La lettre des mineurs isolés étrangers face à la menace d’expulsion
« Toulouse, le 14/12/17.
Nous sommes près d’une trentaine de jeunes à vivre au bâtiment du 75 rue de la Glacière depuis le 12 octobre 2017. D’autres jeunes ont trouvé une place chez des particuliers.
Après être passé à DDAEOMIE, où notre statut de mineur a été rejeté et où nous avons été victime de racisme, de discrimination et d’injustice, nous avons connu à nouveau l’errance.
Avant de vivre dans le bâtiment de la rue de la Glacière, nous vivions dans la rue, dans le froid, la faim et la peur. Nous avons appelé à de multiples reprises le 115, sans résultats. Plus le temps passait, plus nous étions préoccupés par notre sort et l’arrivée de l’hiver. Nous avons même pensé à construire un campement pour affronter l’hiver mais par manque de moyens, nous n’avons pas pu.
Finalement, nous avons pu trouver un semblant de foyer avec l’accès à ce bâtiment vide et inoccupé. Depuis, nous nous sentons mieux, nous avons retrouvé une tranquillité. Nous sommes devenus un point de repère pour chaque jeune rejeté du DDEAOMIE, ce qui arrive chaque semaine.
Parmi nous, certains n’ont jamais eu la possibilité, la chance, les moyens d’apprendre à lire et à écrire le français. Mais aujourd’hui, grâce au bâtiment et au collectif, nous pouvons avoir un enseignement grâce aux bénévoles qui nous visitent. Nous vivons d’aide et de dons, nous nous sentons mieux que dans la rue.
Une audience au tribunal aura lieu le 22 décembre pour savoir si nous pouvons rester dans le bâtiment. Nous aimerions y rester parce que c’est le seul moyen pour nous de survivre !
Nous vous prions respectueusement de nous soutenir, nous les jeunes mineurs isolés, le 22 décembre 2017 à 9h00 au Tribunal d’Instance de Toulouse, 40 Avenue Camille Pujol. Nous avons vraiment besoin de votre aide !
Les mineurs isolés du collectif AUTONOMIE de Toulouse »
Deux mois de réquisition plus tard...
12 octobre 2017. Plusieurs dizaines de jeunes du collectif AutonoMIE réquisitionnent un hôtel de 25 chambres, inoccupé et accessible depuis plusieurs mois, afin d’y loger une partie des 80 mineurs isolés qui composent le collectif.
Le DDAEOMIE, dispositif départemental officieusement chargé d’en faire des sans-papiers comme les autres, avait remis ces jeunes à la rue au moyen d’évaluations racistes et arbitraires déniant leur minorité (« parle trop bien français », « a des opinions politiques », « reste dans son coin »…).
La quasi-totalité des jeunes du collectif AutonoMIE rejoint pourtant par la suite le foyer avec une reconnaissance de minorité et un jugement de placement jusqu’à leur majorité. Le DDAEOMIE est donc presque systématiquement démenti par la juge des enfants. Pendant ces deux mois de réquisition du bâtiment vide, plusieurs jeunes logés au 75 rue Glacière ont ainsi été reçus par la juge et placés sous la protection de l’Enfance.
Cette situation sur le territoire toulousain illustre une réalité qui existe dans l’ensemble du pays. De nombreux-euses militantes, associations, collectifs, travailleurs-euses sociales, médecins, infirmier-es, psychologues, pédopsychiatres, avocat-es, professeur-es, le défenseur des droits, et bien d’autres encore, dénoncent les manquements d’un État pourtant signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant. Ces jeunes mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s voient en effet leurs droits les plus fondamentaux bafoués : "ni-ni", "mijeurs" engagés dans des procédures juridiques pour faire valoir leur minorité, ils n’ont droit à aucune aide pour dormir, manger, apprendre, vivre, si ce n’est celle que des femmes et des hommes leur apportent avec pour seuls moyens l’imagination et l’énergie débordantes de la solidarité.
Mais pour Toulouse Métropole, peu importe... 4 décembre 2017. Après quasi 2 mois d’occupation, l’huissier vient donner la première sommation à quitter les lieux sous 24h.
Dans un parcours semé d’embûches, ces jeunes mettent des mois à faire valoir leurs droits auprès de l’État. Pourtant, quand il s’agit de les mettre à la rue et de leur enlever le peu qu’ils ont pour survivre, les choses vont beaucoup plus vite. 13 décembre 2017, 14h45. Les habitants mineurs du 75 rue Glacière à Toulouse reçoivent une assignation à comparaître devant le Président du Tribunal d’Instance de Toulouse à l’audience de référé qui se tiendra le vendredi 22 décembre.
« L’Établissement Public Foncier Local (EPFL) du Grand Toulouse demande l’expulsion sans délai des défenseurs et de tous occupants de leurs chefs et de leurs biens, en tant que propriétaire d’un hôtel désaffecté sis 75 rue de la Glacière et 19 impasse des États-Unis à Toulouse. Avec assistance de la force publique si nécessaire. »
Cette expulsion concernerait 35 jeunes qui vivent dans cet hôtel abandonné. 35 jeunes qui sont partis de chez eux, pays colonisés par la France. Ces pays continuent d’être pillés par la France, mais la vitrine est plus belle : "politiques de développement", "électrification", "partenariats économiques"... Il faut pourtant appeler un chat un chat. Cette politique, c’est la façade ravalée de la Françafrique. Leurs problèmes sont nos problèmes.
Aujourd’hui, ces 35 jeunes n’ont ni d’autres toits, ni d’autres choix. Ces 35 jeunes sont des mineurs, enfants, adolescents, qui ne demandent qu’à aller à l’école et apprendre un métier plutôt que de devoir aller au tribunal expliquer qu’ils occupent un bâtiment vide pour ne pas crever de froid, dehors, en attendant que l’État daigne leur accorder une prise en charge.
Nous ne pouvons laisser faire cela. Rendez-vous le vendredi 22 décembre à 9h00 au Tribunal d’Instance, salle Marianne, au 40 avenue Camille Pujol.
NON à l’expulsion des mineurs isolés étrangers !
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