En 2012, Thierry, dont le groupe est propriétaire d’une quantité impressionnante d’immeubles à Toulouse, Bordeaux ou Nantes, lorgne sur cet immense bâtiment d’EDF. 4500m2 sur les bords de Garonne, en plein centre-ville, c’est le genre d’adresse qui fait saliver plus d’un promoteur. Cette année-là, l’achat du 10-12 quai Saint-Pierre lui passe finalement sous le nez parce que Sciences Po Toulouse, qui se trouve à l’étroit dans ses locaux de la rue des Puits Creusés, cherche à déménager. Toulouse Métropole, sous la forme de son EPFL[Etablissemnt Public Foncier Local] (qu’on connaît mieux pour son rôle de marchand de sommeil vu les taudis qu’il loue aux pauvres dans le quartier Bonnefoy), décide donc de préempter les lieux pour que le vénérable Institut (d’Études Politiques) puisse s’y installer. En France, lorsque des propriétaires veulent vendre leurs biens, certains organismes publics ont le droit de préemption, ce qui leur permet d’acheter en dessous des prix du marché. C’est ainsi que l’EPFL récupère ce bâtiment pour 4,7 millions d’euros, ce qui n’est vraiment « pas cher » dans le monde parallèle de l’immobilier.
L’année suivante, en 2013, une « association de sauvegarde du quai Saint-Pierre » se monte dans l’objectif de faire capoter le projet. Pour les grands bourgeois, riverains du bâtiment, c’est hors de question que des étudiants (même de Sciences Po !) viennent troubler leur tranquillité et encore moins que le bâtiment soit surélevé, leur gâchant la vue sur la Garonne qu’ils ont payé à prix d’or. À partir d’avril 2013, des familles à la rue soutenues par le DAL, le GPS et le Collectif SDF occupent le bâtiment, qui sera évacué l’été suivant.
Une année suffit à ce que les bourges du quai Saint-Pierre obtiennent gain de cause. En 2014, c’est le grand retour de Moudenc au Capitole et, comme il s’y était engagé lors de sa campagne, le projet est définitivement abandonné dès le mois de juillet. Dans le même temps, le permis de construire déposé par Sciences Po est de toutes les façons refusé par la préfecture. Quand il s’agit de faire plaisir à des bourgeois qui chouinent, l’État et les pouvoirs locaux tombent rapidement d’accord.
N’ayant donc plus aucun projet pour le bâtiment, Toulouse Métropole décide en 2015 de le revendre... au prix d’achat. D’après un article de La Dépêche de l’époque, « conformément aux textes, le bien a été proposé à l’ancien propriétaire, Erdf, puis à Thierry Oldak. » Thierry n’hésite pas une seconde et il devient alors propriétaire de cet immense immeuble des beaux quartiers. Revendre ce bâtiment à ce prix-là est un très joli cadeau fait à Thierry Oldak de la part de Toulouse Métropole, dont le président n’est autre que Jean-Luc Moudenc.
Avant même de devenir officiellement propriétaire, Thierry raconte à qui veut bien l’entendre qu’il souhaite « construire une cinquantaine de beaux appartements » et que le permis de construire devrait être déposé dès le début de l’année 2016. Il faudra en réalité attendre trois ans pour qu’enfin, en 2019, soit déposé le permis de construire d’une « résidence de luxe pour seniors », sans que le moindre chantier ne démarre d’ailleurs depuis. Pendant cette période, le bâtiment est à nouveau squatté plusieurs mois, avant d’être une nouvelle fois expulsé pour rester vide, gardé par des vigiles.
Mais si Thierry n’était pas si pressé de commencer les travaux, ce n’est sans doute pas complètement par hasard. Dès son rachat du quai Saint-Pierre à prix d’ami à l’EPFL, le joueur de poker avait sans doute une petite idée derrière la tête, qui devrait d’ailleurs bientôt se conclure...
À en croire quelques indiscrétions passées relativement inaperçues dans le quotidien le plus détesté de la région, le Groupe Thierry Oldak serait en passe de revendre le bâtiment (et son projet de résidence pour vieux bourges) à la Cogedim pour 11 millions d’euros, empochant au passage une plus-value de 6,25 millions d’euros, soit davantage que ce qu’il avait déboursé pour acquérir l’immeuble.
Thierry s’apprête donc à finir la décennie en beauté en réussissant une bien belle opération qui n’aurait jamais été possible sans le coup de pouce de Toulouse Métropole et de son indécrottable président, Jean-Luc Moudenc.
Des magouilles dans ce genre, c’est la normalité du capitalisme. Il serait naïf de croire que c’est une particularité de la bande à Moudenc, du macronisme ou même de la droite ou de la gauche. Quel que soit le pouvoir en place, qu’il revendique une Start-Up Nation ou qu’il se présente comme de gauche alternative, les copinages entre le patronat et les élus font entièrement parti du système. Qu’on ait le Parti socialiste, les Républicains ou Archipel Citoyen à la tête de la ville, le pouvoir restera aux mains de quelques-uns qui se refileront des marchés publics, qui se revenderont à prix d’amis des biens préemptés et qui placeront leurs pions en se découpant la ville.
Un fantôme de Georges Cochon
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