L’élan républicain du 21 avril 2002

Le 21 avril 2002, un vent de panique souffle sur la France : Jean-Marie Le Pen, avec près de 18% des suffrages, est pour la seule et unique fois de sa carrière au second tour de l’élection présidentielle, alors que la plupart des observateurs, journalistes et hommes politiques en tête, avaient pronostiqué la disparition du FN après la scission de 1999 qui l’avait beaucoup affaibli…

Dès l’année 2000, avec en perspective les municipales de 2001 et surtout l’élection présidentielle de 2002, le FN se réorganise, aussi bien au niveau structurel que stratégique. Les mauvais résultats du premier tour des municipales de 2001 (280 969 voix, soit 2,01% au plan national), avec au final 103 élus dans les communes de plus de 3500 habitants sont à mettre en regard avec ceux des élections cantonales, auxquelles le FN présente 1703 candidats et obtient 862 810 voix, soit 7,12%, soit une progression de 24% par rapport aux élections européennes de 1999. Alors que la question sécuritaire avait dominé les municipales, le FN était resté discret sur la question, organisant des campagnes sur des thèmes plus spécifiques (contre l’euro, le « fiscalisme », les « affaires » et la corruption) tandis que Jean-Marie Le Pen, après s’être acharné sur Mégret en 1999, concentrait ses attaques sur son ennemi de toujours Jacques Chirac.

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Cet article analyse assez clairement les enjeux autours du front national mais n’aborde que très brièvement l’ambiance de cet entre deux tours. Les appels insistants à aller voter Chirac, la haine de l’abstentionniste et les discussions houleuses que cela provoquait. Il y en eu peu pour ne pas y aller même sans pince à linge [1]. Il serait trop long de faire la liste des groupes qui appelait à faire rempart, qui ont complétement fondu les plombs et pas vu que la droite était bien assez grande pour porter son candidat toute seule. Cela n’aurait pas signé un "chèque en blanc" comme le dit la Horde, au programme sécuritaire d’un certain Nicolas Sarkozy. Pour mémoire de ce que la peur provoque comme ablation de l’entendement et du raisonnement...

Un texte qui circulait à l’époque :

Nous sommes tous républicains

Qu’il est beau notre président ! Un bel escroc qui sent bon le sable chaud. Le dernier barrage de la Démocratie aura donc tenu. Vu des salons dorés et parfumés de la République, il a fière allure le valeureux rempart. Mais à y regarder de prés, il est mal en point, la vermine le ronge et ici ou là, des fuites apparaissent... Le mot d’ordre a été martelé à tout va. Marqué aux fers rouges dans toutes les têtes : Une pensée unique contre toute réflexion politique.
Faire barrage !! Il fallait faire barrage ; aux flots d’intolérance, de peur et de mépris. Faire barrage à la haine et à la bêtise.

Du coup, tous ces revendeurs de programmes frelatés, qu’ils soient rouges de honte ou verts de rage, tous nous ont demandés, pardon, obligés à entasser les votes. Tous les votes !! Comme on entasse des sacs de sable, sous peine d’excommunication, aux cris d’abstention=collaboration. D’accord. Mais combien de temps devrons-nous encore soutenir cette frêle construction ? Bâtît à la hâte, il semble qu’elle n’est pas les fondations bien solides. Approchez-vous un peu, innocents de France, regardez de l’autre côté du barrage, comme le niveau monte, regardez comme la pression se fait de plus en plus forte. Le marigot putride et nauséabond s’agrandit toujours plus. Ce n’est qu’un barrage. Il retient. Mais il ne résout rien.

