Incroyable retour sur le Carnaval de Toulouse 2017

Après l’annonce de l’annulation du Carnaval de Toulouse dont le défilé devait se dérouler le 25 mars 2017, nous vous proposons en exclusivité un reportage d’anticipation, une enquête inédite par un envoyé spécial de retour du futur, tout ce qu’il y a de plus fiable, parce qu’on a des plans oracles, qu’on a des infos de première main via Twitter, qu’on n’a pas le temps d’attendre que les événements arrivent pour écrire dessus, mais surtout parce qu’on aimerait bien prendre nos rêves pour la réalité. À moins que…

Lundi 27 mars 2017, Toulouse. Il arrive parfois que l’on soit ravi-e de lire La Dépêche du Midi. C’est suffisamment rare pour être souligné, mais ce matin, la Une du canard de la famille Baylet fait vraiment plaisir : « Le Carnaval vire à l’émeute ». Alors bien sûr, quand on commence la lecture des quatre pages que la Dépêche consacre au week-end, on se rend vite compte (sans surprise) qu’on n’a pas la même interprétation de ce qui s’est passé, mais alors pas du tout, sauf que mine de rien, une telle Une, c’est réjouissant. Retour partial sur la sixième édition du très instituionnel Carnaval de Toulouse.

Lorsque l’on raconte une histoire, c’est toujours difficile de revenir au début. Peut-être faudrait-il déjà raconter que, par le passé, dans les villages et les villes le carnaval existait pour mettre en pratique un renversement. C’était le jour où les parias de ce monde se révoltaient contre les puissant-e-s, où le pouvoir était ridiculisé, où tou-te-s les chef-fe-s étaient moqué-e-s en place publique. Puis le temps a passé, les indigeant-e-s sont rentré-e-s dans le rang et le carnaval, sauvage par définition, a peu à peu disparu. Quelques années plus tard, la Culture est devenue un Minisitère et par-là même un produit économique à rationnaliser et on a finit par trouver des Adjoints-à-la-Culture dans toutes les métropoles. Quoi de plus logique alors que d’organiser des grandes fêtes populaires, de celles que les « représentant-e-s du peuple » veulent bien lui laisser, puisque le peuple et ses représentant-e-s, c’est, démocratiquement parlant, la même chose. Le Carnaval de Toulouse est une de ses festivités où toute sauvagerie est malvenue.

« L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule. »
André Breton

Mais peut-être que le début de l’histoire ne remonte pas si loin. L’été passé, à Aurillac, dans le Cantal, lors d’un festival d’arts de rue, l’Etat avait pris cette désagréable décision de mettre en cage les festivalièr-e-s. Dans la ville, des barrières partout et des uniformes pour les protéger. Des fouilles de sac, des contrôles d’identité et toute la panoplie d’humiliation qui va avec dans de pareilles circonstances. Pour voir un spectacle de marionnettes, passez d’abord par la case prison car, et c’est bien connu, la simple vu d’un homme en bleu ralenti et immobilise un 33 tonnes lancé à pleine vitesse dans une foule compacte, à moins qu’elle ne fasse disparaître toute poussée surréaliste. Quoi qu’il en soit, cet été, tout un tas de festivalièr-e-s n’avaient pas vraiment l’air d’être très chaud-e-s pour se laisser mettre en cage et un rendez-vous tourna puis les grilles tombèrent. « Le plus bel art de rue c’est l’émeute » dit alors un tag en forme de revendication.

Il y a un peu moins d’un mois, par voie de presse a été annoncé l’annulation du Carnaval de Toulouse (qui accueille habituellement plus de cent mille personnes) et son remplacement par un ridicule défilé dans ce qui fût la fan-zone de l’Euro 2016, sur les allées Jules Guesde, où la concentration de caméras de vidéo-surveillance est la plus forte de toute la ville. Mais ne nous y trompons pas, en autorisant cela, la mairie et la préfecture faisaient une fleur au COCU (le Comité d’organisation du carnaval unifié) puisqu’ils les avaient invité, mi-février, par lettre, à rechercher « un lieu fermé, comme une école, un gymnase ou tout autre équipement de votre quartier, pour réaliser cette manifestation en toute sécurité ». Autant dire qu’à côté de la proposition initiale, laisser l’accès à la fan-zone, c’est un véritable cadeau, presqu’une offrande au peuple.

Comment tout a basculé

Mais ce que redoutaient Jean-Luc Moudenc et Pascal Mailhos arriva. A force de vouloir faire rentrer tout Toulouse en bouteille (ou plus exactement sur les allées Jules Guesde), la fan-zone déborda vite et les habitant-e-s de la ville commencèrent à s’agglutiner face à elle. Sasha, rencontrée à cette ocassion, témoigne :

Nous, on est venu pour faire carnaval ! On s’en fout des menaces imaginaires d’attentat, je risque aussi bien d’avoir un accident avec une bagnole en rentrant bourrée en vélo ! Et puis, ça va pas la tête ! On va pas se foutre à poil pour pouvoir rentrer dans cette rue pour voir un char brûler... J’m’en fous, je reste devant et je fais la fête avec mes potes. On a tout ce qu’il faut de toutes les façons, ils vont pas nous gâcher la fête avec leurs grilles à la con.

Ce que racontent Sasha et ses ami-e-s, c’est que la surprise fût grande quand ielles sont arrivé-e-s au point de rendez-vous du Carnaval. Ielles s’attendaient à venir faire la fête, pas à devoir passer un dispositif policier digne de l’investiture de Trump.

Puis, sans qu’on ne comprenne vraiment d’où ça vienne, les gens ont commencé à tourner autour de la fan-zone, à crier rageusement qu’ielles voulaient faire la fête librement, que Guantanamo-sur-Garonne, c’était pas leur truc, qu’il y avait pas de fumée sans feu et d’ailleurs qu’à Carnaval, le feu c’est la moindre des choses. Mais les forces de l’ordre présentes n’ont pas apprécié à leur juste valeur l’invitation et ont débuté les provocations en tirant des gaz lacrymogènes et quelques balles en caoutchouc. C’est à ce moment-là que la foule s’est enragée, et comme à Aurillac, les barrières sont tombées puis elle a commencé à déambuler dans la ville.

La suite on la connaît, la rumeur du carnaval s’est vite répandue chez les un-e-s et les autres, débarassée de la pression municipale. La fête, enfin.

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