Petit retour sur 10 ans d’antifascisme à Toulouse

L’UAT s’est auto dissoute il y a maintenant plus d’un an et je voulais tenter un petit bilan sur l’expérience que j’y ai vécu. Cela ne représente bien entendu que mon expérience et mon analyse. Mais revoir l’histoire de cette organisation permet de mettre en avant différentes problématiques récurrentes que l’on rencontre dans ce milieu.

Tout d’abord mon engagement à l’UAT commence en 2011 et finit en 2021 pour cause d’éloignement géographique. Je suis un militant blanc, cis, etc, plutôt tendance anar influence Tupamaros Berlin Ouest.

Je rejoins donc l’UAT en 2011. À ce moment-là les identitaires prennent de l‘importance à Toulouse. Pour lancer leur campagne ils font quelques pochoirs et notamment sur la salle du Cap à Paul Sabatier. C’est pour moi une découverte. Il y aurait donc un groupe d’extrême droite organisé sur Toulouse. N’étant plus engagé dans aucune lutte depuis la fin du mouvement contre la réforme des retraites de 2010 et peinant à trouver une place à la CREA je me tourne donc vers l’antifascisme. Mes références sont plus le scalp et no passaran qu’« antifa chasser de skin » : je vois dans l’antifascisme un moyen de rassembler sur de nombreux sujet car le fascisme touche à tous les aspects de la vie. L’AGET, syndicat étudiant, me parle de l’UAT et je suis admis dans l’organisation. Quelle surprise pour moi de me retrouver là, en réunion, si facilement. Du moins c’est l’impression que j’ai. En réalité des gens que j’avais côtoyés durant la lutte contre la réforme des retraites m’ont coopté. Et quelle surprise pour une bonne partie des militant·e·s de l’orga de voir débarquer un hippie en sarouel dans une réunion antifasciste…

À l’époque les réunions sont animées et peuplées, des mecs de 30/40 ans enchaînent les longues interventions. Je me fais petit dans un coin, ne voulant m’engager sur rien. L’UAT est encore une inter-orga mêlant individus et représentants d’organisations. Les mandatés ne changeant jamais, l’inter-orga devient peu à peu une vraie organisation qui garde des liens solides avec les autres orgas.
Fin 2011 tout le monde est tendu : on a appris que les identitaires allaient ouvrir un local. Les débats s’enchaînent sur comment y faire face, quelle place pour l’UAT, qui représente-t-elle etc. LA question : sommes-nous légalistes ou non ? Une réponse consensuelle est actée : l’UAT se présentera toujours comme solidaire des actions « violentes » organisées par des antifascistes mais n’en organisera pas d’elle-même. Nous garderons ce principe les 10 années qui suivent. Bien qu’il soit parfois compliqué à appliquer : nous nous retrouverons à communiquer pour justifier des actions que l’on trouve très mal menées et en plus l’on se fera accuser de réappropriations par celleux qui les ont organisées.
Le local ouvre début 2012. S’ensuit une période faste pour l’organisation : l’extrême droite, des BCBG de la fac de droit aux néo-nazis les plus clichés est réunie au même endroit, le 36 allée de Barcelone, facilitant à la fois la surveillance et les actions de harcèlement. Le local doit rapidement se bunkeriser et ces actions favorise la formation pratique et l’intégration à l’UAT. Mais c’est aussi, bien évidemment, une période où les agressions se multiplient.
La première manifestation de riposte, appelée par les organisations radicales réunit 300 personnes. La suivante, soutenue par bien plus d’organisation (EELV, PCF...) en rassemble 5000 et s’intègre dans 2 jours d’activités début juin (avec projection, débat, rencontre avec des camarades Napolitain·e·s, bouffe et concert). Si les dissensions chez les fachos et notre campagne de harcèlement fragilisent le bloc identitaire, c’est finalement l’arrestation de son leader suite à l’agression violente d’un étudiant chilien qui mettra fin à l’expérience, laissant les ambitions personnelles disperser les fafs et le local ferme en septembre.