La faute à qui ? A ces pelleteuses du profit-à-tout-prix, qui creusent inlassablement les inégalités ? A cette misère qui s’écoule, tous les jours un peu plus, des montagnes du mépris politique ? A cette peur distillée par des médias fous ou inconscients, nous rejetant chaque jour un peu plus les uns contre les autres, solitude contre solitude ?
Qu’importe que le niveau monte le coq gaulois et républicain est connu pour chanter les pieds dans la misère. Allez, du nerf, on saisit les sacs de merde, avec ou sans gants, et hop on monte le mur, dans un bel élan national, le drapeau bleu, blanc, rouge en avant, à grand renfort de Marseillaise.
N’empêche qu’un jour faudra bien se demander d’où vient toute cette flotte stagnante. Est-ce réellement à cause de ce flot d’abstentionnistes que l’eau grimpe ?
Mais ouvrez les yeux citoyenNEs enlevez vous ce grain de sable qui vous obstrue les orbites. A votre avis, qui creuse le lit ? Qui, ayant le pouvoir, laisse couler nos espoirs ? Qui casse nos vies ? Qui expulse nos amiEs ? Et on devrait se contenter d’une démocratie du candidat unique. Un à gauche, un à droite mais pas plus sinon gare aux surprises !!!!
Mais pendant que l’on se prélasse à l’ombre du barrage républicain, laissant patauger de plus en plus de gens dans le marigot putride, dans la misère et le déni de justice. Pendant ce temps la bête elle en profite console les unEs , rassure les autres et sournoisement avance à grand coup de discours populistes. Les loi sur la sécurité quotidienne, la tolérance zéro, les emplois précaires, l’ignoble situation des prisons françaises, le tout nucléaire,"la privatisation des bénéfices, la socialisation des pertes", la transformation en vulgaire objet de commerce de l’éducation et de la culture, les refus du droit d’asile…
Et la peur. Toujours cette satanée peur. Du lendemain, de l’autre, de sortir… Tout cela n’est pas le programme d’un parti fasciste mais une réalité, appliquée par les gouvernements successifs de droite et de gauche.
Petit à petit on transforme la société en un quartier d’isolement, le pouvoir en mirador, et en cellules tous confort. C’est peut être là le plus grand danger, habituer les gens à la soumission d’un système totalitaire. Et peu importe s’il reprend les sinistres couleurs brunes d’hier, ou s’il se choisit des habits neufs, ce qui est sûr, c’est qu’il se servira toujours des systèmes de contrôle de pointe, de l’armée et de la police républicaine et démocratique pour asseoir sa domination.
Qu’ont fait les gouvernements de gauche et de droite pour ne pas laisser le racisme, l’intolérance, la peur se développer au sein de la population ? Qu’ont-ils fait pour promouvoir un individu libre et responsable ? Qu’ont-ils fait pour favoriser la solidarité ?
Certainement trop occupés à ferrer l’électeur et l’électrice dans une pèche aux gros où tout les coups sont permis. Seulement à un moment le jouet se casse, la corde lâche et plus personne ne suit. Et maintenant nos "politiques" nous demandent de sauver la France. Gare à vous. Aux urnes citoyenNEs !!!! Creusez les tranchées de la luttes anti-fascistes et "no pasaran", le général Chirac dans sa respectabilité toute neuve, revigoré par le bruit et l’odeur des bottes, nous a mené jusqu’à la victoire finale de "nos valeurs". Le grand sursaut national contre les nationalistes a eu lieu.
Bravo ! Et merci à toutes et à tous de vos participations.

Et maintenant circulez, y’a rien à voir. Vous pouvez tous retourner à vos chères activités individualistes faîtes de week-end égoïstes à la montagne ou la mer. De vacances en Italie ou Tunisie. De soirées câblées ou décryptée devants nos chères TV, confinés dans nos espaces privés chèrement gagnés. Jusqu’à la prochaine fois, on supportera encore longtemps de vivre à côté d’ usines à risques, de boire un café issue directement de l’exploitation du tiers monde, de porter des vêtements cousus par des mains d’enfants, d’ accepter une précarisation croissante, de consommer aveuglément de l’énergie nucléaire. Honni soit qui mal y pense.
Et pourtant, en étant et en pensant solidaire nous pourrions déplacer ces montagnes, assécher une bonne fois pour toute le marécage, et définitivement écoper l’eau de la méfiance. Le danger n’est pas passé. Loin de là. Il est devant nous. Autour de nous. Et si nous n’avions plus peur ? Et si pour une fois notre mémoire restait intacte ? Si elle cristallisait à jamais ce souvenir du temps ou nous battions le pavé, lorsque nous étions dans la rue, et que tous cela reposait sur nous. Ce temps ou nous avions décidé d’agir plutôt que d’élire, et de s’organiser pour faire pressions sur ce vieux monde.
D’ailleurs il parait que, encore aujourd’hui, un autre monde est possible. Sans doute. Certainement. Sûrement. Mais il reste à le gagner. Et à le construire. Avec compréhension, tendresse, humour, force et détermination.
En direct du bas des plaines de la Garonne

Notes

[1certain y sont allez en se bouchant symboliquement le nez avec une pince à linge. Ça a due leur faire un mal de chien en plus du reste.

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