Ecofascisme : la rhétorique du virus (théorie et analyse)

Le 10 octobre dernier sur Toulouse, le service d’ordre de la « manif pour tous » a posé devant une banderole. Mais son slogan n’est pas du tout anodin. Théorie et analyse.

Ce slogan est le titre du livre fondateur de la pensée écofasciste.

Avec la crise du COVID-19, on à pu voir une importante montée de la mouvance écofasciste dans les groupuscules organisés d’extrême droite. Pour expliquer l’origine de ce mouvement et comprendre ces contradictions nous vous proposons l’article ci-dessous paru dans « Organise ! » magasine mensuel de la Fédération Anarchiste Anglaise, traduit par nos soins.

Ecofascisme : la rhétorique du virus (théorie et analyse)

L’histoire de l’écofascisme est assez obscure, mais son origine remonte au mouvement eugéniste, qui lui préexiste et se mêle à une sorte d’affreux déguisement écologiste visant à justifier ses éléments meurtriers. Les écofascistes sont plus ou moins les personnes que Murray Bookchin décrit comme « de soi-disant écologistes profonds qui pensent que les peuples du Tiers Monde peuvent bien mourir de faim et que les immigrants Natifs-Américains en provenance d’Amérique latine peuvent bien être refoulés par la police aux frontières américaines, à moins qu’ils ne portent le fardeau de « nos » ressources écologiques. » Malgré de grands efforts pour maquiller le mouvement, souvent par des appels vibrants au caractère sacré de la nature, à la beauté du monde naturel et à la hideur de la pollution industrielle, les racines de ce mouvement restent indéniables ; l’écofascisme est par essence l’idée que le Monde est malade, et que la maladie est l’humanité. C’est pourquoi l’écofascisme proclame que nous devons faire notre possible pour éliminer autant de gens que possible – ou au moins accepter leur mort – afin que le Monde « guérisse ».

Il serait négligent de ma part d’aborder ce sujet sans mentionner brièvement Thomas Malthus, penseur anglais du XIXe siècle qui argua que « le potentiel de peuplement est tellement supérieur à la capacité de la Terre à produire la subsistance de l’Homme, qu’une fin prématurée attend, sous une forme ou sous une autre, l’espèce humaine. » Ainsi, il avança qu’il y avait trop de gens (ou au moins qu’il y aurait un jour trop de gens) par rapport aux ressources disponibles, ce qui causerait inéluctablement un danger pour l’humanité. La thèse de Malthus, si on la résume à ses éléments fondamentaux, était que la Terre ne pouvait supporter qu’un nombre limité d’individus et qu’il fallait mettre en place une limite quant au nombre de personnes autorisées à vivre. Son Essai sur le principe de population n’est pas le premier écrit eugéniste, mais fait certainement partie de ceux qui ont le plus contribué à populariser ces perspectives. Le point focal de cet essai était que nous ne devrions pas chercher de remède aux maladies, ni de frein à la famine, que nous devrions encourager les pauvres à vivre entassés dans des environnements insalubres et peut-être même « chercher à ramener la peste ». Les absurdités de Malthus suscitèrent une réponse du proto-anarchiste anglais William Godwin, dont le long Traité des populations s’ouvre sur l’affirmation que la théorie de Malthus est « de toute évidence sans aucun fondement ».

Pourquoi écrire sur ce sujet ? Pourquoi écrire sur ce sujet maintenant, du moins ; ne sommes-nous pas en pleine pandémie ? Ne devrais-je pas m’abstenir ? La réponse est simple, quoique sournoise de pureté ; tandis que le monde est encore plongé dans une nouvelle forme de bouleversement en raison du déclenchement et de la diffusion globale du COVID-19, on a pu voir une semblable montée de l’opportunisme destiné en premier lieu à tirer avantage de la peur et de l’inquiétude. De tous les opportunistes, de tous les prédateurs de la peur, l’une des factions les plus importantes a toujours été l’extrême-droite et plus précisément, le mouvement écofasciste. Les réseaux sociaux ont accentué cela, puisque les messages peuvent être diffusés de façon très large à grande vitesse et qu’il suffit d’un partage pour qu’un élément de propagande bien conçu se répande d’un groupe de personnes à une population beaucoup plus importante, qui participera à sa propagation sans pour autant être profondément convaincue par ses fondements. Il est facile pour quelqu’un de se retrouver à partager des idées fascistes sans vraiment le vouloir – mais nous y reviendrons.

