Good Night, Tech-right : Débrancher l’IA du fascisme
Le 20 janvier, Donald Trump a pris le pouvoir pour la seconde fois lors d’une cérémonie où assistaient des dirigeants d’extrême droite et néofascistes du monde entier [1] et quelques uns des plus riches milliardaires de la tech, notamment les patrons d’Apple, de Google, de Facebook, de TikTok, de X/Tesla et d’Amazon [2]. [3], Donald Trump a déjà annoncé de nouveaux investissements massifs dans l’infrastructure technologique, principalement axés sur l’intelligence artificielle (IA) [4], et pousse à l’expansion des crypto-monnaies [5].
Le début du second mandat de Donald Trump a débuté par un déluge de décrets, conçus pour mettre à l’épreuve les institutions juridiques existantes et la loyauté du parti républicain, tandis qu’il envoie des soldats en exercice à la frontière sud, appelle à mettre fin au droit du sol, qui est inscrite dans le 14e amendement, et exige que ses fidèles d’extrême-droite soient confirmés par le Sénat [6].
Trump veut un pouvoir exécutif extrême, mais plus largement, son programme est directement lié aux intérêts des milliardaires de la tech qui ont déboursé des millions pour le faire entrer à la Maison Blanche. Depuis qu’il a emprunté l’escalator doré, Trump a construit une machine politique en utilisant la colère [7] de ceux qui ont été dévalorisés et appauvris par les politiques néolibérales, en dépeignant les démocrates à la fois comme des gauchistes radicaux et des élites économiques et financières. Pourtant, ce sont ces milliardaires, qui se sont enrichis grâce à ces mêmes politiques, et pour lesquels Trump s’efforce aujourd’hui de mettre en œuvre son programme.
L’ascension de la Tech-Right
Cette « broligarchie » [8] émergente a été marquée par l’évolution constante des élites technologiques vers des idées autoritaires et néo-réactionnaires, représentées par des personnes comme Peter Thiel et Curtis Yarvin, qui rejettent « la démocratie sous toutes ses formes » et appellent à « une forme d’État-Entreprise » [9]. Yarvin, également connu sous le nom de plume de Mencius Moldbug, est un ingénieur en informatique qui propose de transformer les sans-abri en « biodiesel », qui prône une pseudo-science raciste et qui préconise de transformer les États-Unis en monarchie, dirigée bien sûr par un PDG. Yarvin a été cité comme une influence par JD Vance [10], lui-même protégé de Thiel [11]. Elon Musk, qui a travaillé avec Thiel chez PayPal et qui, lors d’une célébration après la récente investiture de Trump, a fait plusieurs saluts nazis à une foule de fans MAGA [12] en adoration, a également une longue histoire de promotion des idéaux et des mouvements autoritaires, nationalistes blancs et néo-fascistes.
Après avoir acheté Twitter en 2022, Musk y a accueilli des néonazis et des influenceurs d’extrême droite, l’a purgé des comptes antifascistes, a embrassé des partis néofascistes comme l’AfD en Allemagne (Musk a récemment pris la parole lors d’un événement de campagne de l’AfD), a attaqué les syndicats [13] et le droit du travail [14], et s’est rallié au soutien des théories du complot antisémite et nationaliste blanc [15]. Des milliardaires de la tech comme Zuckerberg ont également commencé récemment à se rapprocher des idées d’extrême droite [16], tandis que le milliardaire d’Amazon Jeff Bezos s’est acoquiné avec Trump tout en censurant les journalistes qui le critique au Washington Post [17], dont il est le propriétaire.
Mais soutenir Trump lors des élections de 2024 n’est pas la première incursion des élites technologiques dans la politique de droite. Dans la baie de Californie, des capitalistes de la tech de droite ont récemment contribué à l’élaboration et au lancement de campagnes aux côtés des « élites traditionnelles du monde des affaires et de l’immobilier dans le but d’évincer certains de ses dirigeants les plus progressistes et d’annuler ses politiques les plus progressistes ». En utilisant un réseau d’organisations AstroTurf [18], comme l’a rapporté Mission Local [19] :
Les groupes de pression [20] soutenus par des milliardaires se sont multipliés à San Francisco, accablant les progressistes de fléaux urbains, des rues infestées de drogue à la construction sclérosée de logements. L’un d’entre eux se démarque nettement des autres.
