Vous êtes « En Guerre » Monsieur le président, ça nous le savions déjà

Écouter vos allocutions M. le président, et je m’en excuse par avance, évoque pour moi un épouvantable supplice. Se faire écorcher les oreilles ne serait-ce qu’un laps de temps par votre rhétorique politicienne schizophrénique et socio-pathologique, il faut le vouloir. Cela participe à chaque mot que vous prononcez M. le président d’un exercice de masochisme intellectuel prodigieux. Croyez-moi !

Pourtant, circonstance oblige en ces temps de crise sanitaire, j’ai fait l’effort de vous écouter, jusqu’au bout et non sans mal. J’ai donc entendu à plusieurs reprises votre curieux « Nous sommes en guerre ». Vous n’avez pas manqué d’ajouter dès la première occurrence prononcée de votre mot d’ordre percutant – pour lequel vos fantasmes « hors-sol » et grandiloquents se prendraient peut-être à divaguer sur un possible ralliement d’une France en communion avec vous et votre soudaine compassion - dans un empressement bien compréhensible et immédiat cette précision savoureuse : qu’il s’agit bien évidemment d’une guerre contre le Covid-19 qui effraie tant. Votre précision M. le président, je ne l’ai finalement pas trouvée si anodine que cela. Car effectivement comme bon nombre de nos « chers compatriotes », je n’ai pas oublié que depuis vos différents postes aux plus hautes fonctions de l’État jusqu’à celui suprême de Chef du dit État, vous êtes effectivement « En Guerre » : permanente, impitoyable, aveugle, cruelle, assassine et inlassable. Contre tout ce qui peut relever de la solidarité, de la justice sociale, d’une humanité qui fait société et qui se cherche une vie hors de vos paradis-gmes fiscaux et de réussite - « il suffit de traverser la rue », disiez-vous il n’y a pas si longtemps avec cet air de mépris qui vous va si bien.

Vous êtes « En Guerre » M. le Président contre tous ceux qui comme moi conchient rageusement votre « théorie du ruissellement », votre capitalisme hier patriarcal, aujourd’hui néolibéral, votre catéchisme en somme qui ne construit rien mais détruit tout. Oui, ça nous le savons déjà M. le président vous êtes « En Guerre ». Contre les Gilets Jaunes. Contre les mouvements sociaux, contre tous ceux qui veulent vivre décemment et simplement. Qui veulent simplement exercer leur métier ou leur profession dans des conditions décentes. M. le Président, vous êtes « En Guerre » contre justement ces blouses blanches et ces services de santé publique, ces infirmières, ces médecins, ces soignants. Dont votre phraséologie indécente et schizophrénique encore une fois - après que vos politiques réformistes les ont saignés jusqu’à la moelle – chante les louanges et salue leur admirable courage.

Je vous ai vu serrer la pogne de ce neurologue de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière qui face à vos babillages creux et insignifiants de manager de la Start-Up Nation vous a dit ses quatre vérités et vous a remis en place, à votre juste place M. le Président. Celle d’un irresponsable patent qui pris la main dans le sac ne trouve rien de mieux à faire que de s’adresser à son laquais de la Santé et de la Solidarité pour lui ordonner et lui faire promettre que vous allez enfin ouvrir les robinets. Ce fut, bien que les circonstances ne s’y prêtent absolument pas, un moment de pur bonheur de vous voir ainsi bousculé et déstabilisé malgré votre incessante et insupportable posture de petit chefaillon qui tient la France et dans le cas présent la main de ce médecin par une soi-disant poigne de fer.

Moi, M. le Président, et je m ‘excuse par avance de l’affront que je vais vous faire, je ne me sens pas « En Guerre » contre ce satané virus. J’ai lu il y a quelques jours son « monologue » dans l’hebdomadaire Lundi Matin. Bien des choses qu’il évoque m’ont fait l’effet d’un bol d’air frais. Comme par exemple ses précieux et sages conseils dont je vous fais part ici « Ne laissez pas ceux qui vous ont menés au gouffre prétendre vous en sortir : ils ne feront que vous préparer un enfer plus perfectionné, une tombe plus profonde encore. Le jour où ils le pourront, ils feront patrouiller l’armée dans l’au-delà. » Ou bien encore : « Remerciez-moi : je vous place au pied de la bifurcation qui structurait tacitement vos existences : l’économie ou la vie. C’est à vous de jouer. L’enjeu est historique. Soit les gouvernants vous imposent leur état d’exception, soit vous inventez le vôtre ». Face à ce monologue, et s’il vous prenait l’idée folle de le lire, vous conviendrez que la teneur de votre piètre discours ne pèse pas lourd.

Le votre me fait par ailleurs penser à ce que disait Jaime Semprun dont je gage ici que vous n’ayez jamais rien lu de lui – dans L’Abîme se repeuple : « On ne fait pas l’anatomie d’une charogne dont la putréfaction efface les formes et confond les organes. Quand les choses en sont venues à ce point, il semble qu’il y ait mieux à faire : à s’éloigner pour tenter de trouver encore un peu d’air frais à respirer et reprendre ses esprits. » Je vois d’ici M. le Président votre tête passablement déconfite à la lecture de cette citation. Je me prends soudain à rêver M. le Président que ce moment si inédit en suspension que nous vivons ne fasse plus, quitte à contredire dérisoirement Semprun que « la plupart soient contraints à faire en sorte de si bien atrophier sa perception de la puanteur qu’on puisse s’en accommoder après tout, peut-être se divertir et même s’en enchanter de tant de corruptions variées et changeantes » auxquelles vous comme vos prédécesseurs nous ont tant habitués et mithridatisés.

Daniel Vivas

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