Attaquer le nucléaire

Alors que le tribunal de grande instance de Bar-Le-Duc s’apprête à juger l’occupation du bois Lejuc entamée au cours de l’été précédent avec pour objectif de bloquer une nouvelle phase des travaux menés par l’ANDRA dans le cadre du projet CIGEO (pour plus d’informations cf http://vmc.camp/), il paraît intéressant de revenir sur l’histoire du mouvement antinucléaire en France dans les années 1970 et 1980 et plus particulièrement sur l’histoire de la lutte contre l’implantation d’une centrale électronucléaire à Golfech.

En effet, la réalisation d’un centre d’enfouissement des déchets radioactifs constitue la dernière étape du développement d’un complexe militaro-industriel nucléaire français entamé au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Ce complexe nucléaire n’a jamais fait consensus au sein de la population. Au contraire, il a engendré des mouvements de résistances dans de nombreux lieux où l’État a choisi de le développer. Ces batailles furent rudes, longues et épuisantes mais parfois victorieuses (on pense ici à Plogoff). Surtout, ces mouvements de résistances se sont inscris dans un temps longs, dix à vingt ans pour certains, et ont été caractérisé par la multiplicité des tactiques employées.

A Bure, nous sommes dans un moment crucial du développement du complexe nucléaire français et européen. La bataille ne fait que commencer.

Au commencement de l’industrie nucléaire française.

Le développement du nucléaire français répond à deux logiques inextricablement liées, la volonté de détenir une puissance militaire symbolisée par la bombe atomique et la mise en place d’une énergie centralisée, contrôlée par l’État et indépendante des relations extérieures. Son histoire est complexe, soumise à des enjeux nationaux et internationaux, à des logiques économiques et militaires, à des objectifs politiques. Elle traverse la Seconde moitié du 20ème siècle et apparaît aujourd’hui comme une lente et inexorable marche vers une nucléarisation de la société. Pourtant, il serait trop simple de réduire l’histoire du nucléaire français à un schéma évolutionniste tant des forces contradictoires se sont opposées, et s’opposent encore aujourd’hui, autour de cette question. Appréhender la question du nucléaire en France passe par la restitution de dates et d’institutions clés qui ont marqué son histoire.

En 1939, Frédéric Jolliot-Curie, gendre des scientifiques Pierre et Marie Curie, développe un procédé permettant, à partir d’une réaction en chaîne de différents composants chimiques, de provoquer une fission nucléaire. Celle-ci génère le déploiement d’une vaste quantité d’énergie convertissable en électricité et en bombe atomique.

Le 6 août 1945, l’aviation américaine largue une bombe A sur la ville japonaise d’Hiroshima, tuant 80 000 personnes, faisant 75 000 blessés et irradiants des milliers de personnes. Trois jours plus tard, le 9 août 1945, c’est au tour de la ville de Nagasaki de subir le même sort. Cette fois, c’est une bombe au plutonium qui est utilisée, causant la mort de près de 40 000 personnes. C’est la première fois que l’arme atomique est utilisée directement contre des individus. Les grands journaux français saluent cet événement comme une révolution scientifique [1]. Dès lors, la puissance militaire sera synonyme de puissance nucléaire. Une course internationale pour l’obtention de l’arme atomique débute.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France est dirigée par un gouvernement provisoire issu de la résistance et composé de socialistes, de communistes, de radicaux et de démocrates chrétiens. Le générale De Gaulle est à la tête de ce gouvernement. Il voit dans l’arme atomique l’assurance d’une souveraineté nationale et d’une relative indépendance militaire et donc politique à l’égard des deux grandes puissances victorieuses, les États-Unis et l’Union Soviétique. L’usage du nucléaire est alors envisagée à plusieurs fins, militaire mais également énergétique. Pour ce faire, le gouvernement dote le pays d’une institution chargée du développement nucléaire : le Commissariat à l’Énergie Atomique [2], créé en 1945. À sa tête, deux personnalités, Frédéric Joliot-Curie [3] et Raoul Dautry. Le premier est responsable du volet technique et scientifique du CEA, quant au second, ancien ministre de l’armement sous le gouvernement Daladier, il assure la fonction d’administrateur chargé de la gestion du CEA. On retrouve dans cette institution une dimension militaire et une dimension scientifique.

Pour autant, la question de l’arme nucléaire ne fait pas consensus au sein du gouvernement provisoire comme au CEA. Dans un premier temps, le PCF, auquel adhèrent ou avec lequel sympathisent des scientifiques tel que Frédéric Joliot-Curie, s’oppose à la bombe nucléaire. Le général De Gaulle lui, en est un fervent partisan. Après sa démission en 1946, c’est le potentiel de production énergétique du nucléaire qui va être mis en avant. La position ambivalente du CEA quand à l’armement nucléaire ne résistera pas à l’intensification de la guerre froide. Lorsque l’URSS se dote de l’arme nucléaire en 1949, ses soutiens tombent en disgrâce, Frédéric Joliot-Curie est démis de ses fonctions de haut-commissaire au CEA pour avoir présidé le Congrès pour la paix en 1949 et refusé de collaborer à la préparation d’une éventuelle guerre nucléaire contre l’URSS. À ce moment, le gouvernement français insiste sur le fait que le CEA a aussi pour vocation la défense nationale.

En 1950 le comité PEON, Production électrique d’origine nucléaire, est créé. Il réunit des industriels français, des scientifiques du CEA, des responsables d’EDF [4] et des représentants de l’État. Il a pour objectif de développer le potentiel en électricité que permet l’énergie nucléaire.