Neighbors for a Better San Francisco Advocacy, le groupe lancé en 2020 et soutenu en grande partie par l’argent de l’immobilier et de la technologie, est devenu en peu de temps l’organisation la mieux financée et la plus dépensière de la politique de San Francisco.
Il a fourni la majorité des fonds nécessaires à la révocation du procureur Chesa Boudin en 2022, et a été le principal bailleur de fonds pour la révocation des conseils scolaires la même année. Neighbors a représenté à lui seul plus d’un dollar sur 10 dépensés dans les campagnes politiques de San Francisco entre 2020 et 2024 - au moins 8,7 millions de dollars sur un total de 80,3 millions de dollars, selon une analyse des données sur le financement des campagnes.
Le groupe, un organisme à but non lucratif de « protection sociale » fondé par deux lobbyistes de l’immobilier et soutenu par des méga-donateurs républicains, dépense presque exclusivement pour des causes liées à la loi et à l’ordre, soutenant des politiques et des candidats plus portés sur la répression de la criminalité que sur le logement, les transports en commun ou d’autres questions politiques.
Si le groupe s’est d’abord concentré sur les courses au poste de superviseur, il s’est rapidement développé et a réussi à canaliser des millions de dollars pour révoquer le procureur, annuler les réformes de la justice pénale, lutter contre les alternatives à l’incarcération et renforcer le département de la police.
À San Francisco, les élites technologiques ont fabriqué et armé la haine des sans-logis [21] pour faire passer des attaques contre les politiques progressistes et les élus, en faisant reculer les réformes de la justice pénale et en promouvant un retour à la « loi et l’ordre » de l’époque de la guerre de la drogue, ce qui a contribué à accélérer l’embourgeoisement et le déplacement dans la région de la baie. Cette adhésion à des politiques réactionnaires dans un bastion progressiste de la Californie reflète le soutien croissant de nombreux milliardaires de la technologie à Trump, qui est motivé en partie par l’idéologie mais centré sur des intérêts de classe partagés. Comme l’a écrit le Green European Journal [22] :
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles la droite technologique est plus active et plus visible politiquement aujourd’hui que lors des précédentes élections américaines. Tout d’abord, le groupe a trouvé un leadership politique qui s’est empressé d’adopter ses priorités sur des questions telles que l’IA et la crypto (la plateforme du parti républicain de 2024 comprend des plans de déréglementation de ces deux industries [23])... Le secteur technologique américain est confronté à une concurrence plus directe de la part des entreprises chinoises, ce qui a contribué à créer un environnement d’investissement différent, avec des taux d’intérêt plus élevés. Les priorités ont également changé et les investisseurs en capital-risque investissent désormais davantage dans des entreprises de défense telles qu’Anduril, le fabricant d’armes soutenu par l’entrepreneur milliardaire Peter Thiel. Les contrats gouvernementaux, en particulier dans les domaines de la défense et de la sécurité des frontières, constituent une source de revenus stable. L’évolution des relations entre la Silicon Valley et le gouvernement américain s’accompagne d’une modification des priorités de la classe des investisseurs.
Le bloc émergent des oligarques de la tech, qui considéraient l’administration Biden comme trop attachée à la réglementation et à la concurrence au sein du marché capitaliste, voit en Trump un instrument qui réduira les réglementations et les impôts, récompensant les entreprises technologiques par des contrats gouvernementaux lucratifs, d’autant plus que Musk s’efforce de réduire les dépenses de l’État et de s’orienter vers la privatisation [24]. La volonté de Trump de « forer, bébé, forer » est également au cœur de leur projet de stimuler l’infrastructure de l’IA, car l’IA nécessite d’énormes quantités d’énergie [25] et d’eau [26].
En bref, les technocrates ont acheté et payé la présidence de Trump [27], et ils ont l’intention de tirer profit de tout : de l’expansion de la production d’IA, des lois qui favorisent leurs entreprises et les protègent des réglementations, jusqu’aux profits tirés de la détention de masse, de la surveillance et de la guerre. Et bébé, les affaires vont bien.
