Leur spectacle
Macron [1] lance sa propre formation politique "En marche !", et affirme qu’elle ne sera "ni de droite, ni de gauche". Peut-être devrait-il méditer sur les propos tenus récemment par Valérie Pécresse dans les colonnes du Monde : "Moi, je ne me sens ni de droite ni de gauche, mais gaulliste – même si, depuis, j’ai compris que lorsqu’on ne se sent ni de droite ni de gauche, c’est que l’on est vraisemblablement de droite !" En attendant, Pierre Gattaz [2] trouve l’initiative "rafraîchissante".
Et pendant qu’on discute de "démocratie réelle" dans des dizaines de villes de France à l’occasion des Nuits Debout, l’assemblée signe tranquillement l’arrêt de mort des petits partis, et 57% des rivières du bassin de la Garonne sont en mauvais état écologique.
Circulez.
Les deux bouts du mouvement social
Premier bout : les manifs. Celles de mardi et samedi à Toulouse ayant déjà été couvertes ailleurs sur IAATA (ici et là), on se contentera de deux petits perles. La première, c’est un article du Monde plutôt positif qui conclut sur un nouveau jeu de mot, "grèver, c’est rêver grave", avec aussi une belle photo de la multi-banderole du Mirail "Hé ho, on rentre du boulot !". Ensuite, La Dépêche qui "ne sait pas réellement pourquoi" lycéenNEs et étudiantEs ont envahi les voies de la gare Matabiau mardi après la manif. La flemme d’emprunter les souterrains peut-être ?
Ca bouge pas mal aussi dans les environs, comme à Villefranche, à Auch, et même à Montpellier. À Tarbes c’était plutôt calme mardi mais c’est parti "dans tous les sens" vendredi grâce à des "éléments incontrôlés" !
Idem en région parisienne où des mini-émeutes éclatent maintenant tous les jours devant des lycées : voitures de prof brûlées, bâtiments caillassés, etc., dans la joie qui caractérise celles et ceux qui brisent leurs chaînes. Libération nous assure que cela n’a rien à voir avec la mobilisation contre la loi travail. La preuve ? "Le proviseur assure que les seuls slogans qui ont été criés étaient "Des frites à la cantine !" et "On n’est pas fatigués !"
En vrai, dans les médias cette semaine, ce ne sont pas les innombrables affrontements, occupations, blocages et bavures policières qui ont attiré l’attention des médias, mais le mouvement Nuit Debout, devenu en quelques jours leur véritable coqueluche, et de fait le deuxième bout du mouvement social. Vous non plus, vous êtes pas connect.é.e, vous y comprenez que dalle ? Une petite enquête sur ce qui est sorti dans les médias de masse pourra peut-être déjà nous éclairer un peu.
On apprend d’abord qu’à Toulouse, le mouvement a en gros été lancé suite à des appels émanant de la CIP [3] et du DAL [4] , qui ont conduit à une assemblée ouverte réunissant environ 200 personnes au théâtre garonne le 31 mars (qui s’appelait d’ailleurs déjà "Nuit Debout" pour certain.e.s) où le film "Merci Patron" a été projeté une première fois.
Si on remonte un peu la piste, il semblerait que tout soit parti d’une soirée le 23 février à la bourse du travail de Saint-Denis, organisée par le journal Fakir [5], dont le redac chef Francois Ruffin est aussi le réalisateur de ... "Merci Patron".
Mais revenons à Toulouse. Suite à l’assemblée, un nouveau rassemblement est proposé pour le 5 avril à 18h sur la place du capitole. La logistique se prépare pendant la journée, à nouveau au théâtre garonne, en parallèle de l’assemblée de la CIP.
À 18h, il y avait plusieurs centaines de personnes, de plein d’horizons différents, dont beaucoup sont attiréEs par l’aspect revendiqué horizontal et sans étiquette politique du mouvement. La base. Des tracts sont distribués qui expliquent les pratiques des assemblées populaires, comme les signes de la main et les rôles de facilitation. Une assemblée s’organise effectivement mais beaucoup restent aussi simplement autour profiter de l’ambiance de la place sans "participer" aux "échanges démocratiques". Ca recommence le jeudi 6 avec autant de monde, et le 7 aussi avec un peu moins de monde.
Le DAL et la CIP sont toujours "à la logistique"... on ne s’étonnera pas de voir programmer une nouvelle projection de "Merci Patron" au capitole samedi 9, après une fin de manif où les sympathisants de Nuit Debout on voulu faire des bisous aux CRS.
Mais comme le dit si bien un certain Mercier, délégué syndical de la CGT chez PSA, "Ce n’est pas les tweets, même nombreux, qui vont faire peur à Valls". Et on pourra leur rétorquer que c’est pas les défilés plan-plan Nation-République ou Arnaud-Bernard-Francois-Verdier non plus, même si en plein mouvement contre la loi travail, deux responsables syndicaux (FO et CGT) se voient offrir des postes prestigieux au sein de l’appareil étatique. Quelle belle coïncidence ! Ne dit-on pas que seule la lutte paie ?
