Retour sur une semaine agitée au Mirail et dans la rue

La semaine du 19 mars a été une semaine particulièrement agitée sur le campus du Mirail à Toulouse, le mouvement étudiant a même fini par déborder de la fac faisant plusieurs tours dans le centre-ville. Retour jour par jour.

Lundi 19 mars

Dans la nuit, l’avis du jury de l’IDEX est tombé : refus pour Toulouse. Le projet de fusion est mal en point.
Une AG débute à midi trente avec environ 1 500 personnes. Cette première « victoire » ne semble pas attenuer la combativité du Mirail et les interventions se succèdent pour préciser que la fusion n’est pas encore abandonnée et que la lutte qui se mène actuellement est aussi contre la loi ORE (Orientation et Réussite des Étudiants) et Parcoursup. Le blocage y est voté jusqu’à jeudi 22 avec toujours la même proportion de vote pour et contre (2/3 pour, 1/3 contre). Les antibloqueurs désormais organisés enchaînent les tours de paroles mais se ridiculisent. Depuis les vacances de février, les cours n’ont été assuré que le jour de la rentrée. Le lendemain, les occupants de l’aRRRche, sous la menace d’une expulsion, ont annoncé leur intention de bloquer la totalité de la fac en cas d’intervention policière. L’assemblée générale du 6 mars a finalement voté le blocage total de la fac qui, depuis, a été reconduit à chaque AG.

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Le soir un rassemblement est prévu pour fếter l’échec de la "reconquête de l’IDEX" porté par le président Daniel Lacroix. A 19h, 150 personnes se retrouvent au milieu de la place du Capitole malgré le froid et la pluie. L’envie de faire la fête est là, mais ça reste calme. Finalement décision est prise de partir vers l’ENSAV où les étudiant.e.s grèvistes ont préparé un couscous. Ça part en cortège pour une mini manif sauvage de...200 mètres. Les flics sont surpris et se contentent de suivre. Dommage, on s’arrête vraiment à l’ENSAV alors qu’il y avait possibilité de continuer. Quelques syndiqué.e.s se prennent le bec à ce propos pendant que les flics bloquent la rue. Puis ça se disperse tranquillement, mais les bakeus restent à surveiller l’entrée, au cas ou.

Mardi 20 mars

Dans la matinée, la nouvelle de la mise sous tutelle de l’Université du Mirail tombe. Daniel Lacroix, le président, dont la démission était demandé systématiquement par les grévistes depuis trois mois est démis de ses fonctions, les conseils de l’université sont dissous et un administrateur provisoire, Richard Laganier, enseignant-chercheur au CNRS/Paris 7, est nommé par l’État pour reprendre le contrôle du Mirail.
En début d’après-midi, la rumeur d’une intervention policière sur le campus le jour même se répand vite dans Toulouse et plusieurs centaines de personnes se retrouvent sur la fac pour s’organiser en cas d’attaque policière. Une assemblée houleuse se tient, polarisée entre celles et ceux qui invitent à rejoindre l’Arrrche, le seul bâtiment de la fac actuellement occupé et celles et ceux qui veulent investir le Grand Amphi qui se situe dans le bâtiment de l’accueil. Pendant ce temps un rassemblement devant la Sorbonne à Paris amène une manif sauvage dans le Quartier Latin. Finalement le grand amphi est occupé et la perspective d’une intervention policière s’éloigne peu à peu.

Mercredi 21 mars

Rendez-vous est fixé à 6h du matin sur le campus pour une action de blocage économique conformément aux décisions de l’AG. Le temps de déguster café et quatre-quart, 150 personnes se dirigent tranquillement vers l’échangeur du périphérique tout proche. L’action décidé (un blocage) devient un "ralentissement" dans la bouche des syndiqués. Mais les sorties côtés Reynerie et Bagatelle sont finalement bloquées par des chaises, barrières et pneus. Ces derniers étaient sûrement insufisants, quelques personnes (comme d’habitude) n’hésitant pas à forcer le passage lorsqu’il est obstrué uniquement par nos corps. Des tracts sont distribués aux conducteurs et conductrices qui passent au compte-goutte. Une caisse de grève tourne, 70€ sont récoltés. Au bout de 45 minutes des flics arrivent sur place, menacent de venir plus nombreux. Les barrages sont tranquillement levés 15 minutes plus tard.

Jeudi 22 mars

C’est jour de manif. La date est annoncée depuis suffisamment longtemps pour qu’elle rassemble du monde.
Le matin, sur la fac du Mirail, une assemblée a lieu réunissant environ 1500 personnes. Après trois heures de discussions, le blocage est reconduit jusqu’au lundi 26 mars, mais l’assemblée refuse de se positionner sur le sort des deux poules du Mirail. Le président par intérim Laganier s’y invite pour prendre la parole. Pendant qu’une banderole « C’est la guerre, et tu peux pas Lagagnier » s’incruste derrière lui, il promet de ne pas faire intervenir la police sur place.