Affiche écofasciste titrant "Les arbres avant les réfugiés" : le symbole en bas à droite est la rune d’Algiz utilisée entre autre par les SS pour le programme eugénique du Lebensborn.

L’une des racines les plus pernicieuses de l’écofascisme se trouve dans son prédécesseur, le mouvement eugéniste. Bien que les différences entre les deux soient notables, leurs similarités se trouvent dans leurs tactiques plus que dans leur esprit ; les eugénistes cherchent à sacrifier certains groupes d’individus sur l’autel de la supériorité génétique qu’ils imaginent, arguant que l’existence de tel ou tel groupe constitue une dégénérescence de l’espèce. Les écofascistes cherchent à sacrifier certains groupes d’individus sur l’autel de l’environnement, arguant que l’existence de tel ou tel groupe est une cause majeure du désastre écologique. Pour en revenir à Bookchin, on ne peut ignorer que les groupes dont il est question sont presque toujours les mêmes, dans un cas comme dans l’autre : les personnes pauvres, racisées, handicapées.

Le COVID-19 a amené une bonne partie de cette conversation dans la sphère publique. Alors qu’il est généralement considéré de mauvais goût – à raison – de parler d’infections, de maladies ou de plaies pour faire référence à des groupes de personnes, il semble y avoir une certaine indulgence lorsque le groupe en question n’est pas spécifié. Si on parle de l’humanité en général, ça passe, comme si le flou donnait une immunité éthique. Il est relativement courant aujourd’hui de tomber sur un nouveau tweet viral, aux dizaines de milliers de likes, exposant les eaux claires des canaux de Venise ou un cerf sauvage se baladant sous les néons des centres-villes japonais, et déclarant que la Terre guérit ; les cieux dépollués de Californie sont scrutés avec intérêt – peut-être étions-nous le vrai virus depuis le début ?

Aussi étrange qu’il y paraisse, les réflexions de ce type sont devenues de plus en plus banales au fil des semaines, et les preuves que la nature « reconquiert » des zones autrefois peuplées commencent à s’accumuler. Inutile de dire que plus d’un élément de l’idéologie écofasciste marine dans les sous-entendus de cette question ; lorsque quelqu’un se demande si l’humanité est le « vrai virus », il met en place un système dans lequel la Terre est une entité et l’humanité un problème à résoudre. La solution proposée est rarement exprimée directement, mais ce n’est pas nécessaire car la réponse est dans la question ; on se soigne d’un virus en l’éliminant. Sous l’émerveillement de voir un ours sauvage déambuler sur les pavés italiens, se cache la croyance que le monde se porterait mieux sans nous. Ou, plus exactement, que le monde se porterait mieux sans certains d’entre nous, tout en laissant le subconscient de chacun juger qui ces certains devraient être. Qui que cela puisse être, ce sera assurément quelqu’un d’autre.

Nul besoin d’être un génie pour voir la corrélation entre l’idéal écofasciste et la logique sous-jacente de ce raisonnement.