Le mois suivant c’est la manif pour tous qui fait son apparition. Nous soutenons la lutte contre la manif pour tous. Mais la cause a du mal à fédérer. Certains militants, tendance viriliste, ne veulent pas se mêler de cette lutte qu’ils jugent sans lien avec l’antifascisme tout en restant à proximité dans l’espoir d’une bagarre. D’autres ne se mobilisent que difficilement dans ce qui leur semble être la défense du gouvernement Hollande. Les contre-rassemblements s’enchaînent et divers collectifs éphémères, comme la licorne déviante, font leur apparition pour ridiculiser les différents happenings des réacs. C’est une période d’intense activité aux modes d’actions très divers et inventifs.

La licorne déviante rejoint la lutte !

L’activité de la manif commence enfin à baisser. Nous utilisons cette énergie qui nous anime pour créer un antifascisme qui ne soit pas que de réaction et de commencer à poser les bases réelles de notre organisation qui n’a plus rien de l’inter-orga du début. Voulant ancrer une manifestation antifasciste annuelle à Toulouse nous tentons de reproduire l’expérience de la grande manif unitaire de l’an passé. En plus les identitaires prétendent vouloir commémorer la bataille de Toulouse de juin 721. Nous en organisons donc notre manifestation pour le 8. Mais sans le local du bloc ni le contexte électoral nous rencontrons bien moins de succès dans notre inter orga et seul la JC rejoint nos soutiens habituels (Anar, Mao et NPA).
Le 6 juin 2013 meurt Clément Meric. La lutte est sous les projecteurs médiatiques, tout le monde se prétend antifasciste et des orgas qui n’avaient pas répondu à notre invitation veulent d’un coup signer et participer à la manifestation. Le contexte ayant changé nous conditionnons cette signature à l’absence de drapeau d’organisations électoralistes. Aucun accord n’est trouvé. Le jour de la manifestation notre SO se retrouve face à celui des soc-dem pour garder la tête de la manif. Les JC retournent du côté PCF. Deux cortèges défilent finalement. La rupture est consommée. Les inter-orgas deviendront des lieux de conflits permanent jusqu’à notre départ avec les orgas révolutionnaires. Côté national le réseau antifascisme, certes assez distendu, est aussi chamboulé. L’AFA PB prend une position centrale avec de nouveaux collectifs plus ou moins labellisés qui gravitent autour donnant une impression de hiérarchisation (juste une impression ?).

L’année scolaire qui suit (2013/2014) en subit le contre-coup. Le FN ouvre un local en ville, mais les réactions sont bien moins énergiques. Certes le local est régulièrement dégradé mais aucune action publique contre lui ne sera organisée. Même avec la venue de Jean-Marie à Toulouse la mobilisation ne prendra pas. Les organisations soc-dems, regroupées dans un « collectif contre l’extrême droite », déclarent « On ne cherchera pas à aller au contact comme cela se faisait il y a quelques années » dans la dépêche. Elles appellent à un rassemblement tandis que nous organisons une manif cherchant à aller au plus proche du meeting mais notre faible nombre nous réduit à l’impuissance. On est bien loin des émeutes qu’avait déclenché sa précédente venue.
Contre toute attente l’événement qui va finalement avoir un fort retentissement cette année là c’est la contre manif face à Jour de colère, un événement regroupant soraliens et fafs plus traditionalistes sur la place du cap. Pour les protéger, la police bloque tout accès à la place. La foule qui profitait de ce samedi aprèm pour flâner en centre-ville s’amasse bien vite dans les ruelles environnantes. Renforcé d’autant de manifestant·e·s improvisé·e·s le cortège attaque les cordons de flics, changeant constamment d’angle. Si nous n’arriverons pas à passer, cela nous redonne un peu de courage.

Dans le même temps les tensions augmente au sein de l’orga. Un groupe de « chasseur » prend forme et intègre une partie des nouveaux venus. Des pressions sont faites pour exclure certains militant·e·s ne correspondant pas à la culture viriliste qui se développe dans l’orga. Face à ces tensions les militants formés s’en vont mais cela n’empêche pas la scission. Fin de l’été 2014 l’afa Tolosa est créée et les « chasseurs » quittent l’UAT pour faire de « l’antifascisme de terrain ».

