Une rentrée scolaire 2023 islamophobe

L’ennemi identifié par l’état lors de la rentrée scolaire 2023-2024 s’appelle « Abaya ». S’il est décrit par certains comme une stratégie de diversion du gouvernement, il est plutôt une continuité des politiques racistes et islamophobes entreprises par les gouvernements successifs, et, survient deux mois après l’assassinat de Nahel. Le corps des personnes perçues musulmanes, ici des adolescentes en particulier, est à nouveau sous contrôle.

Avignon, au Lycée Mistral, des flics sont déployés afin de contrôler l’application de l’interdiction des abayas.

Nanterre, au lycée Joliot-Curie, proviseur, médiateurs de la ville, la police et des membres de l’équipe municipale veillent au grain : deux élèves en robes longues ont été expulsées.

Lyon, une élève sortie de sa classe car elle portait un jean large et un kimono noir ouvert.

Roubaix, une élève vêtue d’une tenue noire, un pantalon et une veste, a été exclue pour la couleur de sa tenue.

Selon plusieurs déclarations, notamment de proviseur.es et autres personnel.les de l’éducation nationale, les couleurs crème, noir et vert foncé sont associées à l’islam, voire à l’extrémisme et permettent de justifier des exclusions, en réalité, abusives et basées sur le délit de faciès. Ces positions sont renforcées par le discours récent de Macron qui associe « abaya » au meurtre de Samuel Paty. Propos non seulement dangereux mais ouvertement islamophobes, le président français instrumentalise l’assassinat d’un enseignant afin de diaboliser des vêtements lorsque portés par des personnes perçues musulmanes.

Ici la déclaration d’une mère et sa fille exclue pour son kimono couleur crème à la rentrée de 2023

Ici, une vidéo qui date de juin 2023 où une jeune fille raconte l’harcèlement qu’elle subit par son école, justifié par la longueur et les couleurs de ses tenues, associées à l’islam.

Si certaines étudiantes sont refusées à la porte de leur école à défaut d’oter leurs tenues, d’autres sont autorisées à entrer, puis, sont mises à part dans des salles et reçues par les proviseur.es et directions afin d’être interrogées ou accusées de porter un message politique ou religieux par leurs choix vestimentaires. Au-delà du législatif et du respect des libertés individuelles, un relan immonde de colonialisme.

L’obsession de la frAnce pour les corps des femmes musulmanes puise ses racines dans son passé colonial.

« La france, lorsqu’elle colonise l’Algérie, essayera par tous les moyens de dévoiler les femmes musulmanes. Non pas pour les aider à s’émanciper, mais parce qu’il s’agissait d’une stratégie de déstabilisation de la société Algérienne et d’une faille militaire à exploiter.

L’émancipation des femmes musulmanes, rurales à plus de 80%, était une axe de bataille du 5e Bureau de l’état-major de l’armée qui multipliait les initiatives sur le terrain (…) Plusieurs cérémonies de « dévoilement des femmes » auront lieu en Algérie pendant la guerre sans réel succès auprès des masses… Le voile porté par les femmes en france est, aux yeux de l’institution, l’échec le plus cuisant de sa quête civilisatrice. » Widad Ketfi, journaliste.

« En réalité, ces cérémonies symbolisaient leur assimilation à la culture française, leur soumission au regard colonial, et avaient également pour but de détruire le tissu social algérien. Ces cérémonies étaient une manifestation du pouvoir colonial visant à marquer la supériorité culturelle de la Frane sur l’Algérie et à contrôler le corps des femmes musulmanes. » SansBlancDeRien, sensibilisation à l’antiracisme et à la blanchité.

Le fétichisme sexuel des femmes musulmane, SansBlancDeRien

L’orientalisme, apparu au 18e et 19e siècle, est une vision eurocentrique des cultures de l’Orient. Il a renforcé les fantasmes coloniaux en créant des images dégradantes des femmes locales, les montrant partiellement dénudées tout en portant un foulard qui dévoilait leurs corps.

