Le 14 Juillet 2012, la Cour de Cassation condamne en dernière instance 5 compagnon.ne.s suite aux évènements du G8 de Gênes, en 2001, à des peines allant de 10 à 15 ans de prison. Le 13 novembre 2013 la cour d’appel de Gênes condamne 4 autres compagnon.ne.s à des peines de 6 à 8 ans.
Après la sentence de la cour de cassation de 2012, deux compagnons, Gimmy et Vincenzo, décident de fuir et de continuer à vivre libres. Heureusement, Vincenzo est toujours en cavale, tandis que Gimmy s’est fait arrêter en même tant que sa compagne en Juin 2013 à Barcelone, où ielles s’étaient réfugié.e.s. Depuis ce moment il se trouve à l’intérieur de la section G9 de la prison de Rebibbia, où il doit purger sa peine jusqu’en 2024.
En Italie, tout le monde se rappelle des journées de Juillet 2001 à Gênes : des journées de lutte et de révolte. La lutte contre le sommet du G8, contre les “grands de ce monde” (comme on le disait autrefois), contre la mondialisation, contre le capitalisme qui détruit les territoires et les populations pour pouvoir continuer à se perpétuer, qui génère de l’exploitation et soumet au profit tout ce qu’il rencontre sur son chemin. Des journées pendant lesquelles une rage réelle, franche, concrête contre ce système économique et social a été exprimée, au moins par une partie du cortège.
Et l’État, unique détenteur de la violence légale, a réagi : d’abord, dans la rue, dans les commissariats et dans l’école Diaz, les flics ont commis des boucheries ; ensuite, son appareil répressif a condamné, 12 ans plus tard, 10 compagnon.ne.s pour “dévastation et saccage” : les peines s’élèvent à 100 ans de prison. Les plus hautes condamnations suite à des manifestations jamais prononcées.
Après le G8 de Gênes, le chef d’accusation “dévastation et saccage” est en quelque sorte passé dans la jurisprudence courrante, et l’utilisation par le parquet de ce crime est devenu constant. Ce type d’accusation a été de nouveau utilisé contre les militants antifascistes à Milan après les émeutes du 11 mars 2006, après les émeutes sur la place San Giovanni à Rome, le 15 Octobre 2011, suite à une manifestation antifasciste à Crémone en 2014, et suite à la manifestation du 1° mai 2015 à Milan.
Ce crime (contre l’ordre public) a été introduit par le Code Rocco de 1930, donc en pleine dictature fasciste ; ce code est encore en vigueur, en grande partie, et a été conçu pour réprimer les révoltes de rue. Grâce à ses particularités juridiques, il est possible d’infliger des peines de prison de 8 à 15 ans, sans avoir à prouver matériellement la culpabilité des inculpé.e.s. Il est suffisant de se trouver à un endroit où a lieu le désordre, se faire prendre en photo ou reconnaître, sourire ou montrer de l’empathie vis à vis de ce qui est en train de se passer. Des stades jusqu’aux places, cette accusation a été reprise pour réduire à néant toute expression de lutte.
A cela s’ajoute le fait que de nombreux procès encore en cours pour “devastation et saccage” ont été rendus possibles à cause de délations ou de dissociations faites par des gens qui se trouvaient dans les rues à ce moment. La condamnation de Gimmy a été facilitée par un pacifiste de Ravenna qui l’a balancé. Il s’est passé la même chose pour un camarade accusé de “devastation et saccage” après la manifestation du 15 octobre 2011 : il a été dénoncé à la police par une personne qui appartenait au cortège syndical. En plus, les médias et les magistrats ne cessent d’inciter les témoins à fournir des preuves contre les manifestants, suite aux émeutes. L’invitation à la délation semble être devenue une constante. Ils veulent que nous nous transformions tou.te.s en flics, délateurs, que nous invoquions tou.te.s plus de prisons, de milices, de clivages entre les bons citoyens et les personnes enfermées.
De Gênes, il ne reste que peu de chose, ou rien, 15 ans plus tard. Carlo n’est plus, des dizaines d’années de prison et un déni collectif. Une poignée de bouc-émissaires enterrés sous cent années de galère ; les mêmes, qui depuis le début, avaient été pointé.e.s du doigt comme “les plus mauvais.e.s” parmi “les mauvais.e.s”, paient aujourd’hui l’addition de tout.e.s.
Pourtant, les banques incendiées à l’époque brûlent encore, et sont les mêmes qui aujourd’hui gouvernent l’Europe et nous imposent des existences toujours plus misérables ; pourtant, la rage qui a explosé autrefois contre les institutions financières et leurs gardiens couve de nouveau à l’intérieur de milions de personnes dans le monde. La dévastatation et le saccage restent la réalité que nous subissons quotidiennement.
L’état, par cette sentence, a déposé une pierre tombale sur ces journées de révolte de Juillet 2001 à Gênes. D’autres, en revanche, non. D’autres continuent à se consumer pour une vie libre dans un monde libre et continueront à lutter encore pour toutes les personnes qui, à cause de la révolte de Gênes sont encore en train de payer cher le prix de la justice d’état.
“Que reste-t-il ? De la rage, tant de rage. De la rage que nous ne savons comment exprimer, de la rage frustrée. De la rage qui désire la justice.
Canepa, Canciani, inquisiteurs et enquêteurs, peut-être vous sentez-vous sereins, en sécurité, peut-être ne ressentez vous pas de honte ; mais sachez que pour nous ce n’est pas fini. Pour nous, Gênes ne sera jamais finie.
Des fois,il arrive que les ennemis de la liberté tels que vous subissent les conséquences de la guerre menée contre celle-là. Ce n’est pas nous qui le disons, mais c’est l’histoire qui parfois le démontre.”
Extrait d’un tract distribué le jour de la sentence du procès.
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