Trump et la Tech-Right
Ce processus a déjà commencé, puisque Trump a annoncé un accord de 500 milliards de dollars [28] (principalement pour des centres de données et des centrales électriques [29]) avec OpenAI, une décision qui a également provoqué des tensions au sein de l’élite technologique [30], Musk ayant commencé à dénigrer OpenAI, qu’il a contribué à cofonder, et son PDG, Sam Altman, le créateur de ChatGPT. À la frontière, des entreprises comme Palantir, « cofondée par le milliardaire Peter Thiel, a reçu plus d’un milliard de dollars au cours des quatre dernières années » et joue un rôle central dans la fourniture de technologie à l’ICE [31]. Pendant ce temps, au Pentagone, « Palantir et Anduril, deux acteurs majeurs des technologies de défense, sont en pourparlers avec SpaceX, OpenAI, Scale AI et Saronic pour former un puissant consortium visant à remodeler la façon dont le gouvernement américain se procure des technologies militaires », en favorisant les « technologies de défense » basées sur l’IA. Pour l’élite milliardaire, l’avenir s’annonce radieux [32], « car les investisseurs en capital-risque parient sur l’augmentation des dépenses fédérales en matière de sécurité nationale, d’immigration et d’exploration spatiale ».
Et pendant que les cochons de guerre mangent à leur faim, les entreprises de réseaux sociaux travaillent dur pour fournir au public du pain et du cirque. Twitter (même s’il peine à faire rentrer de l’argent) reste une plateforme de désinformation de masse de la droite, tandis que Facebook et Instagram, propriété de Zuckerberg, ont fait marche arrière sur le fact-checking [33] tout en censurant des messages sur les pilules abortives [34] après l’investiture de Donald Trump, s’appuyant sur des années de mise à l’écart des anarchistes et des antifascistes [35], de réduction au silence des contenus pro-palestiniens [36] et de promotion des théories conspirationnistes d’extrême droite [37].
Précisons qu’une autre partie de la coalition Trump, représentée par des nationalistes blancs comme Laura Loomer et des néo-fascistes comme Steve Bannon, s’est publiquement brouillée avec Elon Musk, critiquant docilement l’élite technologique pour vouloir créer un « techno-féodalisme » [38]. Malgré ces attaques, il est clair que ces aboiements n’ont pas beaucoup de poids, puisque Musk a fait taire ses détracteurs d’extrême droite comme Loomer sur Twitter et s’est déjà installé à la Maison Blanche (bien que Susie Wiles semble l’avoir exclu pour l’instant [39]). Les paroles de Bannon sonnent également creuses, puisqu’il a déclaré qu’il espérait utiliser l’immense richesse de Musk pour gagner des campagnes électorales pour des partis néo-fascistes à travers l’Europe [40] et « inonder la zone » avec de la désinformation. Certains membres de l’extrême droite pourraient se plaindre que certaines de leurs préoccupations idéologiques raciales (comme le soutien de Musk aux visas H-1B - qui permettent aux entreprises technologiques d’hyper-exploiter les travailleurs immigrés) ne s’alignent pas sur les intérêts de classe autoritaires des technocrates, mais en fin de compte, ils savent qui signe leurs chèques.
Les forces idéologiques en jeu au sein de l’élite technologique sont nombreuses [41]], mais il est important d’en faire une critique cohérente et de comprendre ce qui les animent et, plus important encore, l’histoire qu’ils tentent de vendre aux autres membres des cercles d’élite [42]. Comme les libertariens, ils considèrent que la contradiction centrale de la société réside dans les contraintes supposées imposées au capital [43], que ce soit sous la forme de réglementations étatiques, d’impôts ou de revendications des travailleurs dans les syndicats, les grèves ou les mouvements sociaux. Contrairement aux libertariens, cependant, ils veulent utiliser l’État pour garantir l’accès au capital par le biais de contrats et étendre activement le pouvoir répressif de l’État sécuritaire. Comme l’Alt-Right [44], ils considèrent cela comme un projet d’élite, mais alors que l’Alt-Right cherchait à atteindre les étudiants de la classe moyenne supérieure qui se destinent à une carrière de membre du personnel du Parti républicain ou à écrire pour Tucker Carlson [45], la Tech-Right souhaite se « libérer » en tant que classe des chaînes supposées de la société moderne, multiculturelle et démocratique. Bien qu’ils puissent adhérer à une vision totalitaire du monde, ils rejettent le fascisme en tant que mouvement de masse parce qu’il n’est pas explicitement pro-capitaliste [46].
