A moins que...
L’ambiance bon enfant de Fifigrot battait son plein mardi soir dans la cour de l’Ecole Supérieure d’Audiovisuel, rue du Taur.
Néanmoins, deux individus turbulents, apparemment amis de longue date, s’invectivent et décident de se retrouver devant le portail pour en découdre.
A peine la bagarre entamée que déboulent les joyeux lurons de la CRS 27. A la vue des deux lascars, ils ne peuvent s’empêcher de dégainer théâtralement leur substitut phallique ; leur matraque télescopique.
Un des deux individus repond au CRS qui tente de l’interpeller. Cette insoumission devait déclencher un invraisemblable déferlement de violence.
Maintenu au sol, l’individu reçoit péniblement sa sentence. Un CRS en totale perte de contrôle lui écrase sa matraque sur la gueule de toutes ses forces, dans un geste frénétiquement répété plus d’une dizaine de fois. Dans le même temps, son collègue, dans la même hystérie, tape à coup de rangers comme on le ferait dans un ballon de foot. La scène est longue et douloureuse. Y assiste la petite amie d’une des victimes, qui manque de perdre connaissance tant le niveau de violence est insoutenable.
La réaction populaire ne se fait pas attendre. Les flics se font copieusement insultés, traités de porcs et d’assassins. Certains filment, on leur met la pression.
Non, on ne peut pas encore tout-à-fait tabasser la jeunesse tranquille dans l’hypercentre de Toulouse en 2015.
C’est sans compter sur les renforts qui déboulent alors comme des cow-boys.
L’agression prend alors des tournures de mascarade : pour deux gamins agités, trois, quatre, puis cinq fourgons de CRS, autant de voitures de police et autant de camionnettes de police municipale fendent la foule toute sirène hurlante. La rue du Taur est blindée quasiment jusqu’à la place du Capitole.
La disproportion de la réaction policière est proprement hallucinante. Nous sommes tout-e-s surpris-e-s par le manque criant de sang froid des fonctionnaires de police. La pupille dilatée, ils insultent copieusement tout ce qui se trouve sur leur passage, tremblent, ont la voix étouffé par leur propre nervosité. Les maîtres chiens sortent leurs molosses, les LBD (lanceur de balles de défense) sont dégainés, les gazeuses exhibées. Les flics sont en plein délire phobique : le souvenir des émeutes de Novembre semble encore très frais.
Un organisateur du Fifigrot s’indigne, dit exiger l’identité des fonctionnaires de police, menace de faire son devoir de citoyen. La réponse des flics ? Un coup de gazeuse à bout portant et un coup de matraque dans le menton.
Un individu qui tentait de s’interposer est embarqué violemment.
Alors que la situation se calme à l’extérieur, on aperçoit à travers les vitres teintées d’un fourgon quelques CRS finir de tabasser un des interpellé. A l’abri des regards...
L’insécurité en action
Le message est clair : ceci est le traitement auquel doivent s’attendre toutes celles et ceux qui feront obstacle à la férocité policière dans le Toulouse de Moudenc.
Il n’est plus de lieu sûr à l’intérieur de la ville qui ne soit à l’abri de la ratonnade gratuite, de l’arrestation arbitraire et de la torture décomplexée. Des groupes armés quadrillent la cité et envahissent nos vies ; qui peut encore croire qu’ils sont porteurs d’un quelconque ordre, sinon celui d’un État voyou ? Terroriser les corps et les esprits : jusqu’où les laissera-t-on mettre en pratique leur sordide projet ?
« Ô Toulouse...
Il y a de l’orage dans l’air et pourtant,
L’église Saint Sernin illumine le soir. »
Les journaflics en action
Sans doute peu fière de ce manque de professionnalisme, la police a visiblement demandé à ses serviteurs médiatiques d’assurer le service après vente de son intervention ratée.
La Dépêche du Midi, fidèle au poste, n’a pas déçu. Elle a relaté les évènements en reprenant visiblement mot pour mot le communiqué de la police. Le résultat est d’un comique inespéré. Sous le titre "Cinq CRS pris à partie et blessés mardi soir à Toulouse", les mensonges suivants sont proférés :
"Cinq fonctionnaires de police ont été blessés mardi soir à Toulouse, rue du Taur. Alors que les policiers de la CRS 27 intervenaient sur une rixe de voie publique devant une crêperie, ils ont été pris à partie par une foule hostile. Des renforts diligentés sur place ont eux aussi été invectivés et fortement malmenés par une quinzaine d’individus déterminés à en découdre."
Actu Toulouse (Cinq policiers blessés dans une importante rixe rue du Taur à Toulouse) et 20 minutes (Toulouse : cinq policiers blessés en plein centre-ville) leur emboiteront le pas aussitôt.
Mais le lendemain, notre torchon régional récidive, trouvant sans doute que son compte-rendu de la veille n’était pas encore assez éloigné de la réalité : Cinq CRS blessés en voulant séparer une rixe en centre-ville. Sous la plume de la "journaliste" Claire Lagadic, la bagarre entre deux amis devient "une rixe opposant une vingtaine d’individus". La quinzaine d’individus dont il était question la veille s’est démultipliée : "Une fois les protagonistes calmés, les CRS ont fait demi-tour, c’est alors qu’ils ont été violemment agressés par un groupe d’une cinquantaine de personnes dont trois particulièrement véhéments." La violence des badauds s’est elle aussi intensifiée : "Les fonctionnaires ont été agonis de coups de pied et de coups de poing. L’un des agresseurs a même tenté d’enfoncer une clef de voiture dans le crâne d’un policier."
On ne sait pas s’il faut rire ou pleurer.
De tous les témoins présents sur place, aucun-e n’a pu constater de violence physique sur agent, à l’exception bien sûr du geste initial de l’individu interpellé.
La "violence" de la foule n’a été que verbale et psychologique.
La seule hypothèse crédible pour expliquer les blessures de certains fonctionnaires est que dans leur rage ils se sont fait mal en portant les coups.
Ceci semble confirmé par la nature des blessures telle que rapportée par l’article sus-cité : "Ils souffraient notamment d’entorses à la main ou de luxation du coude."
A moins que la cinquantaine d’individus enragés dont il est question se soient mis d’accord pour n’agoniser de coups uniquement les mains et les coudes des fonctionnaires ? Il n’y a qu’un-e journaliste à La Dépêche pour le croire.
complements article