On a les utopies qu’on mérite : le véganisme

La critique est toujours salutaire. Sur la question du véganisme il faut avouer qu’il il existe peu de critique intéressante et fine. Le débat sur la question est trop souvent rapporté à des comparaisons avec d’autres oppressions (spécisme = racisme) ou balayer d’un revers de mains. Aude Vidal publie un texte intéressant qui permet de prendre au sérieux la proposition végane et d’en mesurer les conséquences.

Je mange tous les lundis dans une cantine végane, sans hostilité pour la pratique qui consiste à consommer beaucoup moins de produits d’origine animale, et plus du tout s’ils sont issus de productions industrielles. Mais je me régale aussi des produits de l’élevage, le boudin de Myriam, les méchouis de Christophe, les fromages de Xavier. Je peux également entendre les choix d’alimentation de chacun-e et la difficulté qu’il peut y avoir à les assumer : il est regrettable de voir l’alimentation s’individualiser au même rythme que les sociétés, mais cette tendance s’est assez largement imposée pour que j’aie moi aussi des dégoûts très personnels.

Mais si le véganisme est un projet politique, je m’y oppose. Alors que dans mon entourage chacun-e tend à se flageller de ne pas être encore strictement végétarien-ne ou végan-e et que l’idée que l’élevage, c’est de la merde, commence à s’imposer, il me semble important de considérer avec moins d’indulgence le véganisme. En apparence écologique et opposé à des tendances sociales mortifères, il déploie en trouvant sa cohérence un monde que je ne trouve pas beaucoup plus vivable que celui que nous tentons de changer. J’ai choisi le terme véganisme parce qu’il correspond à la posture politique que j’observe le plus fréquemment, mais il faudrait parler d’un train emmené par une locomotive dont le projet et les priorités ne sont pas forcément partagées par les derniers wagons mais qui les emmène néanmoins dans la direction d’une société sans élevage.

Qui sont les végan-e-s ?

Certain-e-s sont opposé-e-s à tout rapport de domestication avec les animaux, du poulet en batterie au chien de punk. D’autres acceptent ce rapport à condition que la mort ne soit pas infligée. Impossible alors d’élever des animaux dans une certaine logique économique, serait-ce pour fabriquer du fromage. Ce ne peut être que pour l’agrément ou la compagnie. La gestion des populations (nourries et protégées, les bêtes ne pourraient que pulluler) est donc assurée par l’incapacité à se reproduire : castration, contraception ou éloignement des mâles et des femelles. Certain-e-s portent un projet émancipateur plutôt anthropocentré. D’autres ont pour priorité la question animale qui prime sur l’examen des rapports de pouvoir entre humain-e-s. Certain-e-s sont radicalement écolos ou anarchistes, d’autres font du lobbying à Bruxelles et sont à l’avant-garde d’un renouvellement du capitalisme.

Mon propos ici, il est d’avertir les potes que leur engouement pour le véganisme sert une convergence d’intérêts favorable au renforcement d’une société autoritaire et industrielle. René Riesel et Jaime Semprun nous avertissaient de la possibilité de s’emparer du souci légitime pour l’état de la nature en justifiant l’« administration du désastre » (1). Riesel est éleveur. Il élève, fait naître, nourrit, soigne et (horreur) il tue des animaux (2). Mais ce sont les militant-e-s engagé-e-s pour la cause animale, dans des ONG à forte influence, qui me font le plus peur.
Cause animale et administration du désastre

En 2018, plus aucun porc ne sera castré mécaniquement en Europe mais par hormones injectées, grâce à l’activisme conjugué d’une ONG de libération animale, Gaïa, et du géant mondial de l’industrie pharmaceutique. Une autre grosse ONG, Peta, promet un million de dollars aux inventeurs d’un procédé satisfaisant pour produire de la viande in vitro.

La suite à lire sur le blog écologie et politique


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