Comme les nationalistes blancs, ils considèrent leur projet comme un mouvement antilibéral, antidémocratique et antiégalitaire [47], mais si des penseurs néoréactionnaires comme Yarvin et Nick Land peuvent embrasser une pseudo-science raciste [48], ils veulent en fin de compte que leur dictature imite les structures autoritaires déjà présentes dans la société capitaliste elle-même, et non qu’elle retire le capital des mains des élites pour le faire travailler pour la nation, et encore moins pour le peuple - même pour les Blancs. L’avenir est là, c’est juste que vous n’avez pas été invités.
Comprendre l’évolution du terrain
Il est important de comprendre que Trump est revenu au pouvoir alors que le terrain économique et politique existant est en train de changer radicalement. Comme l’a souligné Jamie Merchant [49] dans The Brooklyn Rail, l’ordre néolibéral touche à sa fin. Après les bouleversements de 2020, la pandémie mondiale et la tentative de coup d’État du 6 janvier, Joe Biden s’est empressé d’injecter de l’argent dans les États républicains [50] dans l’espoir de garantir la paix sociale, et s’est opposé à la puissance et à l’influence croissantes de la Chine par le biais de diverses initiatives de guerre commerciale [51]. Cette réalité s’accompagne d’une nouvelle ruée des pays vers la production d’énergie pour alimenter l’IA [52] (malgré la menace croissante du changement climatique) et d’hostilités croissantes entre les États-Unis et les BRICS [53]. Dans ce contexte, les élites technologiques jettent l’ancien ordre néolibéral par la fenêtre et se rallient à l’extrême droite mondiale. Nous avons de la chance.
Mais comme nous l’avons vu ici aux États-Unis, la coalition Trump est un amalgame de diverses factions : des nationalistes chrétiens qui veulent une théocratie rouge blanche et bleue, aux post-libertariens qui rêvent d’une techno-dystopie. Les nationalistes blancs comme Steven Miller fantasment sur les déportations massives [54] tout en travaillant aux côtés d’oligarques comme Elon Musk, qui lui souhaite que davantage d’immigrés travaillent aux États-Unis grâce aux visas H-1B, tout en encourageant les néo-nazis. Malgré ce bourbier idéologique, ce qui reste clair, c’est que la priorité centrale de l’administration Trump est d’enrichir les élites en réduisant les impôts des riches, en vidant les réglementations et en obtenant des contrats d’entreprise massivement lucratifs. Quelqu’un s’enrichit, mais certainement pas nous.
Mais cette réalité s’accompagne d’une contradiction flagrante : Trump s’est longtemps présenté comme un populiste qui ferait baisser le coût des produits de consommation courante tels que la nourriture, l’énergie et le loyer. Comme l’a souligné le regretté anarchiste David Graeber [55], Trump s’est présenté comme un corporatiste classique, qui a tendu la main aux travailleurs en colère en leur racontant qu’il s’unirait à eux pour lutter contre les élites financières. En réalité, Trump a déjà commencé à revenir sur ses affirmations selon lesquelles il serait en mesure de faire baisser les prix, mais il a également tenté d’ancrer dans l’esprit des gens l’idée que l’augmentation de la production d’énergie entraînerait une baisse des prix pour les classes populaires, en dépit de toutes les données qui prouvent le contraire. En réalité, cette augmentation de la production de combustibles fossiles - de l’aveu même de M. Trump - vise simplement à alimenter de nouveaux centres de données sur l’intelligence artificielle, ce qui entraîne déjà une hausse de la facture d’électricité pour certains. Selon certaines études, les consommateurs pourraient bientôt voir « leurs factures d’électricité augmenter de 70 % [en raison] de la demande énergétique croissante des centres de données d’IA » [56]. Sans oublier que de nombreux économistes ont également averti que les tarifs douaniers proposés par Trump pourraient également entraîner une nouvelle flambée des prix. Le coût des œufs a déjà grimpé en flèche en raison d’une épidémie de grippe aviaire, alors que l’on craint de futures pandémies, le tout sous la surveillance de RFK [57].