À l’automne 2014 nous sommes donc un collectif restreint, composé d’une dizaine jeunes militant·e·s. L’UAT nous tombe en quelque sorte entre les mains et nous pouvons en faire ce que l’on veut. Confronté·e·s à la mort de Rémi Fraisse. Fort·e·s de l’imaginaire de la ZAD nous nous tournons vers l’autonomie. Je la fantasmais sans jamais pouvoir intégrer ses cercles affinitaires et là je représente un groupe qui s’associe au mouvement. Entre collage, préparation des manifs et inter-orga l’organisation vie à 100 à l’heure pendant quelques mois avec en plus une réu par semaine pour gérer tout ça. Les thématiques traitées s’élargissent à l’urbanisme, au sécuritaire, l’écologie, etc.

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Manifestation du 21/02/2015

La gueule de bois va être violente et elle survient le 21 février 2015. Ce jour-là, dans une manif de plusieurs milliers de personnes, appelée largement, un cortège de tête se forme (Toulouse influence Panam). Derrière une banderole renforcée 200 personnes sont là pour former un black block qui ne tiendra finalement pas 2 min face à une poignée de Bakeux. La fuite, les interpellations et le chacun pour soi qui s’ensuit dégoûtera profondément de nombreuses personnes et marquera un repli sur soi de nombreux collectifs, chacun se sentant trahi. La police, elle, profite de cette victoire facilement acquise pour reprendre en main la ville et l’ambiance devient anxiogène.

En 2015 l’orga est affaiblie. En plus du repli de l’autonomie les orgas radicales sont en perte de vitesse et les tensions avec l’AFA se voient exacerbées par certaines personnes qui aimeraient contrôler l’antifascisme toulousain. Des militants de l’orga ne sont pas innocents non plus et le tout ira jusqu’à des menaces et violences physiques.
Cependant c’est aussi une année où l’on apprend à organiser d’autre types d’actions sans l’aide des « vieux », cantine populaire, projections. On essaye de mettre l’accent sur l’aspect culturel de l’antifascisme qui va devenir une mission importante. Notre coopération avec Kartier Libre (l’orga de culture punk), se développe et le festival antifasciste annuel prend forme. L’objectif : ne plus faire de la réaction mais occuper l’espace en permanence et faire de l’antifascisme un espace de rencontre et de culture.

2016 est marqué par la lutte contre la loi travail où notre organisation assez exsangue s’implique difficilement. Notre manque de formation est contagieux et nous ne savons pas vraiment comme intégrer les nouveaux militants. Pour celles et ceux qui ont déjà un bagage militant cela se passe sans soucies, mais pour les autres c’est une autre paire de manches. Ce manque d’inclusivité pèse. Des lycéen·ne·s veulent aussi nous rejoindre apportant de nouveaux problèmes car à cette période l’organisation n’accepte pas les mineurs. Cette décision ne plaît pas à tout le monde ( moi y compris) mais l’on a acté un fonctionnement, le changer implique une démarche précise. Le temps d’effectuer ces modifications naît la JATE (Jeunesse antifasciste Toulouse et Alentour).

L’organisation du festival 2017 se fait difficilement alors que Kartier Libre est en retrait. Les tensions lancées sur les questions du recrutement s’enveniment et les sujets de discorde se font plus nombreux. Certain·e·s camarades quittent l’orga fatigué·e·s par les comportements de plus en plus problématiques de certains. C’est finalement la question de l’usage des informations collectées sur l’Action Française qui finalise la rupture. Une équipe de skin s’est spécialisée dans la collecte de ces infos et aimerait du coup avoir le dernier mot sur ce que l’on en fait. De l’autre côté on estime que cela va à l’encontre des principes de fonctionnement de l’orga et on demande aussi un meilleur partage des compétences avec notamment des formations à l’autodéfense. On aboutit ainsi à la scission du Rash. Comme avec l’AFA le groupe qui fait scission n’est composé que de mecs en conflit avec toutes les militantes de l’orga, mais cela ne semble pas bizarre aux yeux des autres organisations.

