Petit retour sur les faits
Pour le camarade Toulousain, l’histoire commence le 6 mai dernier avec une visite matinale de trois officiers de police judiciaire. Journée foutue, interrogatoires, un brin d’humiliation, un soupçon d’intimidation, banale garde à vue, il ressort avec sa convocation pour un procès le 29 juin. Pour rien de moins que « appel public à la provocation de crime et délit contre les biens et les personnes » du lourd, du costaud, de quoi intimider. Mais, pour la justice, l’affaire avait commencé dès le 2 mars, lendemain de la parution de l’article incriminé, intitulé « 21 février : Lapin de garenne acte 2 ». Sous ce titre sibyllin, l’article revenait sur une manifestation mouvementée qui avait clairement tourné à l’avantage de la maréchaussée. Conseils de protection, réflexion sur ce qui aurait pu être fait collectivement, etc. Malheureusement, pas grand chose pour réfléchir sur le fond la question de l’affrontement. Bref, rien de très nouveau, et pas de quoi casser cinq pattes à un lapin, d’ailleurs aucune plainte n’est déposée. Cela suffit pourtant au parquet pour qu’il décide de lâcher un fonctionnaire sur la piste. Une enquête entièrement 2.0, qui se résume à demander des informations à des fournisseurs d’accès internet et des opérateurs téléphoniques, et qui permet de retrouver deux traces électroniques sur un renouvellement de nom de domaine. Un dossier quasi-vide au final mais qui suffit à décider le ministère public de poursuivre. Un peu comme en fin de manifestation, quand ils attrapent les derniers pour leur coller les délits constatés ou imaginaires, mais cette fois-ci sans les flics qui viennent témoigner pour arrondir leurs fins de mois.
Dénouement
Le comité de soutien avait lancé un appel pour le 29 juin, et il y a du monde devant le tribunal de Toulouse. Grand soleil, ballons multicolores, sardinade, sono et chants : le procès de « celui qui appelait à l’émeute sur internet » est l’occasion d’un rassemblement aux allures de pique-nique familial. Surtout, ont été conviées à témoigner des personnes qui, du fait de leur activité, de leur vie, de leurs luttes se trouvent confrontées à la répression et la censure. Ce procès veut bâillonner les luttes en attaquant les médias libres ? Le comité tente d’en faire un moment d’expression et d’échanges, retransmis en direct sur Canal Sud, et simultanément sur Radio Bartas, radio Escapade, radio St Afrique, Fréquence Paris Pluriel, La Locale (St Girons) et sur internet… C’est pas encore l’audimat de l’Eurovision mais on y travaille ! Et déjà, pas besoin des habituels commentateurs à la solde de la maison poulaga pour que l’information soit diffusée. L’émission le Front du lundi anime les prises de paroles, et pendant deux heures, on entend des profs attaqués par leur hiérarchie pour faits de grève, des squatteurs et squatteuses menacés d’expulsion, la campagne BDS entre autres choses. Les absents de Riposte Radicale ou du journal Bad Kids ont fait la bonne surprise de préparer un enregistrement à diffuser.
Pour un peu on oublierait le procès... A 14h, notre « électricien de 40 ans » et des soutiens se dirigent vers l’intérieur triste du palais de justice. On redoute alors un éventuel report, au mieux, une longue après-midi passée à entendre des horreurs en attendant son heure. Mais nous n’étions pas au bout de nos surprises. C’est cette affaire qui ouvre le bal des audiences... et à peine le prévenu est-il à la barre que tout est déjà fini. Le procureur prend la parole pour indiquer qu’il « abdique ». Etonnement, moment de flottement, les avocats interrogent cette drôle de formule. Le proc reprend la parole, pour indiquer que le parquet, celui-là même qui avait diligenté l’enquête abandonne toute poursuite. 1 74 09 99 est toujours à la barre, personne ne lui a adressé la parole, ni même un regard. Circulez, au suivant.
Quelques réflexions à chaud pour conclure
Cet épilogue est bien sûr une bonne nouvelle. Pour autant, ils nous ont privé de victoire. La défense était soignée, tant en ce qui concernait la demande abusive de prise d’empreintes (digitales et photo), que sur la défense de la liberté d’expression ou sur le caractère atypique des médias collaboratifs tels que iaata.info. Un jugement favorable aurait pu faire jurisprudence dans de futures affaires. La preuve de l’infini mesquinerie de l’institution judiciaire qui ne joue que pour gagner et écraser et qui, dans le cas contraire abdique, nous dépossédant d’un levier précieux. Nous ne retiendrons pas que la justice est juste ou clémente mais plutôt qu’elle agit à sa convenance selon des intérêts qui ne sont pas les nôtres.
La vraie bonne nouvelle, c’est la vigueur et la réactivité des médias libres. En très peu de temps l’information a largement circulé, par des relais locaux : blogs de syndicats, radios, sites collaboratif, journaux… Sans compter les traductions et diffusions à l’étranger en grec, en anglais, en espagnol… Il y a évidemment possibilité de faire encore mieux mais c’est une force qu’il nous faut cultiver. Dans tout les cas, l’affaire « iaata » est terminée pour cette fois, on n’oublie pas les camarades de la coordination anti-nucléaire du Sud-Est, pris dans 8 mois d’instruction pour avoir diffamé Areva. Ni toutes celles et tous ceux qui subissent la violence étatique. Il en faudra plus pour nous faire taire. Et si vous aviez commencé à stocker des oranges pour le camarade, n’hésitez pas à en faire une vente de soutien : cette sardinade judiciaire nous a quand même couté plus de 1000 euros [1].
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