En 1952 est voté par le gouvernement français le premier plan officiel de développement des applications civiles de l’énergie atomique. Il concerne la fabrication de piles de faible puissance. En 1954, Pierre Mendès-France, président du conseil, lance officiellement le programme nucléaire français qui vise à la fabrication de la première bombe atomique nationale [5]. Le comité PEON devient une commission chargée de conseiller le gouvernement en matière de politique nucléaire. Dès les années 1950 émergent la volonté politique de créer en France un parc électronucléaire, avec pour principal objectif, la souveraineté du pays en matière de production énergétique ainsi qu’une volonté de centralisation étatique de cette production et de sa distribution. Le CEA créé des centres de recherches atomiques [6] et développe des sites d’extraction d’uranium sur le territoire français, tandis que l’État développe des institutions chargé de promouvoir le nucléaire [7]. Un véritable lobby du nucléaire est constitué. Il s’agit en effet de renseigner la société civile sur cette nouvelle technologie que constitue l’énergie nucléaire mais également de la convaincre de sa non dangerosité. Car en même temps que se développe l’industrie nucléaire à l’échelle mondiale, surviennent les premiers accidents [8].

Le général De Gaulle, de retour sur la scène politique française à partir de 1958, d’abord en tant que président du conseil puis en tant que président de la République, relance le programme de construction de la bombe atomique. En cohérence avec sa volonté politique d’assurer à la France une souveraineté national, de la soustraire au maximum à l’influence des deux blocs, il cherche à doter le pays d’une force de frappe autonome. À ce titre, des essais nucléaires vont être mené dans le désert algérien à partir de 1960, puis en Polynésie française, avec à la clé l’irradiation et le déplacement forcé des populations locales.

En 1973 éclate le premier choc pétrolier. L’abandon des accords de Bretton Woods entraînant une dévaluation du dollars et l’embargo sur le pétrole imposé aux alliés occidentaux d’Israël par les pays membres de l’OPEP [9] ,dans le contexte de la guerre du Kippour [10], provoquent une inflation des prix du baril du pétrole. La France est touchée par l’embargo. Cet événement, qui met en évidence la dépendance énergétique du pays à l’égard des pays exportateurs de pétrole, achève de convaincre l’appareil politique de la nécessité d’une indépendance énergétique, assurée par le nucléaire. En 1974, Sous l’égide du président Valéry Giscard-d’Estaing, le « plan Messmer » est adopté par le conseil des ministres. Il prévoit, d’ici l’an 2000, la mise en chantier de deux cents réacteurs de 1000 MWé répartis sur une quarantaine de sites nucléaires en France. Avec pour objectif, la diminution du recours aux hydrocarbures et l’augmentation de la production d’une énergie nucléaire. En 1978, la première centrale nucléaire française, dont les travaux ont débuté en 1970, rentre en activité à Fessenheim en Alsace.

« Nous n’avons pas plus besoin de centrales nucléaires que de produire tous les jours des gadgets à la chaîne »

En même temps que se développe l’industrie nucléaire en France, un mouvement d’opposition émerge progressivement. Marquée par l’utilisation de la bombe nucléaire pendant la Seconde Guerre Mondiale et la rhétorique belliqueuse utilisée par les grandes puissances mondiales, ce mouvement s’oppose d’abord à l’utilisation militaire de la bombe atomique et porte un discours pacifiste et antimilitariste. A la fin des années 1950, ces militants se regroupent autour du collectif l’Action Civique Non Violente et mènent des actions contre les sites de production de l’arme atomique [11]. Ce mouvement d’opposition reste marginal, en partie parce qu’il faut un certain temps avant que la population ait connaissance des recherches liées au développement nucléaire. Ce n’est qu’en 1954, alors que le CEA existe depuis neuf ans déjà, que le président du conseil Pierre Mendès-France officialise le programme de recherche sur le nucléaire militaire. La communauté scientifique est également clivée autour de la question de l’armement nucléaire. Un certain nombre de scientifiques prennent position contre la bombe atomique. En 1950 et 1975 notamment, avec la publication de « l’appel de Stockholm » [12] puis de « l’appel des 400 » [13]. En 1963, Claude Bourdet, ancien résistant et fondateur du journal l’Observateur, et Jean Rostand, biologiste, créent le Mouvement contre l’arme atomique. Ils s’opposent à « tout armement atomique et à tout essai nucléaire, à la force de frappe française et à tout armement nucléaire collectif (OTAN) ». En 1964, l’organisation compte six milles à sept milles membres. En 1964 toujours, une manifestation contre l’armement nucléaire, auquel participe une parti de la gauche parlementaire, réunit cent vingt-milles personnes à Paris.

Ce mouvement d’opposition grossit au cours des années 1960, et développe une sensibilité écologique. Face aux premiers « accidents » nucléaires, le mouvement d’opposition dénonce les dangers pour l’environnement et les risques sanitaires liés à cette technologie dont la maîtrise reste aléatoire. Il met également en avant l’impossibilité de gestion à longs terme des déchets radioactifs et le coût financier réel que nécessite la gestion de l’industrie nucléaire dans la durée, de la création au démantèlement d’une centrale nucléaire. En 1962 l’Association contre le danger radiologique est créé par Jean Pignero. Elle a pour but d’informer le public de la nocivité des rayonnements ionisants utilisés en médecine. En 1966 l’ACDR devient l’Association pour la protection contre les rayonnements ionisants et joue un rôle de premier plan dans la lutte antinucléaire en développant de nombreux documents informant sur les dangers sanitaires liés à l’exploitation du nucléaire.