Il est capital de noter ceci : malgré le fait que les écofascistes partagent beaucoup des implications de la rhétorique « les humains sont le vrai virus », cela ne signifie pas que tous ceux qui ont répandu ou internalisé cette rhétorique sont nécessairement fascistes eux-mêmes. Il peut être difficile de faire la part des choses, tout particulièrement quand tant de choses se passent aussi vite. Les médias modernes aggravent cette difficulté en bombardant la population d’un déluge d’absurdités à peine compréhensibles, composé tout à la fois de simples conjectures, de mensonges éhontés, de déformations et de propagande gouvernementale. Le caractère intuitif des idées de base de l’écofascisme les rend simples à comprendre. Pour un individu qui manquerait d’esprit critique mais qui chercherait des réponses, il peut être facile d’adopter des éléments de cette pensée – cela implique que même des gens qui répugneraient ostensiblement à l’idée de débattre ouvertement d’un génocide, comme les libéraux ou les sociaux-démocrates, peuvent adopter et propager ce mème auto-viral sans réaliser vraiment la dangerosité sous-jacente du concept. Quelle est l’astuce ? Comment une idée aussi horrible peut-elle devenir si naturelle que même des individus relativement fréquentables peuvent la répandre et accepter sa logique de base ?

Symbole fréquemment utilisé dans la mouvance écofasciste.

Pour le dire simplement, il y a ici une sorte d’arnaque rhétorique, un leurre. On nous répète à longueur de journée que ces exemples de régénération écologique sont le résultat d’une retraite des êtres humains sur le monde ; plus il y a de gens en quarantaine ou confinés, moins il y en a pour causer des dommages environnementaux. À première vue, cela semble avoir du sens ; le fait que cette formulation ne soit pas immédiatement et évidemment un non-sens constitue l’hameçon utilisé par les écofascistes pour attraper le libéral le mieux intentionné. L’astuce est de réaliser que le changement principal n’est pas du tout la présence humaine – le nombre de victimes du COVID-19 est en hausse, ce qui est à la fois tragique et politiquement révoltant, mais le virus n’a pas encore tué les millions, voire les milliards de personnes nécessaires à ce qu’on puisse attribuer le changement à une baisse de la population. Le fait est qu’il y a quasiment autant d’humains sur Terre qu’il y a quelques mois : c’est le comportement de ces humains qui s’est modifié, c’est-à-dire, dans une certaine mesure, nos modes d’organisation sociale.

Les éléments de langage des écofascistes affirment que les humains sont le problème, et que depuis qu’ils sont confinés – autrement dit, retirés du système – on constate une régénération écologique. Une analyse aussi individualiste et atomisée empêche une approche systémique, plus importante que jamais ; le vrai problème est le capitalisme, et c’est grâce aux interruptions et aux vacillements de celui-ci qu’une régénération a pu se produire. Profondément ancrée dans le langage de l’extrême-droite, l’attribution des pires éléments du capitalisme à la simple existence des êtres humains constitue une arme à double-tranchant.

Tout d’abord, cela leur permet de déverser leur venin sur les individus. La question du choix desdits individus est bien sûr déjà résolue : en l’occurrence, le virus a déjà été racialisé par la droite en tant que « virus chinois », une formulation horrible qui a amené une hausse du racisme anti-Chinois et (comme on peut le constater en lisant la une de plusieurs grands journaux) un désir de châtiment. S’en sont suivis des débats dans les milieux supposément de gauche et libéraux : un recueil d’essais publié récemment par l’initiative éditoriale ASPO porte le titre Sopa de Wuhan, « Soupe de Wuhan » et contient des textes écrits par le casting habituel des penseurs de gauche et libéraux : Slavoj Žižek y fait une apparition, aux côtés de Georgio Agamben, Judith Butler, David Harvey et Franco Berardi. Deuxièmement, cela leur permet d’insinuer une connexion entre les deux ; de faire le lien entre l’existence du capitalisme et l’existence d’individus, et de les associer idéologiquement ; de présenter le capitalisme comme intrinsèquement humain et ainsi inévitable, inéluctable.

Autre exemple de visuel écofasciste, ici les masques tête de mort sont un clin d’oeil au groupe terroriste nazi Atomwaffen Division. Tout ces membres ont depuis été démasqués et arrêtes.

