Bidonnage partout, justice nulle part

Un beau foutage de gueule : Quand un juge passe un coup de blanc correcteur sur une décision de justice pour la bidonner, on appelle ça, un "faux en écriture publique". Sauf à Toulouse, où on préfère parler de simple « erreur administrative ». Et en plus quand ce tripatouillage concerne directement Gaétan, militant du NPA, qui fait l’objet d’une campagne de soutien internationale, ça fait vraiment tâche...

1er acte : arrestation et jugement, de l’inventivité des tribunaux

Le 8 novembre dernier, Gaëtan, militant du NPA de 25 ans, participe à la manif (interdite) contre les violences policières en réaction à la mort de Rémi Fraisse. Et se fait alpaguer par des policiers (pas violents du tout, voyons) : il les aurait insultés, et leur aurait balancé (sans les atteindre) un panneau publicitaire. Ce qu’il nie. Accusé de « participation sans arme à un attroupement après sommation de se disperser », « violence » et « outrage » sur « personne dépositaire de l’autorité publique », il comparait en justice début décembre. Celui qui préside le tribunal ce jour-là n’est autre que Hervé Barrié, bien connu sur la place toulousaine pour sa haine des Roms. En effet, en septembre 2013, alors qu’il jugeait des voleurs de cuivre, il s’était lâché. Et pas qu’un peu : « Pensez-vous que nous allons vous laisser piller la France ainsi ? » ou « Vous ne pensez pas que la France en a assez des vols commis par les Roms » et pour finir : « Voilà ! Il n’y a pas d’impunité pour ceux qui viennent voler la France ». Donc, après avoir mené les débats, le président Barrié et ses assesseurs se retirent pour délibérer. Quand ils reviennent, ils ont requalifié un des faits reprochés à Gaëtan : ce dernier n’est plus coupable de « violence », mais de « tentative de violence ». Il écope de deux mois de prison avec sursis et de 1100 euros de dommages-intérêts et frais d’avocats (d’un des flics qui s’est constitué partie civile). Petit hic, le délit de « tentative de violence » n’existe pas en droit français. La décision est donc illégale ! Le défenseur du militant, Me Julien Brel, fait illico appel de la décision.
Et mi-janvier, quand l’avocat reçoit le jugement, il tombe de la chaise : la « tentative de violence » ne figure nulle part. Son client est en fait condamné pour « violence ». Intrigué, il se rend au greffe du tribunal pour consulter les notes d’audiences dans lesquelles sont retranscrites tout le déroulé de l’affaire. Surprise ! La phrase « requalif violence en tentative de violence 2 mois sursis » figure bien dans le doc original, sauf qu’elle a été camouflée sous une couche de produit blanc correcteur et remplacée par « 2 mois sursis »...
L’avocat prend sa plus belle plume pour informer Henri de Larosière de Champfeu, le président du TGI, le tribunal de grande instance. Frère de Jacques, ex-directeur du FMI de 1978 à 1987, gouverneur de la banque de France de 1987 à 1993, président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (1993), président de la BNP, cet Henri de Rosière de Champfeu est un pur produit de l’aristocratie française qui n’aime pas, mais alors pas du tout, les manants qui s’en prennent à l’autorité et à ses chiens de garde (voir sur Iaata, « Le procès d’un casseur : le marquis, la banque et le boulanger » du 18 décembre 2014).

2nd acte : Faux en écriture publique ?

Notre aristocrate ne peut pas faire autrement. Il diligente donc une enquête, confronte le juge et la greffière, et répond par courrier à l’avocat :
« Quelques jours après, M. Barrié, qui avait présidé l’audience, a rencontré la greffière. Il lui a indiqué qu’il y avait eu erreur sur la requalification, et lui a précisé qu’il ne fallait rien changer. L’expression exacte qui a été employée a été « on ne change rien » ».
Sauf que la greffière, comprenant le contraire, a cru devoir rédiger le jugement sans prendre en compte la requalification des faits. Et « pour assurer la conformité de la note d’audience avec le jugement, elle a recouvert avec du correcteur blanc la mention de la note d’audience relative à la requalification » poursuit le président du TGI. Un faux en écriture publique ? « Rien ne me permet de douter de la bonne foi du juge et de la greffière concernée. En particulier, rien ne vient établir qu’il y aurait eu la volonté, de la part du juge, de forger un faux pour couvrir une illégalité ». Ah bon ? Et d’insister « sur le caractère exceptionnel, voire unique, de la situation présente ».
Des sanctions ? La greffière a reçu « une autre affectation dans la juridiction » : elle change de service. Et le juge ? « M. Barrié ne présidera plus d’audiences correctionnelles et ne siégera plus comme juge des libertés et de la détention en matière pénale ». Le voilà bombardé aux affaires familiales. Lui aussi ne fait que changer de service, ce qui en aucun cas ne constitue une sanction. Et Gaëtan ? Il est passé le 1er avril devant la cour d’appel de Toulouse. Laquelle a annulé le premier jugement, et a triplé sa peine. Condamné pour « violence », il a pris à six mois de prison, dont deux mois ferme, avec toujours les 1100 euros de dommages-intérêts et frais d’avocat. C’est du brutal. Sans blanc correcteur.

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