. Ce n’est pas le cas ! C’est très loin d’être le cas.
Il y a toujours la petite réflexion qui fait grincer des dents. La remarque déplacée ! Il y a encore beaucoup de travail.
Et chaque espace pourrait s’y mettre encore plus sérieusement.
Et plus particulièrement les espaces féministes.

Parce que ce soir-là, un bout de ma confiance a été mis à mal.
C’était il y a quelques jours et j’ai un peu de mal à passer à autre chose.
J’annule des choses prévues depuis longtemps de peur de revivre encore une fois les même situations. Je me pause un tas de questions. Je me demande si c’est moi qui provoque ça. J’en arrive même à minimiser les choses.
C’est absurde !

D’autres absurdités. Y retourner le lendemain.
Pour se prouver à soi-même qu’on est capable. "Il y a pas moyen, j’y ai toute ma place aussi !". A quoi bon !?
Bien sûr, vous pourrez dire "quelle relou celle-là, elle n’a qu’à pas y aller...dans ces espaces qui la mettent tant en insécurité" ou encore "elle se plaint parce qu’on la trouve jolie". [2]

Sauf que ces soirées /ces événements, parfois c’est chouette quand même ; croiser des tas de copines, faire la fête ensemble, s’amuser sur une piste de danse, découvrir le travail de copines, se donner des rendez-vous.
C’est des moments pour décompresser.
Qui tergiverse quasi-systématiquement pendant des jours pour savoir si ielle va à telle soirée ou pas ?

Ce texte aborde les espaces de fêtes mais il vaut aussi pour les rencontres politiques, féministes.

Ce texte s’adresse aux alliéEs potentiel.le.s, aux camarades : féministes matérialistes, camarades d’extrême gauche.

Ce texte s’adresse aux personnes Blanches !
Il s’adresse à celleux qui parlent d’intersectionnalité à tous bouts de champs et qui te sautent dessus en te parlant d’Afro-féminisme !

S’excuser et être désoléEs ne suffit pas.
Concrétement, comment on pose les choses ?
F.

Notes

[1C’est à dire parler de moi à la troisième personne alors que je suis tout près.

[2Ce sont des choses qui m’ont été dites il y a quelques semaines quand je soulevais déjà franchement le souci. Joli ou pas, là n’est pas le problème.

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