En 1971 a lieu en France la première manifestation contre le nucléaire civil. Mille cinq cents personne marchent sur la centrale nucléaire de Fessenheim en construction. Le mouvement antinucléaire se développe conjointement à l’essor de l’industrie nucléaire. En avril 1975, un an après l’annonce du plan Messmer, une semaine d’action antinucléaire est organisée par le mouvement écologiste naissant et des organisations d’extrême-gauche. Des manifestations ont lieu dans plusieurs villes, à Paris notamment, où vingt-cinq milles personnes manifestent, mais également à Gravelines, où trois milles personnes pénètrent sur le site de la centrale en construction, à Toulouse, Lyon, Royan et Narbonne. Des comités antinucléaires voient le jour dans différentes villes du pays. Ils regroupent des individus et organisations issu de la mouvance écologique, mais aussi des militants libertaires et des militants issus des rangs de l’extrême-gauche, ainsi que des personnes hostiles à l’implantation d’une centrale nucléaire sur leur territoire. Ces comités, outre le fait qu’ils regroupent un certains nombres d’individus ayant une sensibilité politique libertaire, sont marqués par une pratique libertaire. Ils sont regroupés en assemblée, adoptent un mode d’organisation horizontal, refusent toute délégation de pouvoir. Cette présence libertaire au sein du mouvement écologiste n’est pas une première. Historiquement, les questions écologiques et antimilitaristes ont toujours existé au sein du mouvement anarchiste et ce, depuis son essor à la fin du 19ème siècle. C’est donc assez logiquement que des militants libertaires s’investissent dans la lutte antinucléaire.

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, le mouvement de contestation radical qui agite la France et plus largement l’occident s’étend à la question nucléaire. Des groupes autonomes marxistes et anarchistes, apparus dans le sillage des événements de Mai-juin 1968 investissent progressivement le champs de la lutte antinucléaire. Cette extension progressive du mouvement est marquée par une évolution du discours et des pratiques. À la critique écologique et antimilitariste classique s’ajoute une critique anticapitaliste révolutionnaire. Pour l’extrême-gauche extraparlementaire, le développement d’une industrie nucléaire signifie la centralisation et la maîtrise des ressources énergétiques par l’État. Or les ressources énergétiques constituent le principal moteur de production et de consommation du système économique capitaliste industriel. Ce sont ces deux aspects de l’industrie nucléaire, jusqu’ici peu développés par le mouvement antinucléaire, qui sont critiqués. À savoir le renforcement de l’État à travers le monopole qu’il exerce sur la production et la distribution de l’énergie nucléaire, et l’industrie nucléaire analysée comme étant un pilier du système économique capitaliste industriel. S’attaquer au nucléaire, c’est donc s’attaquer à la structure de l’État et au système économique capitaliste. Ainsi, la critique du nucléaire est intégrée par ces groupes à un projet révolutionnaire plus global.

L’émergence d’une contestation du nucléaire au sein d’organisations d’extrême-gauche extraparlementaire entraîne une diversification des modes d’action dans la lutte antinucléaire. À sa création, le mouvement antinucléaire est très largement marquée par une philosophie non-violente. Ces acteurs mènent des actions pacifiques allant parfois jusqu’à la désobéissance civile. Le but étant de peser sur les gouvernements pour les pousser à abandonner la voie de l’armement nucléaire. La praxis révolutionnaire investi le mouvement en même temps que les organisations d’extrême-gauche. La pratique du sabotage des infrastructures de l’industrie nucléaire puis les attaques contre ses promoteurs, tant politiques qu’économiques, se développent au cours des années 1970 et 1980 [14]. Le recours à une certaine forme de violence politique va cliver le mouvement antinucléaire. La majeure partie des organisations ou associations écologistes légalistes condamnent les attentats. Au milieu des années 1970, le mouvement antinucléaire est à la fois puissant et diffus, non centralisé et hétérogène. Il est composé de différentes tendances politiques aux discours et à la pratique dissemblable, qui parfois convergent et d’autres fois se dissocient. Mais qui, la plupart du temps, se regroupent dans des lieux politiques tels que les Comités antinucléaires et les luttes locales de résistance à l’implantation de sites nucléaires.

Le mouvement antinucléaire français grossit considérablement au cours des années 1970 et 1980. Des luttes locales, parfois longues et conflictuelles, se développent dans plusieurs régions où l’État prévoit l’implantation de centrales. Le mouvement antinucléaire s’étend localement et nationalement, selon un modèle rhizomatique. Il est à la fois populaire et radical dans ses modes d’interventions. Pour autant, la pratique du sabotage et de l’action directe n’est pas réductible à des organisations et individus qui seraient venus apporter une certaine pratique révolutionnaire au sein du mouvement antinucléaire. Ils ne sont pas l’œuvre de spécialistes ou de professionnels, séparés du mouvement antinucléaire. Ces pratiques se développent à l’intérieur même du mouvement, comme elles se répandent dans d’autres espaces de contestation à la même période. Il y a un effet dialectique, une partie du mouvement antinucléaire se radicalise et adopte un nouveau registre d’actions tandis qu’une partie du mouvement radical investit le champs de lutte antinucléaire.