Entre 2018 et 2019 nous nous engageons à fond. Cette année-là, à côté du travail pour l’ouverture du chat noir en inter-orga, sont lancées les projections mensuelles « trouble » à l’Astronef. L’UAT se joint aux gilets jaunes et réussit particulièrement le travail de vigilance obtenant une visibilité nouvelle cherchant au passage à reprendre la coopération avec les autres organisations antifascistes existantes sur la ville. Cela dit, l’absence de formation sécurité se fait sentir lorsque pour faire reculer une attaque des identitaires je gaze au passage les camarades.
Autre réussite : la manif de Juin 2019 avec pas loin de 300 manifestant·e·s, le retour d’Act Up et la participation de la Communauté Démocratique Kurde de Toulouse. Mais en réalité une partie des militant·e·s sont fatigué·e·s et la scission a laissé d’importantes séquelles, diminuant la confiance entre camarades, donnant l’impression de toujours répéter les mêmes erreurs.

Malgré ses avantages, l’ouverture du local début 2019 est aussi source de contraintes. Financières déjà, mais cela ajoute aussi un manda de coordination avec les autres orgas et de gestion du lieu. La nouvelle édition du festival antifasciste annuel qui permet de financer une grande partie des activités est prête (on est une orga peu dépensière, et tournée vers la débrouille et le détournement des outils de travail). Mais l’arrivée du COVID empêche l’édition 2019 d’avoir lieu. L’UAT est de plus en plus engagée dans le culturel, la production des podcasts sur l’antifascisme à Toulouse en est le témoin. Mais à côté le travail de veille est de moins en moins bien fait, notamment du fait de l’absence, encore une fois, de transmission des connaissances et des pratiques. C’est d’autant plus problématique que l’extrême droite prend la confiance et le nombre d’attaques augmente. Après le covid l’orga est presque morte, pratiquement tous.tes les ancien·ne·s sont parti·e·s. et nos contacts avec les divers milieux de la ville se font rare. La bonne volonté des nouveaux/nouvelles se heurte aux nombreuses obligations de l’organisation très énergivore (le local et les attentes extérieures) et à l’incapacité de les former. Je me retrouve avec tous les mandats important ce qui aurait dû soulever des questions autour de la hiérarchie que cela créé. Mais les problèmes « personnels » des différent·e·s camarades, dont un état dépressif plutôt généralisé empêche ces questionnements. L’activité continue quand même, bien que d’ancien·ne·s militant·e·s conseillent de mettre l’orga en sommeil.

Entre 2020 et 2021 a lieu l’Affaire Roland où des milices fafs font pression sur un squat, mais le fonctionnement de l’autonomie toulousaine empêche une réelle coordination. On fait encore une fois appel à l’UAT comme à une boite de sécu.
Quittant la région je quitte l’orga en 2021.

Un bilan rapide :
L’UAT a été une organisation très changeante en fonction à la fois de ses membres et des luttes en cours. Elle a été un outil disponible pour qui voulait réaliser tel ou tel projet. Sa vocation de front uni a plutôt bien marché en son sein et nous n’avons pour ainsi dire jamais eu besoin de passer à un vote, un consensus étant pratiquement toujours trouvé. En même temps, sa stabilité en a fait une référence facile d’accès pour les sympatisant·es.
À côté de cela, la principale limite de l’organisation est celle du processus « recrutement, formation, inclusion ». Moi-même je me suis longtemps opposé à toute campagne de recrutement, jugeant que cela devait être nos actions qui devaient attirer des soutiens. Je pense maintenant que cela était une erreur. De même la question de l’intégration m’indifférait « on est là pour une cause, pas pour devenir pote ». Quant à la formation, si les anciens membres étaient passés par des organisations telle l’AGET qui fournissait en cadre clair ce dernier n’a pas était transmis à l’UAT et l’on s’est formé sur le terrain, réinventant la roue à chaque fois.
Autre limite, si l’organisation offrait des outils pour ses projets, elle offrait rarement un soutien concret et un accompagnement pour ces derniers.
Dernier problème, hélas assez attendu : la lenteur avec laquelle l’UAT réagissait face aux problèmes de rapport de domination en son sein même si des outils ont été mis en place au fil temps tel le caucus.

