Début 2021, une première enquête publique avait déjà eu lieu concernant le projet de construction de 615 nouvelles places de prison d’ici 2027. Malgré de nombreuses oppositions recueillies et un avis défavorable donné par le commissaire enquêteur, l’utilité publique de la taule avait quand même été déclarée au cours de l’été 2021. Tout ça n’étant que consultatif, à l’initiative d’un Plan Prison à 15 000 places, c’est l’État qui décide en dernier recours et qui fait bien comme il l’entend. Malgré tout, une seconde enquête publique est actuellement en cours et a pour objectif de permettre d’obtenir une dérogation pour la destruction d’espèces protégées dû au projet. C’est dans ce cadre que la réunion du 3 octobre avait lieu entre les différents commanditaires du projet et les habitantes de Muret.
À l’arrivée au lycée, l’ambiance est un peu posée : banderole sérigraphiée contre la 3ème prison de Muret posée sur la grille, panneau d’opposition concernant les espèces protégées menacées par le projet, et deux gendarmes attendant comme des piquets.
Le chemin pour se rendre au lycée est balisé par deux flics en civil et les sacs sont fouillés à l’entrée (on apprendra par la suite que trois fourgons de gendarmes étaient cachés derrière le bâtiment). « Ils arrivent » lance l’un d’entre eux en enfilant ses gants au moment où nous entrons à l’intérieur. Dans la salle, une estrade avec les différents parties du projet, et dans le public, une trentaine de personnes, dont le maire de Muret (lui qui s’est récemment découvert une opposition relative au projet puisqu’il préférerait une prison de 200 places !), divers opposant.es et une caméra de journaliste.
Une opposition existe depuis quelques mois sur des arguments nimby (« Pas de prison chez moi, qu’iels la fassent ailleurs »), contre les nuisances (bruits, délinquance, bouchons,..), des arguments écologiques de préservation de l’environnement, ou en faveur du développement des peines alternatives à la prison. Cette ribambelle d’arguments ne nous parlent pas puisqu’ils ne remettent pas en question l’horreur que représente ce système qui a besoin des prisons et de la justice pour fonctionner. Pour cette même raison, nous ne sommes pas d’accord avec les différentes façons de s’opposer au projet. C’est pour ça que nous n’avons pas voulu participer à cette réunion, mais la perturber.
La réunion publique commence. Après la présentation des différentes personnes de l’estrade, c’est au tour de Jean-Pierre Wolff, commissaire enquêteur de la CNDP, de prendre la parole. Dès le début, on l’applaudit fortement, ce qui a pour effet de lui clouer le bec. Impossible pour lui de reprendre la parole, une personne dénonce la mascarade qu’est cette enquête publique alors qu’un appel d’offre a déjà été lancé concernant le projet et que « les prisons ne sont pas à construire, elles sont à détruire ». De l’autre côté de la salle, un tract est lu à voix haute, tandis que d’autres le distribuent dans le public :
Pourquoi nous perturbons cette enquête publique ?
L’enquête publique qui est en cours est une mascarade : quel que soit ce qui en ressortira, l’État passera outre un avis défavorable comme il l’a déjà fait avec l’avis de la première déclaration d’utilité publique l’année dernière. D’ailleurs, l’État a lancé un appel d’offre pour le chantier : tout est déjà décidé. Alors on ne va pas faire des « observations » ou des « propositions » pour ce projet, parce qu’on n’a pas l’intention de vivre dans un monde de taules.
Il va sans dire que ce projet, qui prévoit une nouvelle maison d’arrêt à côté de deux prisons déjà existantes, sera nuisible aux sauterelles et autres espèces protégées, mais surtout à tous les êtres humains qui y seront enfermé.es, que ce soit 600 ou 200 personnes (comme l’a proposé le maire de Muret).
Plus largement, l’État prévoit la création de 15 000 places de prison d’ici 2027 et se targue d’œuvrer pour le bien-être et la dignité des détenu.e.s.
La surpopulation dans les maisons d’arrêt n’a jamais été réglée par les plans successifs de constructions de nouvelles prisons en france ces 50 dernières années.
A titre d’exemple, la prison de Seysses était déjà surpeuplée quelques mois après sa mise en fonction, et c’est évidemment toujours le cas aujourd’hui.
La prison est une abomination à détruire, pas à construire. Que l’on pense aux proches ou aux détenu.e.s, c’est l’angoisse et le mépris qui imprègnent ses murs et qui régissent la vie quotidienne d’énormément de gens.
Entre parloirs toujours trop courts, thunes à débourser pour les mandats, exploitation pure et simple pour un salaire de misère à l’intérieur, séquelles à différentes échelles dues à l’enfermement (ouïe, vue, etc.).
C’est aussi un business juteux pour nombre d’entreprises qui participent à leur construction ou qui opèrent ensuite à l’intérieur dans le nettoyage, la bouffe, ou les ateliers.
Mais la prison, ce n’est pas juste quatre murs sur un terrain précis.
C’est l’aboutissement d’une société de contrôle généralisé, où caméras et policiers quadrillent villes et campagne.
C’est la menace au dessus de chaque tête qui ne voudrait ou ne pourrait pas vivre d’après une légalité édictée selon les intérêts de la morale ambiante, de la défense des richesses et de la propriété privée.
C’est l’outil d’un capitalisme effréné qui a besoin d’enfermer pour subsister.
Tant qu’il y aura des prisons, il n’y aura de liberté pour personne !
Puis des slogans sont lancés « Pierre par pierre, et mur par mur, nous détruirons toutes vos prisons », applaudis par quelques autres personnes. Rapidement, un des organisateur de l’estrade regrette au micro que nous n’exprimions pas notre contestation dans le cadre du « débat » et un gendarme en appelle au calme à travers le brouhaha. Quelques secondes plus tard, une dizaine de ses collègues entrent dans la salle afin de nous évacuer, pour que se poursuive la présentation de ce projet infâme, où seul un certain type d’opposition y est toléré.
Parce que les sauterelles c’est bien, mais la liberté c’est mieux !
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