La diversification des ces modes d’action repose sur différents facteurs. Une dimension spatio-temporelle, la lutte antinucléaire à cette période s’inscrit dans un cycle révolutionnaire, les années 1968, marquée par une contestation radicale du système économique et sociale capitaliste et des modèles politiques en vigueur dans les deux blocs, et par le développement d’un cadre de légitimation théorique de la pratique révolutionnaire, influencée par une relecture de la pensée marxiste. Une dimension nationale, la position intransigeante de l’État à l’égard de sa politique nucléaire, illustrée par la violente répression du mouvement antinucléaire et par les trahisons électorales des différents partis politiques [15]. Une dimension locale enfin, où lorsque l’implantation d’une centrale nucléaire contre la volonté de la population est légitimé par l’Etat, le recours à l’action directe et à l’illégalité devient non pas le seul registre d’action possible, mais le plus évident.

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L’épisode de « la bataille de Malville » constitue un événement charnière dans l’histoire du mouvement antinucléaire. Il va contribuer à une intensification et à une radicalisation de la lutte contre l’industrie nucléaire en France. Les 30 et 31 juillet 1977, à Creys-Malville en Isère, se tient un rassemblement contre la construction d’un surgénérateur Super-Phénix. Il regroupe environ soixante mille manifestants, venus de plusieurs pays frontaliers. En face, cinq milles CRS et Gardes mobiles protègent le site du surgénérateur, dont les organisateurs de la manifestation ont convenu de ne pas s’approcher. Plusieurs milliers de manifestants, parmi lesquels de nombreux autonomes, tentent d’accéder au site nucléaire. Ce qui donne lieu à des affrontements avec les forces de l’ordre. Quelques deux mille cinq cents grenades offensives répondent aux cocktails molotov et aux jets de pierre des manifestants. Vital Michalon, membre de la Fédération anarchiste est tué par l’une d’elles. De nombreux manifestants sont blessés, dont deux mutilés. Du côté des forces de l’ordre, plusieurs gendarmes sont blessés dont un a la main arrachée par sa grenade. La violence répressive déployée par l’État ce jour là, marque le mouvement antinucléaire et plus largement le mouvement révolutionnaire dans son ensemble. Nombreux sont les militants antinucléaires et révolutionnaires qui considèrent à ce moment là qu’il faut répondre à la violence de l’État. Dès lors, les actions de sabotages contre l’industrie du nucléaire et ses exploitants vont se multiplier dans tout le pays. Elles sont le fruit de groupes autonomes issus de différentes tendances politiques qui agissent indépendamment les uns des autres et qui parfois s’associent. A ce titre, des « nuits bleues » sont organisées sur tout le territoire. Il s’agit de vagues d’attentats qui touchent des infrastructure liées à l’exploitation du nucléaire. La première « nuit bleue antinucléaire » a lieu dans la nuit du 19 au 20 novembre 1977. Des attaques à l’explosif sont menées dans différentes villes contre des bâtiments d’EDF, des usines et entreprises sous-traitantes de l’industrie du nucléaire et des centres de recherche nucléaires. Personne n’est blessé ni tué. Cette première « nuit bleue » est revendiquée par la coordination ponctuelle CARLOS, Coordination Autonome des Révoltés en Lutte Ouverte contre l’État.

Le mouvement antinucléaire français connaît son apogée à la fin des années 1970 et au début des années 1980. la lutte se structure autour de deux axes complémentaires, une intensification des attentats menés contre les acteurs de l’industrie nucléaire et une résistance locale populaire et massive autour des sites de construction des centrales nucléaires, comme à Plogoff [16], Chooze ou Golfech. Les comités antinucléaires se développent sur tout le territoire et une littérature antinucléaire voit le jour. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 et sa promesse électorale non tenue d’organiser « un grand débat démocratique sur le nucléaire », l’incursion d’une partie du mouvement écologiste dans le champs politique institutionnel concrétisée par la création du parti les Verts en 1984, la répression et les tensions politiques à l’intérieur des comités vont affaiblir considérablement le mouvement antinucléaire dans les années 1980.

« Actif toujours - Radioactif jamais » : fragments de lutte contre la centrale nucléaire de Golfech.

La lutte contre la construction d’une centrale nucléaire à Golfech s’inscrit dans cette histoire du complexe nucléaire français et de son opposition. Annoncée dès les années 1950, la centrale rentre en activité en 1990. Sa construction fait l’objet d’une longue et forte opposition qui connaît son apogée à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Bien que toute fragmentation a posteriori d’une lutte historique paraisse artificiel, il est possible de repérer les différents rythmes qui scandent un mouvement d’opposition. Ainsi, on peut distinguer deux moments dans l’histoire de la résistance à Golfech. Dans la première moitié des années 1970 l’opposition à la centrale émerge et se diffuse dans la région et s’accroît progressivement. Elle est le fait entre autre, d’organisations écologistes au rayonnement régional, soutenues par des élus locaux de gauche. A partir de 1977, dans le sillage de « la bataille de Malville », le mouvement de résistance s’élargit et se radicalise. Le recours au sabotage et à l’action directe contre les infrastructures de l’industrie nucléaire devient quotidien.

Au début des années 1950, EDF publie un inventaire national des sites hydroélectriques potentiels qui prévoit la possibilité d’installation de refroidissement des futures centrales nucléaires. Le site de Golfech, situé sur les rives de la Garonne, offre les ressources fluviales nécessaire au refroidissement des réacteurs et figure dans cet inventaire. C’est en 1962 que le projet de centrale électrique sur le site de Golfech est officiellement annoncé et en 1967 que l’organisation de son infrastructure est rendue publique. Il s’agit d’un complexe hydro-électronucléaire baptisé « Malause-Golfech ». Il est composé d’un barrage sur le site de Malause, d’une usine hydroélectrique et d’une centrale nucléaire à Golfech, et d’un canal reliant les deux unités. La construction est prévue par EDF pour l’horizon 1985.