On dit depuis longtemps que l’un des pires élans du capitalisme, et celui qui détermine le plus son espérance de vie, est celui qui requiert une croissance et une expansion continuelles. Le capitalisme, et c’est un euphémisme, est cupide et exige toujours davantage ; plus de production, de plus grands marchés, plus d’usines, plus de profit, et par là même plus d’extraction, plus de gaspillage, plus de carburant, etc. Cette tendance est laissée entre les mains de gouvernements et d’entreprises qui y cèdent aussi souvent et aussi gratuitement que possible. Le COVID-19 est un virus, il ne doit rien au capitalisme, et par conséquent il n’a que faire que sa prolifération lui mette des bâtons dans les roues. Les gens se confinent, la quantité de travail accompli diminue ; « on ne saisit pas bien dans quelle mesure l’humanité en pâtirait si soudainement disparaissaient les investisseurs en capital, les lobbyistes, les chargés de relations publiques, les actuaires, les spécialistes en télémarketing, les huissiers et autres conseillers juridiques », écrit David Graeber dans son ouvrage Bullshit Jobs, et le confinement généralisé à répondu à cette question tacite : l’humanité n’en pâtirait pas. Ces métiers sont complètement superflus et l’on pourrait parfaitement s’en passer ; une bonne partie du travail effectué mondialement a pour seul but de garder les gens occupés, et il est devenu clair comme de l’eau de roche que cette occupation ne fait pas de bien à la majorité des gens.

Mieux encore, avec le confinement et la fermeture de tant de lieux de travail, le nombre de voitures sur les routes chute, la quantité de carburant consommé chute, ce qui résulte en un rebond écologique. Mais nous savons tous, et les anarchistes soutiennent cette idée depuis longtemps, que personne n’a besoin de mourir pour que ce genre de choses se produise. La constatation que le monde a commencé à « guérir » depuis le début du confinement serait prématurée – on ne « répare » pas l’environnement en quelques semaines – mais il est difficile de ne pas admettre qu’un air manifestement plus pur ne fait pas au moins un peu de bien. Il serait tout à fait imaginable de se passer des millions de voitures qui sont chaque jour sur les routes et de les remplacer par de meilleures formes de transports en commun, qui serviraient à plus de gens et réduirait grandement les dommages environnementaux. L’abolition de métiers absurdes et la restructuration du transports ne sont que deux exemples d’améliorations de nos vies qui soient à la fois réalistes et faciles à mettre en place ; nous avons simplement besoin de réorganiser notre société.

Il y a un peu plus de 10 ans, l’écrivain, théoricien et critique musical britannique Mark Fisher publia le désormais classique Le Réalisme capitaliste, une tentative de diagnostiquer et décrypter l’environnement culturel du capitalisme moderne et de commencer à envisager des moyens d’échapper à son emprise. Pour résumer une histoire déjà courte – Le Réalisme capitaliste est un très bref ouvrage – Fisher avance l’idée que la perception du capitalisme a fusionné avec la « réalité » de telle sorte qu’il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme ; que le capitalisme est « la seule option possible ». Il énonce également que l’une des meilleures manières de montrer à quel point ce type d’organisation sociale est artificielle et potentiellement transformable consiste à regarder les crises flagrantes qui déchirent le voile du réalisme capitaliste. Fisher a choisi, en 2009, de prendre pour exemple les problèmes de santé mentale, la bureaucratie et la catastrophe environnementale à venir. Aujourd’hui, ces menaces sont encore plus graves, les questions de santé mentale ayant été largement ignorées, et les horreurs apocalyptiques du changement climatique pesant sur nous avec toujours plus de rage. Il est désormais chose commune de voir les statistiques démontrer que de grands pans de la population souffrent de dépression, d’anxiété et d’une foule d’autres troubles. De la même manière, il n’est pas inhabituel d’allumer le journal télévisé ou (plus probablement) d’ouvrir Twitter et de découvrir qu’un nouveau feu de forêt a encore ravagé un pays ou un autre, ne laissant que des forêts fumantes et des cadavres encore chauds.