Quant à la question des musulmanes visibles à l’école, elle ne date pas d’Attal, mais selon Ketfi « c’est un marronier politique aux conséquences de plus en plus violentes vis-à-vis des musulman.e.s . Depuis l’affaire du foulard de Creil en 1989, jusqu’aux lois liberticides de 2004 interdisant le port des signes religieux à l’école, en passant par toutes les polémiques possibles et imaginables : des mères accompagnatrices, du voile à l’université, des signaux faibles, des jupes longues et signes religieux par destination et maintenant des robes-kimonos-abayas. » c.f Post-Scriptum en dessous de l’article.

A défaut d’aborder le mal-logement d’enfants scolarisé.es, le manque d’enseignant.es, l’harcèlement scolaire, les heures de cours perdues lorsque les enseignant.es ne sont pas remplacé.es (liste non-exhaustive), le gouvernement focalise l’attention médiatique et problématise les personnes perçues musulman.es et les pratiquant.es visibles. Par ailleurs, plusieurs journalistes des gros médias ont déclaré avoir reçu des suggestions de la part du gouvernement, les incitant à aller dans certains lycées classés comme à risque afin de couvrir le nonsujet de l’abaya.Loin d’être simplement une stratégie de communication, elle participe à « un projet politique de domestication, d’effacement et de contrôle des populations musulmanes en france » souligne Widad Ketfi.

La société patriarcale sexualise les mineures à l’école, SansBlancDeRien

Le contrôle sur la longueur des vêtements des jeunes filles, comme les jupes et les crop-tops, soulève des préoccupations quant à la pression patriarcale qui les jugent impudiques. Il est crucial de remettre en question ces normes malsaines et d’examiner le rôle implicite des sanctions éducatives imposées aux jeunes filles, plutôt que de se limiter à évaluer leurs tenues vestimentaires et de les tenir responsables du regard et des désirs des adultes. En prenant en compte l’influence de la domination patriarcale et de l’héritage orientaliste sur les femmes maghrébines, l’interdiction de l’abaya, souvent justifiée au nom de la laïcité, peut mettre en lumière un aspect de notre société empreint de colonialisme. Ces mesures, visant à sanctionner celles qui portent l’abaya, les contraignent à une assimilation forcée en exigeant une forme moderne de dévoilement pour accéder à l’éducation. Cela peut être interprété comme une atteinte à leur droit à la pudeur, ou simplement à leur droit de disposer librement de leurs corps.(…)Comment nier un anti-islam institutionnel en france, quand chaque année, nous voyons des débats politiques similaires sur les communautés musulmanes ? Comment nier le regard fétichisant de la société sur les femmes musulmanes, quand la question du burkini, du hijab et maintenant de l’abaya est invoquée dans des dispositifs légaux ?

Cette rentrée scolaire de septembre 2023 risque de raviver lestraumatismes au sein d’une jeune génération déjà marquée par latragédie du meurtre de Nahel, un adolescent de 17 ans.C’est une période où de nombreuses adolescentes vont ressentir les conséquences du rejet, de la stigmatisation, et de la sexualisation. Elles auront besoin de notre soutien et de notre engagement à préserver la mémoire collective, afin de ne jamais oublier comment un Etat qui se targue d’être un berceau des Lumières à dangereusement basculer dans un racisme primaire. »

Nous ferons bientôt un article annexe sur les outils et ressources pour lutter contre cette islamophobie d’Etat. Si vous souhaitez vous informer, ou que des proches ou vous-même en êtes victimes, il est possible de contacter ou consulter :

le Collectif Contre l’Islamophobie en EuropeCCIE – Signaler un acte islamophhobe, c’est par là – Fiches pratiques Mes Droits c’est là

Association Lallab– Communiqué ici

Lire les travaux du collectif Féministes contre le cyberharcèlement (vscyberh) qui compile une liste d’actions possibles pour lutter contre cette interdiction de l’abaya.
Lire le post sur le réseau social de QueersParlonsTravail qui est un guide d’auto-défense et d’anti-islamophobie à l’école, réalisé suite à un atelier de Sud Education 93 lors de la journée antiracisme organisée par QueerEducation (il sera retranscrit prochainement sur le site de Vallées en lutte)
S’organiser collectivement et localement.

Pendant la rédaction de cet article, nous avons appris que Sefa S, 16 ans, est en état de mort cérébrale à Élancourt, dans les Yvelines. Ci-dessous le communiqué de presse de l’avocat de la famille. Nos pensées et condoléances à sa famille et ses proches.