Depuis les années 1950 il existe dans la région Sud-Ouest, comme ailleurs en France, un mouvement d’opposition au nucléaire structurée autour du pacifisme, de l’antimilitarisme et des questions sanitaires. C’est au début des années 1970 que ce mouvement antinucléaire développe un discours critique à l’égard de la future centrale de Golfech. En 1972, l’association « SOS Golfech » est créée à Agen. Elle est composée de plusieurs dizaines d’individus issus de différentes tendances politiques et se définit comme « exclusivement antinucléaire ». La même année, un meeting antinucléaire est organisée à Toulouse. La dêpeche du midi, organe de presse du sud-ouest de tendance socialiste et dirigé par la famille Baylet, se fait le relais médiatique des discours antinucléaires. Des articles hostiles à l’implantation de la centrale de Golfech y paraissent. Le 5 mai 1973 à Toulouse, une manifestation est organisée à l’initiative de groupes écologistes pour exiger un « moratoire de l’industrie nucléaire » militaire et civile et pour informer la population de l’implantation de centrales nucléaires dans la région. La police charge la manifestation en fin de journée, qui se termine en affrontements. Une barricade est érigée et enflammée près du Captiole, des voitures et des magasins sont endommagés. Dès le début de la contestation contre la centrale de Golfech, le mouvement d’opposition est caractérisé par une pluralité politique. Au discours antimilitariste et non violent s’ajoute un discours et une pratique anti-capitaliste et révolutionnaire. Cette précocité de l’émergence d’un discours antinucléaire révolutionnaire s’explique en partie par l’histoire de la région Sud-Ouest. Dans les années qui suivent la fin de la guerre civile espagnole, quelques vingt milles réfugiés républicains s’installent dans Toulouse et ses environs. Ils vont marquer la région par leur histoire et leur engagement politique, anarchiste et communiste. Après la 2nde Guerre Mondiale et jusqu’au milieu des années 1970, le Sud Ouest va devenir l’arrière-base de la résistance à la dictature franquiste. Les Pyrénées offrent la possibilité de traverser la frontière de manière clandestine. Il y a une véritable porosité entre les milieux révolutionnaires espagnols et français du Sud Ouest. Certains révolutionnaires français vont s’engager aux côtés du MIL [17], puis, en réponse à la chute du MIL et à l’arrestation et à la condamnation à mort d’une partie de ses membres, une coordination révolutionnaire va être créé dans le Sud Ouest dans le but de faire pression sur le gouvernement franquiste afin qu’il n’exécute pas ces prisonniers. Au cours de l’année 1974 cette coordination, regroupée sous le nom de GARI [18], va enlever un banquier espagnol puis mener une campagne d’attentats visant les intérêt économiques espagnols en France et particulièrement dans le Sud-Ouest. Enfin, dans les années 1970, la lutte de libération nationale se développe au Pays Basque, en partie à travers la lutte armée exercée par l’organisation ETA [19]. Au moment où émerge un mouvement d’opposition contre l’implantation d’une centrale nucléaire à Golfech, il existe déjà un mouvement révolutionnaire bien ancré dans la région du Sud Ouest, dont certains membres et organisations pratiquent la lutte armée.

En juin 1975, un référendum local est organisé dans les cantons de Valence d’Agen et d’Auvillar afin de connaître l’avis de la population concernant l’implantation d’une centrale nucléaire à Golfech. Sur les soixante pour cent de participants à ce référendum, par rapport à la population totale sollicitée, quatre-vingt pour cent votent contre l’implantation de la centrale. L’État ne tiendra jamais compte de ce référendum. En 1976 et 1977 sont créés les Comités antinucléaires de Toulouse et de Golfech. Ces assemblées regroupent des populations locales et abritent différentes tendances politiques. Ils constituent les principaux lieux d’organisation du mouvement antinucléaire, à la fois localement et nationalement. La première manifestation sur le futur site de Golfech a lieu en juin 1976 et réunit quelques centaines de personnes. La seconde manifestation est organisée l’année suivante, en juillet 1977. Trois mille personnes se rassemblent à Golfech, un barrage est installé sur la nationale et la station météo EDF construite sur le site est détruite. On remarque l’augmentation sensible du nombre de manifestants d’une année à l’autre et l’intensification de la lutte avec notamment le recours au sabotage.

La « bataille de Malville » a lieu les 30 et 31 juillet 1977. C’est un tournant pour le mouvement antinucléaire français. Deux jours plus tard, la direction régionale d’EDF à Toulouse est attaquée aux cocktails Molotov. L’action est revendiquée par le Commando Vital Michalon. Dès lors, les attentats contre les intérêts économiques nucléaires vont être quotidiens dans la région Sud-Ouest comme dans le reste de la France. La pratique de la lutte armée contre l’industrie nucléaire n’a pas émergé à la fin du mouvement, palliant une éventuelle défaite politique ou populaire, incarnant la queue de la comète du mouvement antinucléaire, au contraire, elle s’est développée au moment où le mouvement antinucléaire était le plus fort, le plus populaire, le plus diversifié. À ce moment, la campagne d’attentats antinucléaires vise principalement les infrastructures d’EDF et de ses sous-traitants.