Retour sur les problématiques récurrentes rencontrées :

1 : Organiser un collectif comprenant organisations et individus (et la question de la coopération régionale )

L’UAT est à la base une inter-orga rassemblant des mandaté·e·s de divers organisation, qui à force d’être reconduit·e·s ont fini par devenir des membres à part entière, et des individus. Cette question de comment organiser un collectif comprenant des gens représentant plusieurs dizaines de personnes et d’autre ne représentant qu’eux est souvent problématique.

C’est surtout dans les multiples tentatives de création d’un réseau antifasciste un peu étoffé que cela a vraiment bloqué. Ces tentatives, très chronophages, se sont soldées par des échecs car cela entraîne un problème de pérennité. À la fois des acteurs/actrices présent·e·s, jamais les mêmes, mais aussi des décisions prises. Organiser une coordination est une bonne idée, mais il faut faire vraiment pas à pas, un groupe de 3 orgas pour commencer semble bien. Nous avons toujours voulu faire trop grand et pour cela toutes ces tentatives n’ont abouti à rien.

2 : quelle position d’une organisation certes non déclaré mais pas clandestine sur l’illégalité ?

Une organisation pérenne est forcément plus vulnérable à la répression. Il faut donc faire attention à ne pas la lier à des actions illégales. Si elle peut favoriser leurs organisations par la mise en commun des compétences et du matériel, elle ne peut prendre directement en charge celle-ci. Pour le coup l’UAT a toujours réussi à maintenir un équilibre efficace n’empêchant pas les actions les plus radicales mais n’en prenant pas la responsabilité, se protégeant ainsi que ses membres de la répression directe.

3 : Garder un antifascisme autonome ?

Bon, on ne va pas s’attarder sur la question : l’antifascisme doit-il être autonome des autres organisations politiques ? Là on se pose la question dans le cas où l’on voudrait un antifascisme autonome. Chaque organisation, chaque mouvement a une vision particulière de l’antifascisme. Une cause uniquement lors des élections pour les sociaux démocrates, un ramassis de virilistes sans cerveaux pour certaines féministes, une lutte de petits bourgeois servant juste à détourner notre rage pour les appelos. Bref, dans la majorité des cas, on nous voit comme un Service d’Ordre servant de rempart pour que d’autres puissent s’occuper des choses sérieuses pendant ce temps. Ces organisations ne comprennent pas qu’on puisse vouloir amender un texte ou avoir des positions politiques. Cela peut entraîner de réel conflit voir des tentatives de manipulation.
Ces préjugés attirent aussi des gens peu formés aux comportements problématiques que l’on devrait pouvoir intégrer et déconstruire. Chose qu’on n’a pas su faire.

4 : Les problématiques scission : mécanisme et base politique

L’UAT a donc connu deux scissions et à chaque fois les mécanismes ont été les mêmes. Recette de la scission :

  • Arrivée d’une personne, un homme plus âgé, qui se pose en figure de connaisseur.
  • Création d’un groupe affinitaire autour de cette personne dont l’approbation permet de se sentir valorisé.
  • Création d’une identité nouvelle avec apparition d’une nouvelle signature (AFA, RASH)
  • En parallèle, critique du manque de reconnaissance
  • Tentative de prise de contrôle de l’organisation (exclusion de membre, organisation en dehors des cadres prévues pour etc.)
  • Si échec, officialisation de la nouvelle orga. Mais le leader fait mine de rester dans les deux organisations.
  • Puis rupture définitive lorsque que l’on expose les raisons du désaccord.
    Dans les deux cas les scissions ont été le fait de militants mecs et basées sur des oppositions avec les militantes. Dans leurs mécanismes, mêmes ces scissions illustrent des divergences politiques : opposition entre un antifascisme de bande, informel, hiérarchisé et exclusif, basé sur des références culturelles communes et un antifascisme d’organisation, où la structure tente de donner une place équivalente à tous et toutes, donc inclusif.

Les réactions extérieures furent toujours de dépolitiser les raisons de la scission et de demander des explications à l’orga « historique » alors que les scissionnaires n’ont jamais communiqué sur les causes de leur rupture.