Communiqué de presse : affaire du jeune Sefa S. percuté par un véhicule de police à Elancourt le 6 septembre 2023.

Le jeune Sefa, âgé de 16 ans, lycéen, est actuellement en état de mort cérébrale à l’hôpital.

Selon certaines allégations médiatiques, le jeune homme conduisait une moto et aurait, par « coïncidence totale », percuté un véhicule de police alors qu’il était poursuivi, à distance, par un autre véhicule de police.

Ces deux informations non-vérifiées relayées par des médias peu rigoureux semblent fantaisistes et erronées.

En effet, selon plusieurs sources, c’est volontairement que le véhicule de police a percuté le jeune Sefa S. Il ne s’agirait pas d’une prise en charge à distance mais bien d’une course poursuite, proche de la moto.

Une plainte pour tentative d’homicide volontaire qui pourrait maleureusement rapidement se transformer en homicide volontaire sera déposée ce jour.Aujourd’hui, le Procureur de la République de Versailles a ouvert deux enquêtes, dont une confiée à la Sûreté départementale des Yvelines.La décision prise par le Procureur de la République de Versailles de saisir des policiers des Yvelines pour enquêter sur des policiers exerçant dans les Yvelines démontre l’incapacité du Procureur de Versailles à gérer cette affaire dd’une manière sereine et objective ; raison pour laquelle une demande de dépaysement sera déposée à la suite de la plainte.

Yassine BOUZROU Avocat de la famille du jeune Sefa S.

PS :Frise chronologique faite par Widad Ketfi, journaliste.

Affaire de Creil 1989 : deux élèves du collège Gabriel-Haves à Creil (Oise) sont expulsées en octobre 89 car elles refusent d’enlever leur voile en classe. Décembre 90, affaire du collège Jean Jaurès (Montfermeil) : trois élèves du collège expulsées car elles portent un foulard. Le Conseil d’état annule, en 1992, l’exclusion des trois élèves et rappelle que « le port par les élèves désignés par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas – par lui même – incompatible avec le principe de laïcité. »

Rapport de la commission Stasis en 2003, Chirac se prononce en faveur d’une loi interdisant les signes religieux à l’école. 2004 loiinterdisant les signes religieux. Conseil d’état 2007 valide l’exclusion définitive d’une élève de son collège (datant de 2004) pour port de bandana et de jupes longues .

2006 polémique autour des mères accompagnatrices : interdiction de 8 mères accompagnatrice portant le voile d’accompagner leurs enfants en sortie scolaire. 2007 la HALDE se positionne et relève que les parents accompagnateurs sont exclus du champ d’application de la loi 2004 et qu’ils sont usagers du service public, non agents du service public et qu’ils ne sont pas soumis au principe de neutralité et de laïcité des services publics.

2012, circulaire de Chatel, le ministre estime que les parents doivent accepter de se soumettre aux principes fondamentaux de ce service public qui impliquent la neutralité. 19 décembre

2013 le Conseil d’état confirme que les accompagnateurs scolaires ne sont pas soumis au principe de neutralité.

2016, Valls se positionne en faveur de l’interdiction du voile à l’Université mais ne sera pas soutenu par Hollande.

2019, loi Blanquer, le Sénat adopte un amendement pour interdire le port du foulard aux mères accompagnatrices, il sera rejeté en commission mixte paritaire. 2019, création des CLIR : les institutions publiques (écoles, hopitaux, mairies, préfectures) reçoivent une liste de signaux faibles de radicalisation à signaler. Il en découle plusieurs signalements pour atteinte à la laïcité et multiplication des expulsions pour port de jupes longues, kimonos et vêtements dits « trop amples ».-* 2022, Pap Ndiaye explique que le port d’une tenue peut être considérée comme signe religieux par destination. -* 2023, Attal annonce l’interdiction des « abayas ».

Une rentrée scolaire 2023 islamophobe

L’ennemi identifié par l’état lors de la rentrée scolaire 2023-2024 s’appelle "Abaya". S’il est décrit par certains comme une stratégie de diversion du gouvernement, il est plutôt une continuité des politiques racistes et islamophobes entreprises par les gouvernements successifs, et, survient deux mois après l’assassinat de Nahel. Le corps des personnes perçues musulmanes, ici des adolescentes en particulier, est à nouveau sous contrôle.

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