Un texte, apparemment originellement paru sur le réseau facebook, et relayé sur IAATA, intitulé « récit d’un Street Medic à Toulouse », soulève quelques questions politiques. L’auteur évoque la création d’ un « comité de secours volontaire, ou « street-medic », composé d’étudiants, de pompiers, d’infirmiers ou de simples citoyens » (…). Plus loin, on apprend que « la ligne était claire : on ne participe pas à la manifestation, on se contente de soigner les blessés, manifestants comme policiers. Je sais que certains s’en étonneront, mais pour moi, si la cause du désordre est le système, on ne peut pas en vouloir seulement aux individus. Les victimes de la violence sociale sont des deux côtés. » (…)
Si s’organiser pour lutter contre les violences des forces de l’ordre est absolument nécessaire, il semble nécessaire de rappeler quelques principes qui sont, d’habitude, centraux pour ceux et celles qui se déterminent comme « Street Médic ». Ce mouvement est issu des luttes ; il n’a pas le caractère de neutralité que lui prête l’auteur de l’article évoqué. Les personnes blessées ne sont pas considérées comme des « victimes » ; il n’y a pas de prise en charge sans leur consentement, alors que les prises en charges par les services officiels n’en tiennent aucun compte. L’un des buts majeurs des Street Médics, c’est s’empêcher la répression policière et judiciaire, notamment en permettant aux personnes qui n’en veulent pas d’éviter une prise en charge par l’institution hospitalière, qui très souvent dénonce les gens à la police.
Le mieux est encore de (re)lire l’article paru dans Lèse-Béton n°6 au printemps 2016, écrit par l’équipe Street Médic de la ZAD :
« L’autodéfense par le soin.
Depuis l’existence d’un mouvement d’occupation sur la ZAD, de multiples groupes auto-organisés se forment pour répondre aux besoins quotidiens et lutter contre cette société qui nous dépossède. L’équipe de « Street Médic » en est un : un groupe de premiers secours de rue.
Lorsqu’on est en désaccord ou qu’on gêne la réalisation de profit – le temps d’une manifestation ou parce qu’on vit sur une terre convoitée par l’État – qu’on est « indésirable » ou « contestataire », la répression ne tarde pas à se faire sentir. Elle blesse, mutile ou tue par le biais des forces de l’ordre*. Conscientes de ces risques, des personnes formées en médecine ont partagé ici leur savoir médical pour qu’un maximum de gens puissent porter secours à leurs camarades de lutte.
Le groupe Street Médic met ainsi en pratique une autodéfense qui passe par le soin et l’attention aux autres, sur la zone comme ailleurs. En manifestation, il tente d’être présent au plus tôt pour effectuer les premiers gestes aux personnes qui le demandent et d’évaluer les besoins avant l’arrivée éventuelle d’une ambulance, parfois bloquée ou détournée par les flics.
Les Street Médic ont alors un rôle précieux parce qu’on sait aussi qu’une prise en charge par les secours officiels peut mettre les personnes blessées à la merci de contrôles d’identité et d’arrestations. La volonté des Street Médic est de donner la primauté au consentement des personnes blessées et de leur donner des billes pour faire des choix éclairés pour elles-mêmes. Pour lutter contre ce médecin qui te prescrit des médicaments sans te dire ce que c’est, qui ne t’écoute pas et te touche sans prévenir, qui va te diagnostiquer une maladie dégénérative incurable et te donner rendez-vous dans six mois pour voir comment elle évolue... Alors que l’institution médicale nous laisse dans l’ignorance et l’impuissance, il nous paraît important de ne pas laisser les soins aux seules mains des spécialistes. Même dans l’urgence, nous sommes des individus et ne voulons pas être réduit.e.s à des symptômes ou des blessures.
Aujourd’hui, la dynamique Street Médic s’étend, et des groupes organisent des formations à travers la France. Être de plus en plus nombreux.ses à réfléchir et à apprendre comment se soigner et se défendre, à reprendre en main ce qui concerne notre corps contribue à se rendre plus autonome dans le quotidien et nous donne de la force dans les luttes !
(*) Par mutilations, on entend : des éclats de grenade dans le corps, la perte d’un œil suite à un tir de flashball ou encore une perte d’audition après l’explosion d’une grenade assourdissante. 127 morts, c’est le nombre de personnes assassinées par la police recensées depuis 2000 en France, voir : Urgence Notre Police Assassine »
Lèse Béton n°6, printemps 2016
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