Dès les heures qui ont suivi ce désastre en mer, les garde-côtes helléniques ont commencé à justifier leur non-assistance en arguant que les personnes en détresse n’avaient pas voulu être secourues jusqu’en Grèce.
Nous posons la question suivante : pourquoi les gens en mer ont-ils si peur de rencontrer les forces grecques ?
C’est parce que les personnes en déplacement connaissent les pratiques horribles et systématiques de refoulement des autorités grecques, pratiques qui sont sanctionnées par l’UE. La Grèce est devenue le "bouclier de l’Europe", comme l’a fait remarquer le président de la Commission européenne, M. von der Leyen, en dissuadant violemment les personnes en mouvement.
Les personnes en mouvement savent que des milliers d’entre elles ont été blessées par balle, battues et abandonnées en mer par ces forces grecques. Ils savent que la rencontre avec les garde-côtes, la police ou les gardes-frontières helléniques est souvent synonyme de violence et de souffrance. C’est en raison de ces refoulements systématiques que les bateaux tentent d’éviter la Grèce, en empruntant des routes beaucoup plus longues et en risquant leur vie en mer.
En tant qu’Alarm Phone, nous avons documenté d’innombrables cas de refoullement ainsi que des cas où des bateaux surchargés ont chaviré parce qu’ils ont emprunté des itinéraires plus longs, en essayant d’éviter les forces grecques. L’un des exemples les plus récents est celui d’un bateau en détresse le 22 mai 2023, au sud de Methoni, qui a été repoussé sur 524 km dans les eaux turques. Certaines des personnes impliquées dans cette affaire sont toujours emprisonnées en Turquie.
En outre, Alarm Phone a documenté la façon dont les passagers d’un autre grand bateau parti de Tobrouk, en Libye, ont été enlevés dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise [1] et remorqués en Libye le 23 mai 2023, où ils ont été emprisonnés. Les personnes en déplacement savent qu’elles doivent voyager le plus loin possible pour augmenter leurs chances d’éviter les refoulements ou les refoulements par procuration.
Après le chavirement du bateau de pêche, les autorités grecques se sont empressées de justifier publiquement leur incapacité à porter secours. En réalité, elles avaient été alertées plusieurs heures avant le chavirement du bateau et avaient été informées par différentes sources qu’il s’agissait d’un bateau en détresse. Les garde-côtes helléniques et un avion de Frontex se seraient rendus sur les lieux. Les autorités européennes auraient pu envoyer sans délai des moyens de sauvetage adéquats. Elles ne l’ont pas fait parce que leur désir d’empêcher les arrivées était plus fort que la nécessité de sauver des centaines de vies.
Cessez de blâmer les personnes qui se déplacent pour tenter d’échapper à votre violence !
Arrêtez de blâmer de leur propre mort les personnes en mouvement !
Arrêtez les refoulements, mettez fin à la mort en mer, détruisez les frontières de l’Europe !
[Alarm Phone] Chronologie du cas de détresse - 13/14 juin 2023
Dans la matinée du 13 juin, à partir de 9:35h CEST [2], l’utilisateur de Twitter Nawal Soufi alerte sur un grand bateau en détresse, transportant, selon eux, 750 personnes. Dans les heures qui suivent, Nawal Soufi ajoute d’autres informations, notamment la position GPS du bateau en détresse et le fait que les autorités italiennes, grecques et maltaises ont été alertées.
14:17 CEST : Alarm Phone reçoit le premier appel du bateau en détresse. Il est difficile de communiquer avec les personnes en détresse. Ils disent qu’ils ne peuvent pas survivre à la nuit, qu’ils sont en grande détresse. Alarm Phone tente de recevoir leurs coordonnées GPS actuelles afin de pouvoir alerter les autorités - mais l’appel est coupé. Nous essayons de reprendre contact avec eux.
14:30 CEST : Les personnes en détresse appellent à nouveau, disant à Alarm Phone qu’elles enverront leur position. Mais ils ne le font pas.
15:52 CEST : Les personnes en détresse ont appelé deux fois Alarm Phone, mais il était impossible de les comprendre.
16:04 CEST : Nous parlons à nouveau aux personnes en détresse. Ils disent qu’ils enverront leur position GPS.
16:13 CEST : Nous recevons la position des personnes en détresse : N 36 15, E 21 02. Nous essayons de recueillir d’autres informations, mais nous ne parvenons pas à reprendre contact avec eux.
16:53 CEST : Nous alertons les autorités grecques par email ainsi que d’autres acteurs, y compris Frontex et UNHCR Grèce.
17:13 CEST : Nous rétablissons le contact avec les personnes en détresse. Nous entendons "hello, hello", puis l’appel est coupé. Nous essayons de nous reconnecter, ce qui n’est pas possible.
17:14 CEST : Nous recevons un appel du bateau en détresse mais nous n’entendons rien.
17:20 CEST : Nous parlons aux personnes en détresse qui nous signalent que le bateau ne bouge pas. Ils nous disent que le bateau ne bouge pas : "Le capitaine est parti sur un petit bateau. S’il vous plaît, n’importe quelle solution". Ils disent qu’ils ont besoin de nourriture et d’eau.
17:34 CEST : Nous recevons un autre appel du bateau en détresse et leur position mise à jour : N 36 18, E 21 04 - très proche de la position précédente. Ils disent que le bateau est surchargé et qu’il se déplace d’un côté à l’autre.
18:00 CEST : Nous appelons la compagnie du navire marchand "Lucky Sailor" pour l’informer de la présence du bateau en détresse. Ils disent qu’ils n’agissent que sous l’autorité des garde-côtes grecs.
Au cours des heures suivantes, Alarm Phone tente de rétablir le contact avec les personnes en détresse, mais les appels ne sont pas connectés ou il est impossible de se comprendre.
20:05 CEST : Alarm Phone est informé par les personnes en détresse qu’elles ont reçu de l’eau du navire marchand Lucky Sailor et qu’elles ont été en contact avec la "police". Alarm Phone remarque également qu’un second navire marchand, le "Faithful Warrior", est proche des personnes en détresse.
Au cours des heures suivantes, l’Alarm Phone tente de rétablir le contact avec les personnes en détresse, mais les appels ne sont pas connectés ou il est impossible de se comprendre.
00:46 CEST le 14/06/2023 : Dernier contact avec le bateau en détresse. On entend seulement : "Hello my friend. .... Le navire que vous envoyez est ...". L’appel est coupé.
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