Enfin bon on vous apprendra rien, mais tout comme les manifs, c’est clair que les mouvements d’occupation de place ne deviennent subversifs que si les réformistes qui tentent de les organiser voire de les contrôler se font déborder. D’ailleurs ça a déjà eu lieu plusieurs fois à Paris : barricades le mardi 5 et tentative d’attaque de l’appart de Valls samedi 9, et une société générale bien redécorée.
Des villes sous contrôle robolicier
Du mécontentent aussi côté keufs, puisqu’iels ont même manifesté jeudi 7 avril à Paris pour des hausses de salaires à l’appel du syndicat Unité SGP Police - FO. Apparemment iels ne se sentent plus en sécurité. Le même syndicat organise une levée de boucliers suite à ce qui se passe à Nantes, où le bruit court que l’IGPN [6] se la joue police des polices en voulant enquêter sur... un cas de violence policières. IGPN qui va d’ailleurs enfin recenser les cas ....ayant entrainé "des incapacités totales de travail supérieures ou égales à 20 jours" ! Pour le reste, quartier libre...! Selon le même service, l’outil de recensement permettra "de combattre l’idée trop généralement reçue que les blessures sérieuses ou graves, voire les décès, sont synonymes d’illégitimité de l’usage de la force ou des armes".
À part ca, l’urbanisme et la surveillance version 21ème siècle, ça n’existe pas que dans les métropoles, mais aussi à Pamiers où vient d’être signé un "le protocole de préfiguration du projet de renouvellement urbain", et même à Condom, où, selon la gendarmerie, "chacun doit être attentif et ne doit pas hésiter à signaler un comportement particulier, en raison du contexte actuel".
Moudenc ne se sent plus pisser lorsqu’il présente les "ramblas" qui vont remplacer les actuelles allées Jean Jaurès, dans le cadre de la restructuration du quartier Matabiau. Paraît que c’est inspiré des Champs-Élysées (rien que ça). Ils veulent commencer les travaux en avril 2017 et les finir en 2019... Un juteux dossier pour Indigo (ex Vinci Park) qui va construire un nouveau parking de 400 places sous les allées pour les voyageureuses du TGV.
Les compteurs Linky, c’est un nouveau système "connecté" qu’ERDF veut imposer partout parce que ça baisse les coûts des relevés et ça donne plus d’infos sur la consommation en temps réel. Mais la fronde commence dans le Tarn où 86 communes s’organisent pour les refuser. Plus généralement les "objets connectés" deviennent une merde bien en vogue à Toulouse où Sigfox [7] vient de signer un partenariat avec Microsoft dans le cadre du projet "Azure IoT Hub" [8].
Et quand ces objets connectés se mettent à ressembler à une sorte de borne d’arcade qui bouge toute seule, c’est encore plus flippant. Le LAAS [9] a participé au développement d’un nouveau robot humanoïde baptisé Spencer, conçu pour guider les passager.e.s dans les aéroports. Avant qu’on l’équipe d’un fusil d’assaut pour abattre les terroristes présumés.
Allez, pour finir cette section, encore une petite histoire de drones, dont les technocrates toulousains veulent toujours faire de Toulouse la capitale. Cette fois c’est d’un drone... gonflable qu’il s’agit, il s’appelle Diodon, et la startup Airvada qui l’a créé a déjà un contrat avec l’armée. Bien entendu, ils le développent surtout pour rendre service aux gens qui font du footing. Ambiance Rambo assurée.
Violence masculiniste et homophobe
En parlant de Rambo, encore une transition pourrie : l’armée, c’est la partie émergée de l’iceberg de l’hétéro-patriarcat, non ? Et pendant ce temps sous la banquise, la culture du viol est toujours là, avec quelques craquèlements.
Pour le conseil des prud’hommes de Paris, une employeuse qui met fin à la période d’essai de son employé en le traitant de pédé n’a rien à voir avec l’homophobie. Raison invoquée : "les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles, notamment dans les salons de coiffure féminins, sans que cela ne pose de problèmes." Et les blagues racistes sur les femmes de ménage, ça passe aussi ?
Du côté d’Arnaud B, création de l’association "Les femmes d’Ab" avec le but de se réapproprier l’espace public. Deux mecs suspectés de viol se sont fait choper un an plus tard... l’un par son ADN et l’autre par la vidéo-surveillance. Ça sent l’instrumentalisation d’un cas particulier pour justifier la surveillance généralisée. Autre part, on trouve un petit tour d’horizon des arguments de type "amoureux éconduit" souvent utilisés par les mecs pour justifier harcèlement voire viol. Et quand ce genre d’arguments ne marche plus, les armes ressortent vite du placard pour prendre en otage femmes et enfants et produire un bon fait divers qui fait vendre.
Par contre, qu’une personne se retrouve ligotée et baillonnée, en état de choc dans le bois de Lombardil à Fenouillet, ca ne pose aucun problème à France 3 ni à 20 minutes qui relaient la parole d’une grande violence des gendarmes suite à l’affaire : "Il s’agissait donc d’une affabulatrice. Apparemment faible psychologiquement. Fin de l’histoire.". Elle aurait "inventé cette histoire d’enlèvement pour « attirer l’attention »"... Même topo dans la dépêche, où bizarrement une autre journaliste tient quand même un discours un peu plus circonstancié. Enfin bref, coup de projecteur médiatique terminé, retourne dans ta merde et on n’en parle plus.
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