Il existe également la possibilité très réelle que la bulle de l’IA puisse tout simplement éclater. Comme l’a récemment souligné Forbes :
Andrei, expert en IA/ML [58] et cofondateur de Technosophics, a été encore plus audacieux dans sa prédiction, notant que la bulle de la Gen AI [59] est sur le point d’éclater. « L’afflux d’argent injecté dans l’IA générative sans retour sur investissement clair a gonflé les attentes à des niveaux insoutenables », a expliqué M. Andrei.
Il a cité le milliardaire américain Tom Siebel, fondateur et PDG de C3.ai, qui aurait déclaré que « le marché surévalue l’IA » et qu’« il y a absolument une bulle », pour illustrer le sentiment de nombreux PDG et experts de la Silicon Valley. Andrei a également noté la résistance croissante des professionnels et du public à l’égard de l’IA, ce qui pourrait contribuer à dégonfler le battage médiatique.
« Il existe un mouvement croissant de personnes ordinaires issues de diverses professions, telles que des écrivains, des artistes, des informaticiens, des ingénieurs et des philosophes, qui ont trouvé un terrain d’entente contre le paradigme de l’IA générative. Cela a sensibilisé la population générale aux problèmes irréconciliables posés par la technologie et au fait qu’elle est imposée aux gens par des milliardaires et leurs organisations », conclut-il.
Au-delà des coûts financiers et environnementaux croissants, l’accélération de la production d’IA signifie également la création de technologies qui, de l’aveu même de leurs créateurs, supprimeront de nombreux emplois, et pas seulement des emplois de cadres. De nombreuses chaînes de restauration rapide travaillent déjà à l’automatisation de leur main-d’œuvre [60] grâce à l’IA [61], depuis les guichets de vente au volant jusqu’à l’intérieur des restaurants [62]. Cette réalité crée un paradoxe : Trump a gagné de justesse en 2024 en exploitant le ressentiment croissant contre le néolibéralisme, un système économique défini par la mondialisation des entreprises et le déclin du niveau de vie. Mais comme l’a écrit Forbes, « [L]a technologie de l’automatisation a été le principal moteur de l’inégalité des revenus aux États-Unis au cours des 40 dernières années... 50 % à 70 % des changements de la structure salariale aux États Unis depuis 1980 peut être attribuée à la baisse des salaires des ouvriers remplacés ou touchés par l’automatisation. » [63] La volonté de Trump d’alimenter la croissance de l’IA ne fera bien sûr qu’accélérer cette réalité. En bref, le fantasme Bannoniste [64] de « l’Amérique d’abord » est tout simplement de la poudre de Perlimpinpin : appelons-le pour ce qu’il est, le néolibéralisme rentre à la niche.
Débrancher la prise
Les pauvres et les travailleur-euse-s sont confronté.es à une multitude de crises : l’accroissement des richesses et des inégalités sociales, la menace croissante du changement climatique et la montée en puissance de l’extrême droite autoritaire. Au lieu d’œuvrer à l’amélioration de l’humanité et de s’attaquer aux inégalités systémiques [65], les milliardaires horrifiés ont fui la montée de la colère contre eux [66], en poussant à la centralisation et au contrôle d’encore plus de richesses et de pouvoir [67], en utilisant comme arme la désinformation, les élections et les systèmes politiques existants. C’est pourquoi des gens comme Elon Musk ont besoin que vous craigniez les immigrés et les personnes trans - parce que les milliardaires veulent vous distraire pendant qu’ils vous volent.
