Constat
Maintenant nous le savons, le pouvoir ne lâchera rien. La répression nous le confirme un peu plus chaque semaine. Bien sur nous n’attendions rien du grand blabla. Gageons que la frustration de celles et ceux qui y ont participé, devant tant de mépris par le Roi et son valet, va les aider à grossir nos rangs. Puisqu’ils ne lâcheront rien au sommet, nous ne lâcherons rien non plus à la base, c’est notre mot d’ordre depuis le début : Macron démission ! L’appel de Saint-Nazaire, qui fait suite à la deuxième Assemblée des assemblées, se conclu sans ambiguïté par « … nous considérons qu’il faudra sortir du capitalisme ». La seule solution est donc d’avancer dans une perspective révolutionnaire, il n’y pas d’issue réformiste. Nous ne voulons pas aménager le capitalisme, nous voulons sa fin définitive. Oui mais quelle révolution voulons nous ?
1789, la révolution volée au peuple
Depuis le début, sur les occupations, les ronds points, les manifs, les barricades, dans le cortège c’est souvent l’imaginaire de la révolution française de 1789 qui est convoqué, la marseillaise qui est chantée et le drapeau français qui est planté. Mais la révolution de 1789 a été volée au peuple, elle nous a été volée comme tant d’autres choses. La révolution de 1789 c’est l’accession au pouvoir de la bourgeoisie commerçante qui s’était sensiblement développée dans la deuxième moitié du moyen du âge. Elle détenait déjà le pouvoir économique, et elle voulait le pouvoir politique. Pour mener à bien sa « révolution » elle du s’unir de façon opportuniste avec les exploités, avec le peuple affamé et insurgé pour supprimer les obstacles féodaux qui entravaient le développement du capitalisme alors naissant. La bourgeoisie, si elle avait besoin de se déclarer contre l’absolutisme en affirmant que le pouvoir émane du peuple, l’idée qu’il l’exerce vraiment lui était insupportable. La solution était toute trouvée, la révolution instaurerait l’élection et plus largement le gouvernement représentatif. C’est cela que la révolution de 1789 nous a finalement légué : le régime représentatif, l’état-nation jacobin centralisé à Paris et le capitalisme dont la propriété privée, le salariat et l’argent sont les fondements.
Contre les élections et le régime représentatif
Les nouveaux gouvernants qui arrivent au pouvoir dans la période révolutionnaire de 1789 n’ont pas à cœur de créer une « démocratie », il savent tout à fait ce que cela représente de donner le pouvoir au peuple et ils n’en veulent pas c’est écrit noir sur blanc dans les textes de l’époque. Non, ce qui correspond au monde économique en plein essor à l’époque et à sa rationalité marchande, comptable, c’est le régime représentatif. En effet, selon eux « le peuple ne peut pas se gouverner lui même car le peuple est occupé à produire et à consommer, il faut donc une classe d’experts qui saura mieux que le peuple ce qui est bon pour lui ». Or, comme on le sait, l’élection est une procédure inégalitaire et non démocratique, elle n’offre pas à chacun une chance égale de pouvoir accéder aux affaires publiques (il faut un appareil de parti, il faut financer les campagnes, il faut bien parler, être « éduqué », avoir du capital social et financier, les relais dans la presse etc., enfin, il faut être prêt à écraser les autres, il faut être prêt à conquérir le pouvoir ce qui entraine inévitablement des dérives autoritaires, etc.). L’élection techniquement parlant est anti-démocratique puisqu’elle créer de facto une oligarchie (le pouvoir d’un petit nombre) ou une aristocratie (le pouvoir des meilleurs). A travers l’élection, les gouvernants accaparent l’essentiel du pouvoir de décision. De plus, l’absence de mandats impératifs ou de promesses légalement contraignantes et le fait que les élus ne soient pas révocables à tout moment leur donnent une indépendance totale par rapport à leurs électeurs. Dès qu’il y a des représentants permanents, l’autorité, l’activité et l’initiative politiques sont enlevées au corps social pour créer un appareil d’état bureaucratique. Cet appareil enlève non seulement le pouvoir au peuple, mais sous couvert de la légitimé ainsi usurpée à travers l’élection, il revendique aussi le monopole de la violence légitime. Le suffrage ou l’élection font semblant de donner la souveraineté pour immédiatement la reprendre. Conclusion, il n’y a rien à attendre des élections européennes ni des autres, il faut rejoindre l’appel de Saint-Nazaire à boycotter les élections Européennes du 26 mai prochain.
Du servage au salariat, de la révolution de 1789 à la Commune de Paris de 1871
Quand le peuple de Paris se soulève le 18 mars 1871 le capitalisme est déjà bien développé en France. Il a entrainé l’exode rural menant à la concentration de la « main d’œuvre » dans les usines. Les ouvriers — paysans déracinés ou artisans n’ayant pu combattre la compétitivité des machines— se concentrent dans les faubourgs insalubres des villes. Ils et elles sont exploités sans merci par les patrons. On est passé du servage sous l’ancien régime, au salariat dans l’époque moderne, nouvelle forme d’exploitation. Moins de 100 ans après la révolution de 1789, la lutte des classes apparait nettement aux yeux du peuple. La révolution « politique » de 1789 n’a pas entrainé l’égalité économique, ni la fraternité, tout le contraire, elle a permis le développement du capitalisme le plus barbare. Avec le développement du capitalisme, c’est le salariat qui devient la nouvelle forme de servitude. Nous n’avons pas d’autre choix que de vendre notre force de travail en échange d’un salaire. Le salaire que nous recevons est toujours inférieur à la valeur que nous produisons. C’est de cet écart appelé « surtravail » que les patrons capitalistes tirent leurs profits. Nous ne recevons pas la juste part de notre travail. Notre force de travail devient une marchandise qui acquiert une valeur sur le marché du travail. Nous devons donc produire des marchandises en échange d’un salaire pour acheter d’autres marchandises. Nous sommes aliénée à la marchandise, devenu incapables de produire par nous même ce dont nous avons réellement besoin. Le capitalisme a réussi une forme inédite dans l’histoire de contrôle social, bien plus étendu que le pouvoir des souverains de l’ancien régime. Il nous a dépossédé de nos moyens d’existence et il a renforcé toujours plus le pouvoir de contrôle de l’état et des entreprises sur nos vies notamment via le développement technologique ; faisant ainsi de chaque aspect de la vie quotidienne à la fois une marchandise (et donc une source de profit) et un moyen de contrôle. Le 1er mai faisons donc sa fête au travail !