En 1978, le conseil régional présidé par les socialistes et dont la présidence est assurée par Evelyne Baylet, présidente du groupe de presse La dépêche, se déclare opposé à la construction de la centrale nucléaire de Golfech. En juin 1979 a lieu la troisième mobilisation contre la centrale, dans la commune proche de Valence-d’Agen. Cinq milles personnes manifestent, élus en tête. Du 22 octobre au 21 décembre 1979 l’enquête préalable à la « déclaration d’utilité publique » du projet de central nucléaire de Golfech est organisée par les pouvoirs publics. Neuf municipalités sur douze, opposées au projet, refusent d’accueillir le dossier public dans leurs mairies. Pour mener à bien l’enquête, le préfet met en place dans les municipalités récalcitrantes des camionnettes « déguisées » en mairies annexes et protégées par les gendarmes. Tout au long de l’enquête, des sabotages seront perpétré contre ces mairies annexes et contre les dossiers qu’elles contiennent. En 1978, le PCF puis la CGT se déclarent officiellement favorable à l’implantation d’une centrale nucléaire à Golfech.

Au cours de l’année 1980, le mouvement d’opposition se dote d’infrastructures. Un mensuel antinucléaire est édité par le CAN de Golfech, Le Géranium enrichi et une radio pirate sont créés dans la région. En juillet de la même année, des militants antinucléaire regroupé en Groupement agricole foncier acquièrent un terrain sur le site de la future centrale. Une maison de la résistance y est érigée, la Rotonde. C’est le seul terrain à ne pas se faire expulser au début des travaux, protégé par son statut juridique. La Rotonde, située au cœur du projet, va devenir le centre symbolique du mouvement d’opposition à la centrale. De là vont partir les futurs manifestations. Lors de sa fête d’inauguration en septembre 1980, où participent dix milles personnes, la station météo est à nouveau incendiée.
En octobre 1980, les travaux de construction de la centrale nucléaire de Golfech débutent officiellement.

Le début de l’année 1981 est marquée par la campagne électorale pour la présidentielle. François Mitterrand, qui perçoit la popularité du mouvement antinucléaire, promet l’arrêt de la construction de centrales et s’engage à organiser un grand débat démocratique sur le nucléaire. Alors que certains antinucléaires et écologistes, séduits par cette proposition, s’engagent auprès de lui [20], d’autres critiquent les promesses électorales et poursuivent les actions contre l’industrie nucléaires. Le 10 mai 1981, au soir de la victoire de François Mitterrand, treize engins de terrassement de l’entreprise Bec travaillant sur le site de Golfech sont détruits à l’explosif [21]. Ce tournant électoraliste va cliver le mouvement antinucléaire. Jusqu’ici, et face aux politiques communes en matière de nucléaire des principaux partis institutionnels [22], le mouvement antinucléaire de base, populaire, s’était toujours tenu à l’écart de toute alliance avec des partis politiques. À partir de cette période certains écologistes et antinucléaires vont entamer des carrières politiques. Les différentes tendances politiques opérant au sein du mouvement semblent alors irréconciliables.

Alors que les travaux se poursuivent à Golfech, le grand débat a lieu à l’assemblée nationale et les députés se prononcent pour la poursuite du nucléaire, suivi en cela par le conseil régional Midi-Pyrénées et le conseil général du Tarn-et-Garonne. Seul le projet de central à Plogoff va être abandonné. L’opposition à la centrale se poursuit elle aussi. A présent, les attentats visent également les infrastructures du Parti socialiste et de ses alliés. Les manifestations se poursuivent sur le site, organisées depuis la Rotonde. Celle du 29 novembre 1981 est particulièrement conflictuelle. Quatre milles à sept milles personnes y participent. Les cocktails Molotov répondent aux grenades lacrymogènes. La Rotonde est incendiée par la police. Du côté des manifestants, une entreprise sous-traitante est incendiée, ainsi que le commutateur EDF de la commune de Valence d’Agen. Alors que la ville est plongée dans le noir, des manifestants attaquent la gendarmerie avec des cocktails Molotov. L’adjoint du commandant de brigade est blessé. En réponse, les gendarmes, appuyés par des habitants pronucléaires, chargent et tabassent les manifestants.

Le chantier est devenu une véritable forteresse et la répression se fait de plus en plus dure. Le 10 novembre 1982, Henry Mathais, figure de la lutte antinucléaire à Toulouse, est retrouvé mort, assassiné par son associé suite à un différend professionnel. Dans un premier temps, alors que l’affaire piétine, la presse locale et nationale élabore des scénarios dont celui d’un possible règlement de compte au sein de la mouvance antinucléaire. Une partie des antinucléaires, quand à eux, s’engage dans l’hypothèse d’un assassinat commandité par l’État ou par des pronucléaires. Le procès a lieu en janvier, Floréal Bujan, associé et camarade antinucléaire de Henry Mathais, reconnaît les faits. Ce fait divers accroît les divisions au sein du mouvement antinucléaire local.

Au cours de cette période la mobilisation contre la centrale nucléaire de Golfech faiblit considérablement. La dureté de la répression, les divisions politiques, les illusions électoralistes et l’épuisement d’une lutte entamée presque dix ans auparavant sont les principales causes de cet affaiblissement [23]. Celui-ci fait écho à la lente décomposition à laquelle le mouvement antinucléaire est en proie à l’échelle nationale.