Nous devons prendre conscience du moment dans lequel nous nous trouvons. Nous devons être clairs sur les contradictions et les opportunités que cela crée pour l’organisation et l’intervention potentielles. Nous devons également être déterminés à comprendre que Trump n’améliorera pas la vie des pauvres et des travailleur-euse-s aux États-Unis ; il n’est pas une solution aux problèmes causés par des décennies de néolibéralisme, mais l’accélération des forces capitalistes qui l’ont poussé en avant. En outre, nous devrions nous efforcer de comprendre et d’expliquer aux gens le projet global que Trump et la Tech-Right s’efforcent d’accomplir : le renforcement des capacités de l’IA ne nous apportera pas le moindre avantage. Au contraire, nous devrions souligner les coûts dramatiques de la poursuite du capitalisme industriel et les menaces que représente l’IA en particulier.
Les luttes et les mouvements sociaux du passé nous offrent de nombreuses leçons. Nous serions bien avisés d’étudier les interventions contre la technologie dans les années 2010 par des groupes comme Counterforce dans la région de la baie [68], ainsi que les luttes écologiques de masse comme en Allemagne contre l’expansion de Telsa [69]. Nous pouvons apprendre des protecteurs de l’eau indigènes [70], des mouvements comme Stop Cop City à Atlanta [71], et des Appalaches qui se battent pour stopper les projets d’oléoducs [72], alors que nous travaillons à stopper l’expansion des centres de données d’IA - des luttes [73] qui [74] éclatent [75] déjà un peu partout [76]. Les grèves des travailleurs d’Amazon [77] et des entreprises de restauration rapide peuvent être utilisées pour construire des ponts [78] et unir les campagnes.
Les antifascistes peuvent aider à cartographier les connexions entre les suprémacistes blancs, l’État et la Right-Tech. La lutte pour l’abolition de la police aux frontières (ICE) [79] et le mouvement BDS [80] peuvent nous donner des outils pour nous opposer aux entreprises technologiques qui tirent profit de la guerre, de la surveillance, de la militarisation des frontières et de la détention de masse. Il y a beaucoup de travail à faire, mais nous devons tisser ces luttes ensemble et expliquer à la population dans son ensemble comment elles sont liées [81].
Et comme précédemment, les luttes des communautés locales contre les centres de données d’IA [82] apparaissent déjà dans le paysage social [83] et ne feront qu’augmenter en nombre [84]. Si les gens cherchent un moyen de s’opposer aux oligarques et à leur avenir techno-autoritaire, c’est l’occasion ou jamais. L’année 2025 sera peut-être moins marquée par des affrontements avec des Proud Boys défilant dans les rues que par des communautés locales s’unissant pour stopper les projets d’infrastructure IA.
La Right-Tech est unie, mais moins par ses idéologies réactionnaires éparses que par ses intérêts de classe communs. Ils veulent nous diviser, pensant que nous nous battrons les uns contre les autres pour les miettes qu’ils nous offrent, ou en générant la dernière indignation sur les plateformes de médias sociaux qu’ils contrôlent. Nous devons nous organiser et construire autour de nos intérêts de classe communs, en dépassant les divisions, autour d’objectifs et de luttes communs. Nous voulons des logements pour tous. Nous voulons une planète vivable pour nos enfants. Nous voulons le contrôle de notre travail. Nous voulons abolir les systèmes qui nous détruisent.
Dans les années 1990, des anarchistes, des syndicats, des militant.e.s anti-exploitation et des groupes écologistes ont contribué à mobiliser des milliers de personnes [85] lors de manifestations militantes contre la mondialisation des entreprises, le tout sous la présidence d’un démocrate. En utilisant des réseaux décentralisés, des médias indépendants et des groupes d’affinité, ils ont contribué à créer un mouvement grandissant, ancré dans l’analyse anticapitaliste et l’action directe. Nous l’avons déjà fait, nous pouvons le refaire.
Les oligarques veulent un roi. Offrons-leur plutôt une révolte paysanne.
post scriptum
Traduction d’un article d’It’s Going Down, publié le 26 janvier 2025
Les références en lien ont été remplacées par des équivalents en français quand c’était possible, que ce soit la presse mainstream ou militante.
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