La Commune comme nouvelle forme révolutionnaire
Mais revenons en à la Commune de Paris proclamée le 18 mars 1871 (d’autres communes seront proclamées en France mais aussitôt réprimées notamment à Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nîmes ou encore Perpignan, Narbonne, etc.). La Commune ce n’est pas la révolution conçue comme la prise du pouvoir d’Etat mais la négation même de la forme « Etat » comme forme d’organisation sociale. La Commune exprime en acte, la chose la plus inaudible pour le pouvoir : « Nous n’avons pas besoins de vous ! ». La commune institue l’autogouvernement du peuple par et pour lui même (il est d’ailleurs préférable de parler plutôt « d’auto-organisation ou d’autonomie » afin d’éviter le mot « gouvernement »). Ce ne fut pas une révolution pour transférer le pouvoir d’une fraction de la classe dominante à une autre ou à une quelconque avant-garde du parti, mais pour briser les chaines de l’exploitation et de l’aliénation forgées au quotidien par le capital et l’état jacobin. Les femmes et les hommes qui donnèrent vie à la Commune n’avaient pas de programme prédéfini, mais l’insurrection momentanément réussie (notamment grâce à la fraternisation de la troupe venue chercher les canons de Montmartre et de Belleville et grâce à la fuite du gouvernement d’Adolphe Thiers à Versailles) a permis d’ouvrir un espace d’expérimentation et d’autodétermination. Cela toucha tous les domaines (éducation, logement, travail, alimentation, art et artisanat, etc.) et fut réalisé par des personnes ordinaires (ouvriers, employés, artisans, etc.). Cependant, au moment de l’insurrection, il existait déjà de nombreux clubs, ateliers, coopératives, comité de travailleurs, comités des femmes, comité de défense, etc., bref tout un tas de « comité de base » pourrait-on dire qui permirent de diffuser les idées et les pratiques de l’auto-organisation et qui furent évidemment développés et renforcés lors de la Commune. Ces comités permirent de prendre le relai une fois que le pouvoir eut déserté (il paraît que plusieurs dizaines de milliers d’habitants des beaux quartiers et des fonctionnaires surement haut-placés suivirent Thiers dans sa fuite à Versailles). Dans la perspective de l’internationale ouvrière, la Commune de Paris ne se veut pas ou plus la capitale de la France, elle ne se considère pas comme un « Etat », mais comme une collectivité autonome au sein d’une fédération de communes qui devait se développer à l’échelle internationale. Sans l’aide internationale, sans l’internationalisation du mouvement nous ne pouvons pas gagner définitivement. Le G7 sera une occasion de faire converger des GJ du monde entier. La commune dura à peine deux mois (du 18 mars au 28 mai 1871) et fut écrasée dans le sang, prises en étau entre les Versaillais et l’armée prussienne. Ses réalisations ne pouvaient être que limitées mais néanmoins elle avait créer une rupture dans l’imaginaire ; viser la prise du pouvoir d’état n’était plus l’objectif, il fallait libérer des territoires et expérimenter ici et maintenant l’auto-organisation de la vie quotidienne, construire les conditions de l’autonomie matérielle et politique localement puis se fédérer.
De la Commune aux gilets jaunes, la révolution par le bas comme héritage
Bref, en un mot, l’expérience et l’idéal de la Commune correspondent beaucoup mieux à notre mouvement que la révolution de 1789. Cette fédération d’espaces libérés, que voulait incarner la commune de Paris, c’est ce que 150 ans plus tard l’assemblée des assemblées (Commercy puis Saint-Nazaire) préfigure. Qu’on le veuille ou non nous sommes héritiers de cette histoire révolutionnaire, celle d’en bas pas celle d’en haut, pas celle des livres, celle de la rue et celle des campagnes rebelles. A nous d’aller de l’avant et d’en écrire une nouvelle page. De la Commune aux Gilets Jaunes en passant par les ZAD, le Chipas Zapatiste, ou le Rojava, etc., nous démontrons que nous n’avons pas besoin d’eux. Une fois que nous réalisons notre puissance d’agir collective, nous devenons irrécupérables, ingouvernables. Pour les gouvernants et les patrons, cette affirmation est insupportable. C’est leur plus grande peur car ça les rend inutiles. C’est notre plus grande force et elle est contagieuse. Une fois libérés des contraintes que les impératifs de plus-value, de bénéfices privés, d’usure, etc., imposent sur notre « travail » et une fois la force répressive de l’Etat débordée, nous pourrons produire assez pour toutes et tous sans avoir besoin de nous exploiter les uns les autres, ni d’exploiter la nature.
Notre rage est digne, leurs profits sont indignes ! Le 1er mai, faisons sa fête au travail !
Pas d’élection, nous sommes le pouvoir. Allons au G7 cet été en faire la démonstration !
Vive la Commune ! Vive les communes libres !
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