A la manif, il y a beaucoup de monde (15000 selon la presse). Un peu après le départ se forme un cortège de tête mené par des lycéen-ne-s où se retrouvent environ 400 personnes. Par une manoeuvre dont ils ont la spécialité, les syndicats étudiants refusent que le cortège interfac s’y joigne et le Mirail se retrouve donc à l’arrière, au loin dans la manif. On est face à une situation un peu absurde et relativement illisible politiquement avec deux cortèges « jeunes » : un devant et un derrière. Alors que la fac du Mirail est en lutte depuis trois mois, que plusieurs milliers de personnes ont participé à ses AG, que le gouvernement vient de décréter le Mirail ingouvernable et a organisé un véritable putsch ;le cortège « officiel » de la fac du Mirail manifeste quelque part entre Force ouvrière et Génération-s, le mouvement de Benoît Hamon.
Dans la manifestation, au milieu des cortèges syndicaux, on aperçoit Alliance Police Nationale, le syndicat de keufs bien à droite, mais peu de monde semble avoir quelque chose à en redire. Cette organisation qui prône à longueur de journée la violence contre les réfractaires de tout type restera en tout cas bien tranquillement dans la manif’ jusqu’à son arrivée.
A l’avant du cortège, les slogans sont plus offensifs que dans le reste de la manif, mais on doit bien reconnaître que lors de la majeure partie du trajet le calme se fait ici autant ressentir qu’ailleurs. A l’arrivée à François Verdier, le cortège ne semble tout de même pas vouloir s’en arrêter là et une bonne partie du cortège de tête remonte la manif’ à contresens pour rejoindre le cortège du Mirail, ce qui permet de se rendre compte que ce cortège jeune est relativement massif. Le cortège jeune de fin est radicalisé par les nouveaux et nouvelles venu.e.s : sur le camion sono ça se met à gueuler « Tout le monde déteste la police » et c’est crié en coeur par le cortège. La représentante de l’UNEF sur le point de reprendre le slogan se ravise.
Une fois de retour à François Verdier, un groupe de plusieurs centaines de personnes tente de repartir une nouvelle fois sur les boulevards mais fait face à une imposante ligne de CRS. Le face-à-face et les aller-retours dure une petite heure. A quelques projectiles répondent des lacrymos. Puis la batucada du Mirail fait son arrivée, la musique et la danse ramènent le calme. Une cinquantaine de personnes jouent alors les prolongations jusqu’à tard, forçant les flics à encore bloquer la circulation. Les CRS finissent pas ressortir lacrymos et coups de boucliers pour les dégager.
A 18 heures a lieu une assemblée interlutte dans la cour de l’ENSAV, l’école de cinéma de la rue du Taur, où se retrouvent une centaine de personnes. Cette assemblée aura lieu tous les jeudis à 18 heures à l’ENSAV.

Vendredi 23 mars

Après les interventions policières à Grenoble, Dijon, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Lille, les étudiant.e.s de Montpellier réunies dans un amphi de la fac de Droit et de Sciences Politiques (qui n’avait pas été occupée depuis 1968 !) se font attaquer dans la nuit par une milice armée de planche à clous et de Taser. Le mouvement de solidarité proposé à la Coordination des Luttes de Rennes du week-end dernier, déjà mis en acte mardi lors de la menace d’explusion du Mirail, est relancé.

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L’appel à un rassemblement devant la préfecture à 18h est acté lors d’une assemblée d’urgence au Mirail, comme un peu partout en France.
Du monde s’y retrouve, mais aussi un paquet de flics. Alors qu’une prise de parole est tentée, ça gueule dans la foule qu’il faudrait peut être faire autre chose que discuter quand des fachos attaquent des étudiant.e.s avec la complicité d’un doyen. Derrière deux banderoles, une manif s’élance vers François Verdier, et ça passe ! Le cortège bien groupé et bruyant regroupant 500 personnes remonte le boulevard vers Jean-Jaurès. Les flics n’osent pas attaquer le cortège, bloquent les accès à l’hyper-centre côté gauche, quatre bakeus suivent timidement le cortège à droite. Les keufs font minent de vouloir stopper la manif au niveau du centre commercial Saint Georges mais finissent pas s’écarter. C’est vendredi soir, et il y a du monde dans les rues qui s’arrête pour regarder le défilé. Sur le trottoir, une personne tape dans ses mains au rythme de "Siamo tutti antifascisti".
Au niveau de la rue Bayard, le cortège bifurque en direction de la gare. La flicaille se précipite vers Matabiau pour empêcher l’envahissement, elle ne longe plus le cortège. Quelques oeufs de peinture sont lancés, des tags apposés. Des slogans contre le projet d’aménagement TESO (Toulouse EuroSudOuest) sont criés dans cette rue nouvellement devenue la vitrine du projet de métropole toulousaine. La gare inaccessible, la manif tourne en direction de la place Belfort. Les flics barrent la route,alors ça fait demi-tour avant de de disperser tranquillement autour de la médiathèque José Cabanis.

P.-S.

Ce samedi 24 mars se tient une CNE (Coordination Nationale de l’Éducation) à l’université du Mirail. Que sortira-t-il de cette réunion au sommet entre syndiqué.e.s étudiant.e.s ? A suivre.

Peut être plus intéressant la prochaine CNL (Coordination Nationale des Luttes) qui après Rennes la semaine dernière aura lieu à Bordeaux le 31 mars. De quoi poursuive la dynamique de solidarité inter-facs et trouver de nouvelles dates communes d’ici la prochaine déambulation intersyndicale du 19 avril ? Sans attendre, Lille propose d’ores et déjà des manifs partout en France le mercredi 28 mars.

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