Les rendez-vous Ambiance Pédale c’est quoi ?
Et au fait, comment ça va les pédés ? Elles se portent comment les
tapettes ? Ce n’est pas une blague, on a envie de prendre le temps de
nous la poser vraiment, cette question : comment on la vit notre vie
d’homo ?
Vu d’un peu loin, tout va pour le mieux pour les hommes qui aiment les
hommes : le sida ne tue (presque) plus dans nos contrées, (presque) plus
personne ne remet en question le mariage pour tous, Drag Race cartonne à
la télé, un grand nombre de députés RN à l’Assemblée Nationale sont gays
– le droit d’être des fachos comme les autres, ne serait-ce pas là
l’étape ultime de notre « intégration » ?
Cette vision stéréotypée de la normalisation gay est partagée par
nombre de LGBT. Le besoin de se serrer les coudes face à
l’homophobie appartiendrait au passé.
Le temps des combats politiques serait terminé, puisqu’il n’y aurait
plus rien à gagner. Avec l’arrivée des trithérapies du VIH qui ont
relégué les questions de santé au second plan ; mais aussi avec Grindr
et autres réseaux, plus besoin de quitter notre canapé pour se
rencontrer. Nous n’aurions plus besoin d’espaces spécifiques pour
débattre, se battre, se soigner, se rencontrer.
Conséquence : on a l’impression que de nombreux lieux de sociabilisation
dépérissent. Qu’il s’agisse de lieux commerciaux (on ne compte pas le
nombre de bars et de boites gay qui ont fermé en 20 piges), associatifs
(les assos sont toujours là, les pédés dedans, moins) ou informels
(certains lieux de drague en extérieur se vident, quand ils ne sont pas
dégagés par la gentrification). Seuls semblent rester des événements
festifs ponctuels comme la Gayguette à Toulouse qui, preuve que le
besoin d’être ensemble est toujours présent, font le plein comme jamais.
Dans les milieux plus radicaux, une partie des transpédégouines
(TPG) a également acquis l’idée que les pédés étaient désormais des
"hétéros comme les autres" : on y a vu se systématiser ces dix
dernières années les zones en mixité choisie « sans mecs cis »,
écartant les pédés cis et obligeant les trans à justifier de leur
transidentité (pratiques heureusement plutôt en reflux).
Sauf qu’en fait non, qu’on le veuille ou non, nous ne sommes pas devenus
des hétéros comme les autres. L’héritage des luttes passées et la
culture qui leur est propre continuent de forger nos manières de vivre
et de nous définir.
L’homophobie, certes moins palpable qu’autrefois, ne cessera jamais de
nous agresser, ne serait-ce que parce qu’on en a intériorisé une partie.
Nous sommes, comme l’ensemble des personnes LGBTI, toujours
surreprésentés parmi les personnes ayant des troubles psy, parmi celles
qui font des tentatives de suicide ou des overdoses. Ou encore à être
victimes d’agressions sexuelles, de (cyber-)harcèlement ou de
guet-apens.
Car qu’on se la soit infligée à nous même, ou qu’elle vienne des autres,
la violence et la solitude font partie de nos constructions depuis
l’enfance. Réprimer nos attirances, nos amours, nos manières, nos jeux,
nos envies, contrôler notre façon de nous habiller ou de marcher,
s’empêcher d’être démonstratif avec son partenaire dans l’espace public
est ou a été notre lot quotidien. Même si tout le monde ne l’a pas subi
de la même manière, cette peur laisse des traces.
Et on a besoin de s’en parler.
Une des conséquences de la honte et de l’isolement qui nous traverse est
l’explosion de la pratique du chemsex dans les milieux gays. Si elle est
en partie liée au besoin de se retrouver et et d’assumer ses envies en
faisant sauter tout un tas de barrières mentales, on en connaît aussi
les dangers. Pour la personne qui ne vit plus sa sexualité et ses
relations sociales qu’au travers des drogues, la perte de contrôle n’est
jamais loin, et c’est ainsi que l’on apprend presque chaque semaine que
X est parti à l’hosto, ou que Z est décédé. Drames invisibles qui sont
un véritable enjeu de santé communautaire aujourd’hui.
On a aussi envie d’interroger un certain nombre de normes que l’on
trouve parfois enfermantes. Le culte du corps jeune et bien foutu, du
membre bien monté, de la multiplicité des partenaires comme seule forme
de sexualité épanouie, de la virilité, le rejet ou la fétichisation des
personnes fems, trans, racisées... Mais aussi une certaine indifférence
que l’on retrouve parfois à l’égard des questions de consentement.
Alors on a envie de se rencontrer autrement. Sans avoir besoin de
prendre la fête, le cul ou les drogues comme prétexte. Se parler juste
pour se parler. Partager nos bonheurs, nos peines, nos questionnements.
Ramener un peu à bouffer et à boire. Échanger sur nos vécus et nos
constructions. Se faire de nouveaux potes. Débattre. Parler de notre
santé. Et puis se marrer, aussi !
On appellerait ça les rendez-vous « Ambiance Pédale ». Ça serait
pour toutes les personnes qui se sentent pédé, qu’elles soient homo ou
bi, cis ou trans, dans le placard, sur la scène, ou même encore en
questionnement. Pour les super virils et les folles jusqu’au bout des
(faux) ongles. Ça serait un temps rien que pour nous et ça nous
ferait du bien.
Si tu as lu ce texte jusqu’au bout, et même si tu n’es pas forcément
d’accord avec tout, tu te sens peut-être concerné. Tu viens ?
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