Quelques petites remarques préliminaires
Alors que la presse insiste sur quelques vitrines abimées, il parait important de rétablir certains éléments factuels :
- 2000 personnes de tous âges et de tous horizons se sont réunies suite à un appel informel pour exprimer leur tristesse et leur colère face à l’assassinat d’un jeune homme dans une manifestation ;
- elles étaient déterminées à faire entendre leur rejet de la violence policière et des projets inutiles imposés, autres violences faites à nos vies ;
- les gardes mobiles [1] ont immédiatement empêché la manifestation d’avoir lieu sans qu’aucune explication ne soit donnée. Si la manifestation n’avait pas été déclarée, elle n’était pas pour autant interdite ;
- Dès lors l’action policière a été d’user systématiquement de grenades lacrymogènes et de désencerclement, de matraques et de pressions diverses en vue de disperser la manifestation. Le message était clair : votre colère, votre tristesse n’a pas lieu d’être. Manque de pot, la détermination était totale et les moyens employés ont été à la hauteur.
Ce qui suit est un récit subjectif de la manifestation n’hésitez pas à ajouter des compléments d’information [2]. Difficile de savoir tout ce qui c’est passé, on ne peut être partout d’autant que la manifestation s’est trouvée assez vite disloquée en groupes épars dans toute la ville.
Un démarrage sous pression
Rendez vous au Capitole, beaucoup de monde, beaucoup de pancartes : contre le barrage de Sivens, en souvenir de Rémi Fraisse, contre les violences policières, contre l’armement policier. Pas d’organisation préalable de la manif, dans le même mode que les précédentes manifestations de la semaine. Donc à un moment quelques banderoles se mettent en route et la manifestation démarre pour rejoindre les boulevards, en direction du palais de justice semble dire la rumeur.
Très vite bloquée par les gardes mobiles, la manifestation s’échauffe, les gaz sont lâchés très vite histoire de donner le ton de l’après midi et de repousser les manifestant.e.s sur la place du Capitole. Celle-ci est en partie bouclée, seules voies de sortie, les petites rues... Quelques manifestant.e.s font en sorte que les policiers ne nous serrent pas de trop près. Nous sommes en effet en présence d’un dispositif important lourdement armé. Un hélicoptère de la gendarmerie survole la manifestation et ne nous quittera pas jusqu’à sa dispersion totale. Ce bruit d’hélicoptère rappelle sans doute des choses à ceux et celles qui étaient au Testet une semaine auparavant.
La manifestation prend donc la rue Gambetta pour rejoindre le tribunal par le seul parcours laissé libre par la police. Est-ce que le préfet autorise tacitement la manifestation à parcourir la ville mais seulement par des itinéraires moins fréquentés ? Toujours est-il que la manifestation peut parcourir les rues du vieux Toulouse : rue Peyrolières, rue des Couteliers, rue de la Dalbade... Vous pouvez manifester mais dans les arrières cours, l’insulte est cinglante. Lorsque nous croisons un boulevard, c’est une rangée de policiers casqués, bottés et armés qui nous empêche de passer...
Malgré toute cette pression, nous restons en nombre dans le défilé. Peut-être que nous voulons dire que nous n’avons pas peur, que nous continuerons à protester malgré les pressions et ce mort. Difficile de dire ce qui passe par la tête de tant de gens divers, difficile de comprendre les raisons de chacun.e qui conduisent à braver la violence de la police...
Un tout petit bout du dispositif policier site subversiones
Dispersion et continuité de la manifestation
Lorsque la manifestation débouche sur la place du Salin face au tribunal, le gazage est immédiat et dense... Les grenades éclatent dans tous les sens dans les rues étroites, rebondissent sur les murs. La peur est palpable, tout le monde a dans la tête la grenade funeste qui a couté la vie à un autre comme nous, dans une situation similaire. La foule se disperse à gauche et à droite mais des petits groupe se forment rapidement qui vont faire durer la présence de la manifestation quelques heures encore sous diverse formes :
- un sitting prend forme place Rouaix face à la chambre de commerce et d’industrie, des chants résonnent,on tient la rue ;
- des vitrines de banques et des abribus tombent sous les coups de la colère quai de Tounis et place Esquirol. Quelques jets de projectiles sur la police qui n’a toujours pas cessé ses tirs divers de balles de gomme, de lacrymogènes ;
- Des groupes partout crient leur colère, la manifestation est partout, il est de plus en plus difficile de distinguer ceux et celles qui y ont pris part depuis le début et les passant.e.s. Les forces de l’ordre ne font d’ailleurs aucune différence, tout ce qui ne porte pas d’uniforme est un ennemi potentiel. Le gaz ne connait pas de frontière d’âge ni de classe, l’égalité républicaine réalisée par les compagnie de sécurité du même nom.
Blessures et arrestations
Des charges sporadiques des forces de l’ordre dans toute la ville déplacent les manifestant.e.s qui tentent de se réunir tant bien que mal pour continuer la protestation, la tombée de la nuit ajoute à la confusion. Le métro est fermé, le centre ville est bondé comme d’habitude. Les lacrymogènes tombent sur les voitures coincées dans les bouchons. Des vitrines sont encore étoilées ici et là. Surtout commence la valse des arrestations. Il faut justifier l’action policière par un nombre conséquent d’arrestations. La préfecture annonce 16 personnes arrêtées sans que l’on sache si elles sont maintenues en garde à vue, inculpées de quoique ce soit ou simplement relâchées après un contrôle d’identité. Cette semaine nous a habitués à une certaine prudence vis-à-vis des communiqués de la préfecture. Il est avéré que les manifestant.e.s ont pu constater un certain nombre d’arrestations assez violentes, mais aussi des blessures diverses allant du bleu important à la blessure ouverte, sans compter les yeux qui piquent, la peau qui brûle et les bronches en feu [3]....
Réalité vécue et reflet médiatique
Depuis hier la ritournelle des casseurs et de la violence n’en finit plus de tourner en boucle sur tout ce que ce pays a de moyens de communication. Les organisations embrayent le pas prenant peur de voir leur crédibilité entachée par quelques vitrines abîmées, quelques policiers mis en congé pour un doigt foulé. De qui se moque-t-on ? Un homme est mort, et d’autres sont régulièrement mutilés et tués par les forces de l’ordre. Samedi nous étions nombreux et nombreuses, nous étions déterminé.e.s, nous étions en colère et nous l’avons fait savoir. Riens de plus, rien de moins, les mises en scène spectaculaires, les jérémiades des syndicats de police et les condamnations des organisations à courte vue ne doivent pas occulter ce que nous avons vécu. Les forces de l’ordre voulaient nous faire taire, nous immobiliser, nous invisibiliser et ça n’a pas marché. Nous avons crié dans les rues, nous avons exprimé notre tristesse et notre colère, nous avons informé, nous avons rendu visible la brutalité policière... Nous avons tout simplement manifesté...
Qui casse nos vies ?
Qui casse nos avenirs ?
Qui casse la nature ?
Qui casse nos emplois ?
Qui casse nos droits ?
Qui casse nos gueules ?
Qui casse nos villes ?
Alors c’est qui les casseurs ?
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