Le mouvement de résistance contre la centrale de Golfech ne disparaît pas complètement, des mobilisations ont encore lieu au cours de la décennie 1980 mais ne peuvent empêcher la mise en service du premier réacteur en 1990.

Pour aller plus loin :

  • Collectif, Golfech le nucléaire, implantation et résistances, éditions du CRAS, 1999
  • Collectif, La canaille à Golfech, fragments d’une lutte antinucléaire (1977-1984), Mutines séditions, collection A couteaux tirés, mars 2013.

Notes

[1Le 8 août 1945, Le Monde titre en une : « Une révolution scientifique : Les Américains lancent leur première bombe atomique sur le Japon ». L’humanité, dans son édition du 8 août 1945 parle d’une « d’une découverte scientifique qui est bien la plus sensationnelle du siècle ».

[2Le CEA, rebaptisé depuis 2010 Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, se définit en ces termes, « Organisme public de recherche, le CEA intervient dans le cadre de quatre missions : la défense et la sécurité, l’énergie nucléaire (fission et fusion), la recherche technologique pour l’industrie et la recherche fondamentale (sciences de la matière et sciences de la vie). S’appuyant sur une capacité d’expertise reconnue, le CEA participe à la mise en place de projets de collaboration avec de nombreux partenaires académiques et industriels ».

[3Frédéric Joliot-Curie est un physicien et chimiste français. Il consacre sa vie à l’étude scientifique de la radioactivité. Avec Irène Jolliot-Curie, ils obtiennent le prix Nobel de chimie en 1935 « en reconnaissance de leur synthèse de nouveaux éléments radioactifs ». En 1939, lui et deux autres physiciens, Halban et Kowarski, déposent trois brevets à la caisse nationale de recherche scientifique. Le troisième brevet, intitulé « perfectionnement aux charges explosives », est considéré comme le dépôt intellectuel de la bombe atomique. La France étant alors en guerre contre l’Allemagne, le président du conseil et ministre de la défense Daladier, qualifie ces recherches « secret défense » et place Frédéric Joliot-Curie et son équipe sous la responsabilité du ministère de l’Armement dirigé alors par Raoul Dautry.
André Bendjebbar, Histoire secrète de la bombe atomique française, Paris, Cherche Midi, « Documents », 2000.

[4Electricité de France et Gaz de France est créé en 1946. La nationalisation de l’énergie est une mesure prise par le Conseil National de la Résistance. Elle vise à créer un service publique en matière énergétique. EDF, en tant que producteur et distributeur national d’électricité, est l’un des artisans du développement du nucléaire civil en France.

[5Le premier essai de bombe nucléaire française a lieu le 13 février 1960 à Reggane dans le désert algérien. Le premier essai de bombe thermonucléaire française (dite bombe H) a lieu le 24 août 1968 au dessus de l’atoll de Fangafutuna en polynésie française.

[6Le premier est construit à Saclay en 1952. Aujourd’hui, le CEA compte 10 centres de recherche atomique.

[7En 1973 est créé la Société française d’énergie nucléaire, une association dont l’objectif est de produire et de diffuser de la connaissance sur les sciences et techniques du nucléaire. En d’autres termes, il s’agit de développer une « culture du nucléaire ».

[8En septembre 1957, un accident a lieu dans le complexe nucléaire militaire de Kychtym en Union Soviétique. 10 000 personnes ont été évacué de la zone L’Union Soviétique n’a pas communiqué officiellement sur cette accident. Mais des chercheurs estiment aujourd’hui qu’environ 200 personnes sont mortes des suites de leur exposition aux radiations.
« The Southern Urals radiation studies. A reappraisal of the current status », Journal Radiation and Environmental Biophysics, vol. 41, 2002 »
En octobre 1957, un incendie se déclare dans un centre militaire de production de plutonium à Windscale en Écosse. Par mesure sanitaire, le gouvernement anglais décide de détruire le lait produit dans un rayon de 500km2 autour de la centrale.

[9Organisation des pays exportateurs de pétroles.

[10Guerre qui oppose, du 6 octobre au 24 octobre 1973, une coalition de pays arabes menées par la Syrie et l’Egypte, à Israël.

[11« En avril 1958, l’ACNV et les organisations Pax-Christi, Emmaüs, le Mouvement International de la Réconciliation, le Mouvement de la Paix, réunies à Bollène (Vaucluse) mènent une action contre l’usine de fabrication de la bombe (Marcoule). Le sitting dans la centrale finit par l’intervention brutale des CRS et le fichage des protestataires. »

[12« l’appel de Stockholm » est une pétition lancée le 19 mars 1950 par le Mouvement mondial des partisans de la paix présidé par Frédéric Joliot-Curie. Elle s’oppose à l’utilisation au développement de l’armement nucléaire. De nombreux intellectuels, scientifiques et artistes, pour la plupart proche du parti communiste, sont signataires de cet appel. On y trouve par exemple Pablo Picasso, Louis Aragon, Marcel Carné ou encore Marc Chagall.

[13Publié en février 1975, cet appel regroupe des scientifiques opposés au programme nucléaire français. Il donne naissance au Groupement des scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire.

