S’organiser face à la justice : "l’enquête sociale rapide"

A l’heure où les arrestations lors de manifestations sont monnaies courantes ces derniers temps à Toulouse comme ailleurs, et ou beaucoup de ces arrestations concuisent à des comparution, il s’agit de rappeler quelques éléments afin de mieux se défendre

Enquête Sociale Rapide, définition :

Les enquêtes sociales rapides sont réalisées à l’issue d’une garde à vue dans le cadre de la Permanence d’Orientation Pénale (POP), pour des délits dont la peine encourue est inférieure à 5 ans.Afin d’assurer un appui technique et social aux magistrats, l’enquêteur se doit de vérifier (téléphoniquement) toutes les informations collectées en contactant l’entourage de la personne mais aussi tous les acteurs potentiels de sa liberté (employeur, pôle emploi,…) avec l’accord du mis en cause. L’enquête donne lieu à la rédaction d’un rapport dans le lequel l’enquêteur peut faire des préconisations telles qu’une obligation de soins, ou, dans le cadre de l’instruction, d’un placement sous contrôle judiciaire. L’enquête est une pièce du dossier qui sera remise à l’avocat du prévenu, au Procureur et au Président de la chambre correctionnelle, elle exposera l’identité de la personne, son parcours de vie et ses perspectives d’avenir.

Au TGI de Paris, les enquêtes seraient prises en charge par l’APCARS (Association de Politique Crimminelle Appliquée et de Réinsertion Sociale) [1]

Notes rapides sur l’enquête sociale rapide

Les assistants sociaux ou conseillers d’insertion chargés de ladite enquête sont là pour “aider“. Mais pour aider qui ? L’enquête permet en effet de “prémâcher” le travail pour les juges et les procs en établissant ce qu’ils appellent un “profil de personnalité”. Alors bien qu’ils essayent parfois de s’en distinguer, le travail des enquêteurs sociaux intervient en des lieux et moments précis (au TGI, après une GAV et jusqu’à 20h de dépôt, après déferrement et avant d’être “présenté-e” à un juge/procureur et donc avant d’avoir pu jeter un oeil à son dossier) et s’inscrit parfaitement dans une logique policière et dans l’appareil juridique qu’il sert.

Si cette enquête peut permettre la vérification de garanties de représentation si garanties de représentation il y a (travail, logement ou études…) [2] qui seraient par ailleurs produites devant le juge par l’avocat (si t’en prends un), elle ne s’arrête pas là. Et lorsque des réponses sont apportées à des questions plus “génériques” et personnelles il peut devenir assez difficile de s’assurer la maîtrise de l’entretien.

Fournir les noms et/ou contacts de ses proches peut rapidement devenir désastreux. Les questions vicieuses et intrusives peuvent conduire à des réponses imprévues, maladroites ou tout simplement déformées. (“fume-t-il ?”, “a-t-elle une personnalité de meneuse ?”, “est-il souvent absent ?”, “diriez-vous qu’elle est bien insérée/marginale ?”, “lui est-il déjà arrivé de faire preuve de violence ou d’insubordination ?”, “est-il influençable”, etc, etc…). Ces mêmes enquêteurs peuvent transmettre au tribunal une ‘préconisation de soins‘ s’ils considèrent que le/la prévenu-e fait état de ‘difficultés psychologiques‘ ou ‘d’addictions‘. Et qui ne ferait pas de ‘difficultés‘ psychologiques ou non face à ces porcs, et oui, dans leur langage, le désir de liberté peut devenir ‘addiction‘.

Toutes informations obtenues de toi ou des contacts leur ayant été transmis peuvent d’une manière ou d’une autre venir étayer le dossier.

Enfin, il semble très peu judicieux de dévoiler son “tissus de relations” dans ces espaces, ce qui aide, “au mieux”, à confirmer ou mettre à jour des renseignements dont ils disposent déjà. Par extension, faire acte de bavardage face aux enquêteurs (alors qu’on a bien souvent RIEN déclaré en GAV) peut même conduire à mettre en cause d’autres personnes.

Sur le rapport aux autres, justement, et sans chercher à ériger une régle à ce sujet, il est bon de garder à l’esprit l’exploitation qui peut être faite au tribunal de différences de “profils” entre co-inculpé-e-s, mais aussi, lorsqu’on est inculpé-e pour des faits mineurs (ou pas), politiques (ou pas), diffus (ou pas) avec un dossier faible pour l’accusation (ou pas) de l’intérêt de tenter de s’en tenir aux faits, plutôt qu’à mettre le pâté sur une “personnalité” qui, si elle devient “standard” pourra enfoncer bien des justiciables accusé-e-s des mêmes faits plus tard.

Il est donc possible de refuser de répondre à l’enquête sociale. Cela n’entraîne pas de poursuites et s’il n’enchante pas toujours les juges, ce refus semble pour moi relever d’un “certain bon sens”. C’est le choix de chacun-e et il ne doit pas occulter les autres questions que l’on aimerait éventuellement se poser ou se reposer face à la justice (aller à son procès ou non, prendre un avocat ou pas, assumer des faits, se servir du tribunal comme tribune pour ses idées, accepter ou refuser des aménagements de peine, etc…)

Ne donnons pas le bâton pour nous faire battre,

Fouines hors de nos vies !

Plutôt cracher une molaire qu’un blaze !

P.-S.

Nous relayons ce témoignage qui ne doit en aucun cas se transformer en mode d’emploi dictant "la bonne conduite" à chacun.e de réfléchir ce qui, dans la situation, peut lui être le plus utile pour manger le moins possible sans incriminer personne.

Notes

[1Dans l’ensemble des tribunaux ce sont des associations qui prennent en charge cette fonction et ce sont souvent des personnes qui se forme sur le tas qui les pratiquent.

[2s’il est possible que des copains/copines t’aient trouvé un travail, une formation ou une promesse d’embauche pendant ta garde-à-vue, il serait dommage d’avoir déclaré ne pas en avoir devant l’AS

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