5 : l’antifascisme a-t-il vocation à traiter de toutes les dominations ?

Pour le coup j’ai toujours tendance à vouloir répondre oui. Mais, en réalité cela pose problème sur plusieurs aspects :

  1. appropriation des luttes déjà menées par des collectifs,
  2. multiplication des luttes pour une organisation souvent limitée en termes de puissance,
  3. mais aussi perte de lisibilité du discours. Tout n’est pas fascisme ou alors il faudrait prendre du temps pour le démontrer. Porter certaine luttes en tant qu’organisation anti-fascisme peut les rendre moins compréhensibles ,voir favoriser la caricature.
  4. et pour finir cela accentue les frictions dans l’organisation sur des sujets plus théoriques, moins directement en lien avec l’antifascisme.
    Si l’Antifascisme doit être révolutionnaire ce n’est pas au sein d’une orga antifasciste que l’on peut vraiment préparer cette révolution (si tant est que l’on puisse le faire quelque part). La solution semble être l’appartenance à deux orgas bien que cela prenne du temps.

6 : intégrer et former les sympathisants

C’est finalement ce qui a tué l’organisation : les difficultés à faciliter l’intégration des nouveaux.elles et de permettre une bonne transmission des compétences.
Pour commencer il y a le problème du recrutement, et surtout du passage à l’implication réelle. Entre le nombre (déjà faible) de personnes que l’on rencontrait pour les intégrer à l’orga et le nombre de celleux qui finissaient vraiment par s’y impliquer plus de quelques mois, on avait un taux de perte assez important. Ces difficultés d’intégration n’étaient pas que de notre fait. Beaucoup de personnes nous contactaient sans avoir d’attente ni de motivation particulière, d’autres au contraire arrivaient avec des fantasmes auxquels nous correspondions pas.
Mais une fois intégré, venait le problème de la formation. La plupart du temps les militant·e·s partent brutalement de l’orga, souvent épuisé·e·s. Les transmissions de mandat se font donc à l’arrache ce qui diminue les possibilités de les donner aux nouveaux/nouvelles. De plus ces dernier·e·s sont en général peu discipliné·e·s, et oui l’autodiscipline c’est vraiment important pour pouvoir lutter. Que les gens puissent compter sur toi, sur tes engagements etc. À côté de cela l’orga ne fournissait aucune formation théorique, notre culture politique nous étant venue d’à côté. Un peu dommage lorsqu’on prétend vouloir faire de l’éduc pop.

7 : projection, objectifs, plan ?

Cette problématique est vraiment transversale à la gauche. La lutte donne rarement l’impression d’avancer. Même avec nos victoires contre divers groupes il y en avait toujours un nouveau pour réapparaître deux ans plus tard. Il est donc important de se fixer des objectifs clairs, stratégiques et tactiques ainsi que des échéances précises pour pouvoir faire un bilan régulier. Ce dernier permet de mieux valoriser les réussites, voire de mieux lutter contre la dépression. Cela permet aussi de mieux cerner nos capacités et d’être plus réalistes la fois suivante. La question de la récompense est ambiguë. On ne lutte pas pour des cookies, mais savoir organiser les événements dont on a envie peut être une façon de se récompenser. Faire venir le groupe qu’on aime, projeter un film qui nous plaît, etc.

8 : mixité

Pour le coup l’UAT a été une organisation de plus en plus mixte d’un point de vue du genre et de la sexualité, et a eu des périodes où les mecs cis hétéro étaient minoritaires. Mais il y a un domaine sur lequel on a rencontré des difficultés : le validisme. Si dans le discours il n’y a pas de problème, dans la pratique organiser des événements accessibles à toutes et tous, même nos réunions, on ne savait pas faire.

On pourrait probablement lancer d’autres pistes de questionnement, mais je ne me rends pas vraiment compte de leur utilité et puis plus le texte est long moins il a de chances d’être lu. En tout cas j’espère que des gens trouveront ça utile, que ces expériences ne seront pas perdues.

Mes salutations à toutes celles et ceux qui ont partagé l’histoire de cette orga.

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