Toutefois, nous pouvons encore ajouter un autre exemple à la liste des choses qui soulèvent le voile et exposent les rouages à l’œuvre en coulisses : le COVID-19 a prouvé qu’une pandémie pouvait avoir les mêmes effets qu’un feu de forêt. Tout à coup, un mode de vie supposément irremplaçable est mis de côté ; des emplois prétendument vitaux perdent tout leur sens tandis que les open-spaces et les bureaux de direction sont abandonnés et que de très nombreux travailleurs perdent leur emploi ou commencent à travailler depuis chez eux – des travailleurs qui étaient jusqu’ici traités en boucs émissaires ou ignorés et méprisés au titre de subalternes ou de professions non-qualifiées sont désormais des « travailleurs essentiels » sans qui aucun pays ne pourrait tenir. C’est, bien entendu, le message que les anarchistes et la gauche en général soutiennent depuis plus d’un siècle ; une grande partie du travail que nous faisons est inutile, et une grande partie du travail utile est rabaissé et sous-payé.

La couverture du manifeste écrit par l’auteur du massacre de Christchurch le 15 Mars 2019 en Nouvelle-Zélande, qui fit 51 morts et 49 blessés. Dedans l’écofasciste y est présenté comme un pilier de sa pensée et une des raisons de son passage à l’acte. On notera le symbole ésotérique nazi du « soleil noir » en son centre.

Vu sous cet angle, il devient évident que le cadre écofasciste dans lequel tout humain fait partie d’une maladie planétaire est vicié depuis le début. De la même manière, la version diluée de leur discours – celle qui se trouve largement diffusée, majoritairement par des personnes de bonne foi – est basée sur une confusion entre un système social et les individus qui le composent. L’épidémie de COVID-19 a, pour en revenir à Mark Fisher, balayé la plupart des affirmations selon lesquelles il n’y aurait aucune alternative à notre système actuel, en révélant toutes sortes de « fractures et contradictions dans le champ de l’apparente réalité » qui rendent sa contingence et sa fragilité encore plus évidentes. Quoi que le gouvernement et le consensus populaire nous incitent à penser, il est impossible de voir ainsi un monde où la main d’œuvre chute aussi drastiquement sans affecter aucun service essentiel, et ne pas imaginer que les choses pourraient fonctionner différemment.

La droite et l’État ont bien sûr déjà tiré avantage de cela ; les opportunistes, dont nous parlions plus haut, sont à la pointe dans ce genre de situations. Partout dans le monde, les gouvernements ont saisi l’occasion pour augmenter les pouvoirs de la police, imposer des mesures de confinement et des sanctions pour les personnes qui sortiraient trop souvent ; la Hongrie a déjà réussi à basculer dans la dictature pure et simple, en utilisant la pandémie comme accélérateur de l’ardeur fanatique d’Orbán. Tandis que les discours politiques se modifient en surface, entraînés par le séisme qui vient de dévoiler les fissures de plusieurs décennies de néo-libéralisme, la droite tente par tous les moyens d’atteindre ses propres objectifs ; la gauche devrait faire la même chose. Elle a indéniablement commencé – plusieurs grèves de loyers ont éclatés dans différents pays ; les employés de General Electric ont exigé que leurs entreprises se reconvertissent dans la fabrication de ventilateurs, et des réseaux d’entraide ont émergé par centaines. Celles et ceux qui ne s’intéressaient pas à la politique se sont rendu compte que la politique s’intéressait de près à eux, et la mainmise déjà affaiblie qu’avait le centre sur le discours dominant s’est encore réduite.