[1414. Le 3 mai 1975, une attaque explosive provoque d’importants dégâts au réacteur de la future centrale de Fessenheim, retardant sa mise en service de 10 mois. Cette action est revendiquée par le Commando Puig Antiche-Ulrich Meinhof, du nom d’un révolutionnaire anti-franquiste exécuté en par l’État espagnol en 1974 et d’une révolutionnaire allemande membre de la Fraction armée rouge emprisonnée en Allemagne. Il s’agit de la première attaque contre une infrastructure nucléaire. La plupart des organisations écologistes condamnent cet attentat.
Voici le communiqué de revendication : « La centrale de Fessenheim devait fonctionner en octobre. Nous revendiquons son sabotage. Nous espérons retarder ainsi au maximum ou à jamais sa mise en route. Nous avons pris toute précaution possible pour que ne soit menacé nulle vie humaine. Nous refusons d’entrer dans la polémique des POUR et des CONTRE, équivalent à nos yeux à du cinéma. Nous ne faisons aucune confiance à ceux qui ont permis que le taux de mercure des eaux du Rhin égale aujourd’hui celui des eaux de Minamata. La fonction du scientifique, à savoir le spécialiste de la connaissance, doit maintenant disparaître. Le maintien du salariat lui même est devenu le non-sens meurtrier par excellence. Nous n’avons pas plus besoin de centrales nucléaires que de produire tous les jours des gadgets à la chaîne. Nous appelons ceux qui nous approuvent à en faire autant. »

[1515. En 1974 en pleine campagne présidentielle, Valéry Giscard-d’Estaing déclare que « les centrales nucléaires ne seront pas imposées aux populations qui les refusent. » L’année suivante, il met en place le « plan Messmer » sans solliciter les populations locales.
Lors de la campagne électorale pour les élections présidentielles de 1981, François Mitterrand promet « un grand débat démocratique sur le nucléaire », il s’engage à bloquer la construction des centrales nucléaires et à organiser un moratoire national. Une fois élu, la construction des centrales nucléaires reprend au bout de six mois et les députés se prononcent en majorité pour la poursuite du nucléaire lors d’une consultation à l’Assemblée nationale. Seul le site de Plogoff est définitivement abandonné.

[16En 1980 et 1981 la lutte menée par la population locale contre l’implantation d’une centrale nucléaire à Plogoff est massive et radicale. Le 25 mai 1980, une manifestation antinucléaire réunie 100 000 personnes dans ce petit village de Bretagne. Une fois au pouvoir, Mitterrand abandonne la construction de la centrale nucléaire de Plogoff. Ce sera la seule.

[17Le Mouvement ibérique de libération est une organisation révolutionnaire regroupant des révolutionnaires français et espagnols. Sa période d’activité s’étend de 1971 à 1973 et a pour théâtre la Catalogne et le Sud-Ouest de la France.

[18Groupes d’action révolutionnaires internationalistes, actif en 1974.

[19Organisation indépendantiste basque crée en 1959. Une des actions les plus spectaculaires menée par ETA au cours de cette période est l’attentat perpétré en 1973 contre Carrero Blanco, président du gouvernement espagnol et successeur potentiel de Franco.

[20Le vice président du conseil régional et membre du PCF, Claude Llabres justifie cette position par le fait que l’industrie de Midi-Pyrénées est « à la limite de la catastrophe au point de vue des ressources énergétiques ».

[21Voici un extrait du communiqué de revendication : « Notre camarade François Mitterrand qui vient d’être élu président de la République s’est montré à plusieurs reprises favorable à l’adoption d’un moratoire sur le problème de l’énergie nucléaire et sur l’abandon pur et simple des projets Plogoff, Chooz et Golfech. Soucieux de lui apporter notre plus fervent soutien, nous nous sommes dépêchés à Auvillar afin d’immobiliser sans plus tarder 13 scrappers et caterpillars destinés à l’assainissement du site de l’éventuelle centrale de Golfech. »

[22Nous distinguons ici les positions des dirigeants du parti qui dictent les grandes lignes du parti, et celles des élus locaux qui peuvent ponctuellement s’opposer au nucléaire, comme à Golfech.

[23« Mais si on veut analyser plus à fond les raisons de cet éloignement, on doit ajouter quelque chose d’autre, de bien plus important. A partir de 1980, une espèce de « politique de l’écologie » a commencé à prendre pied, et tous les groupes écologistes qui étaient à l’intérieur des comités antinucléaires se sont orientés vers la politique. A l’époque, il existait déjà l’équivalent du parti des Verts, créé par un écologiste de droite, qui deviendra plus tard ministre de Mitterrand. C’est vrai, la lutte s’éteignait petit à petit, mais ce tournant à l’intérieur des comités antinucléaires a contribué à démoraliser encore plus les gens et à éteindre l’espoir de vaincre. En dernière analyse, la répression a beaucoup joué, mais les gens se sont avant tout démoralisés parce qu’ils ne croyaient plus pouvoir gagner la lutte. » Extrait du témoignage d’un ancien militant antinucléaire de la région, in La canaille à Golfech, fragments d’une lutte antinucléaire (1977-1984), Mutines séditions, collection A couteaux tirés, mars 2013, page 55.

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  • 27 février 2017

    Concernant les motivations qui ont mené les pouvoirs politiques à développer l’énergie nucléaire, on peut citer les nombreuses grèves qui ont eu lieu dans les mines de charbon au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le fait d’avoir une autre source d’énergie, produite de façon centralisée et avec peu de salariés, devait offrir la possibilité de désamorcer la contestation sociale menée par les mineurs.

  • 27 février 2017

    En complément : derrière le mythe de la "souveraineté énergétique" de la France se cache aussi l’exploitation de l’uranium africain. La France est en fait "dépendante" de cette exploitation coloniale puis néo-coloniale. Cf. http://survie.org/publications/les-dossiers-noirs/article/areva-en-afrique-4104

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