On ne peut, cependant, se permettre de croire qu’une crise, accompagnée d’une petite grève des loyers, mettra fin au capitalisme ou à l’État. Si ces systèmes ont une qualité, c’est en ce qu’ils ont démontré une remarquable ténacité et une capacité à survivre à presque n’importe quelle catastrophe. Les anarchistes ne peuvent pas attendre de l’État qu’il s’effondre sous le poids de ses propres faiblesses ; il faudra l’abattre. Les réseaux d’entraide sont un fantastique point de départ, bien que beaucoup aient dû affronter des dysfonctionnements internes en raison de partis politiques cherchant à en faire des structures hiérarchiques. La solidarité ouvrière grondant pendant les grèves, le retour de bâton envers les propriétaires fonciers, sont aussi d’excellents débuts. Mais le véritable changement ne se met pas en marche après quelques bons augures ; il nécessite une opposition croissante et continue à l’État. Le COVID-19 a déchiré le voile du réalisme capitaliste ; ce que nous savions depuis longtemps – que les choses pourraient être différentes – est désormais largement connu de ceux dont la vie a basculé suite à cette pandémie. Les anarchistes et le reste de la gauche ne peuvent laisser des pistes inexplorées, ni prendre le risque de les voir récupérées par la droite, y compris en ce qui concerne l’écologie.

Depuis des années, la catastrophe écologique a été l’un des quelques accrocs indépassables de l’hégémonie capitalistes. Depuis des années, cette menace se rapproche, les informations devenant de plus en plus alarmantes ; les scientifiques émettent de sinistres prévisions de fin du monde depuis longtemps, et il y a peu de raisons de douter de leur légitimité. Les dommages du capitalisme sont à portée de vue de n’importe qui. Voir l’état des plages, les interminables étendues de forêts déboisées, les espèces qui disparaissent les unes après les autres ; tout cela est incontestable pour quiconque examine les preuves de bonne foi. Le capitalisme est à un niveau d’auto-contradiction extrême sur le sujet de la durabilité écologique. Pour les écofascistes, ce fut un jeu d’enfant d’associer ces évidences avec le COVID-19 pour aboutir à une forme de pulsion auto-destructrice hippie  ; au coeur du fascisme réside un désir de mort – comme l’écrivit le philosophe français Gilles Deleuze, c’est « une machine de guerre qui n’a plus que la guerre pour objet ». En usurpant le langage des environnementalistes, les écofascistes ont trouvé un moyen de masquer la violence et la misanthropie assumée de leur idéologie, mais ce n’est rien d’autre que cela : un masque. La base du fascisme est « un mouvement de pure destruction », pour en revenir à Deleuze, et toute tentative de faire croire que son but réel est la durabilité écologique est d’une absurdité criante. Le seul véritable environnementalisme est libertaire.

Ce que le mouvement anarchiste doit imposer, à chaque fois que possible, c’est la réalité de la situation : le COVID-19, et la réorganisation de la société qui en découle, n’ont pas prouvé que l’humanité est une malédiction dont il faut se débarrasser ; ils ont prouvé que le capitalisme n’est rien d’autre qu’une série de choix et de structures que nous construisons et renforçons chaque jour, et que ces choix peuvent être faits différemment ; ces structures peuvent être détruites. Revendiquons idéologiquement ce moment et ces apparentes régénérations écologiques, mais revendiquons-les correctement ; s’il y a quelque chose à sacrifier pour la santé de la planète et de ses habitants, c’est le capitalisme.

A propos de l’auteur : Jay Fraser est un anarchiste, poète, philosophe amateur et fan de basketball. On peut le trouver sur Twitter, ou dans n’importe quel endroit où il y a du bon café.

Si vous souhaitez en apprendre plus le sujet on recommande :

« Ecofascisme : leçons de l’expérience allemande » de « La Révolution en Charentaises
« Croisance de l’écofascisme » de « Hope Not Hate » (en anglais)

Traduit de l’anglais au français par l’U.A.T depuis l’article paru dans « Organise ! » magasine mensuel de la Fédération Anarchiste Anglaise

P.-S.

A propos de l’U.A.T

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