Colombie : septième jour d’émeutes malgré la répression

"Si en journée se déroulent d’immenses manifestations, lors d’une série de grèves générales qui en est à une semaine, les affrontements, pillages et surtout les destructions incendiaires en soirée ne cessent pas"

Au septième jour des manifestations antigouvernementales dans les principales villes de Colombie (Cali où la mobilisation – et la répression – est la plus intense, Bogotá, Medellín, Barranquilla, Bucaramanga, Manizales, Ibagué, Pasto), plusieurs journaux locaux parlent de la nuit du mardi 4 mai comme l’une des plus tendues depuis le début, notamment dans la capitale Bogotá, bien que le président conservateur Iván Duque Márquez ait retiré son plan d’augmentation des taxes qui avait été l’étincelle des protestations le 28 avril. A présent que le sang a coulé, beaucoup demandent la démission du Président élu (en 2018) et pas seulement de son ministre des Finances, tandis que les plus pauvres saisissent l’occasion pour détruire et saccager les structures immédiates de l’Etat et du capital (à commencer par les postes de police et les bus, ou encore officiellement 313 établissements commerciaux et 94 banques). Si en journée se déroulent d’immenses manifestations (121 blocages, 59 rassemblements et 93 marches à travers tout le pays, mardi, dans 268 municipalités de 27 départements) lors d’une série de grèves générales qui en est à une semaine, les affrontements, pillages et surtout les destructions incendiaires en soirée ne cessent pas.

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A Bogotá dans la soirée du 4 mai, ce sont ainsi 25 postes de police de quartier (CAI) qui ont été attaqués : « 3 incendiés, 3 autres complètement détruits par saccage et 19 hors service par vandalisme ». Et celui qui remporte la palme en faisant le plus scandale, est situé dans le quartier d’Aurora, puisqu’une dizaine de flics se trouvaient à l’intérieur lorsqu’il a flambé. Ce n’est évidemment qu’un juste retour de flammes, après la quarantaine de manifestants tués par les uniformes, sans même parler des centaines de blessés (846 officiellement, dont 22 ont perdu un œil) ou les 89 desaparecidxs recensés, parfois enlevés en pleine rue par des flics en civil ou des militaires. Signalons aussi que le ministre de la Défense a recensé 216 tirs par balles contre les flics en une semaine et 579 d’entre eux blessés en une semaine, dont 25 hospitalisés.

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Barrage militaire sur un péage d’autoroute
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Les militaires se sont d’ailleurs non seulement déployés à Cali depuis vendredi dernier, mais aussi sur plusieurs péages autoroutiers avec des blindés pour les protéger des attaques de ces derniers jours, pour contrôler les déplacements d’une ville à l’autre, maintenir un approvisionnement minimal en marchandises qui se fait essentiellement par camions (et éviter leurs pillages lors de ces points d’arrêt)… et avoir un bon prétexte pour frapper les esprits avec des bouchers en treillis qui font peser un niveau supplémentaire de terrorisme d’Etat contre les révoltés.

Cali, 3 mai : incendie de l’hôtel Luna qui hébergeait les flics anti-émeutes

Dans le même ordre d’idée que les destructions de comicos de quartier, on peut signaler la chaleureuse initiative d’émeutiers de Cali, qui ont réussi à débusquer le repaire des féroces flics anti-émeutes (Esmad, Escuadrón Móvil Antidisturbios) récemment arrivés en ville : le célèbre hôtel La Luna, près du centre-ville. Après six heures de rudes affrontements toute la journée du 3 mai, de nouveaux blessés et commerces détruits ou pillés, des manifestants ont ainsi réussi à bouter le feu à la structure hôtelière trop hospitalière pour les assassins, détruisant l’ensemble de son premier étage (en plus du reste).

Les bus du cher service public ne cessent de flamber à Bogotá…

L’autre grande cible depuis le début des émeutes, un peu comme au Chili fin 2019, sont les chers moyens de transport public, et d’autant plus qu’une série de grèves générales est en cours (Paro Nacional). Dans son bilan quotidien, la maire de la capitale Claudia López a précisé mercredi 5 mai que 30 bus transversaux et 74 autres de banlieue supplémentaires avaient été « vandalisés », ainsi que 8 stations du Transmilenio. Par conséquent, leurs horaires de fermeture de service ont été réduits de 18h à 15h, et 35% des stations de la ville vont rester portes closes. Le joli total actuel, en sept jours de révolte, se porte donc au 5 mai à près de 800 bus (469 rouges du Transmilenio et 317 bleus du SITP), plus 45 sur 96 stations de bus endommagés partiellement ou totalement (incendiés).

Cali, nuit du 1er mai, incendie de la station de bus Buitrera (MIO)

Pour finir, on notera qu’en guise de petit chantage, le secrétaire colombien à la santé Alejandro Gómez a annoncé ce mercredi la suspension des tests PCR et de l’administration de vaccins contre le covid-19, tandis que l’armée est de plus en plus présente dans les rues, ou que le maire de Cali, Jorge Iván Ospina, a demandé à ce que les émeutiers et les policiers s’accordent une trêve face à « la pénurie grandissante d’aliments pour enfants et de médicaments pour les malades [et touchés du covid] » en créant une sorte de « corridor humanitaire » dans cette région très pauvre. Plus pragmatique, la maire de Bogotá Claudia López a demandé au ministère de la Défense des renforts face à la hausse du niveau d’affrontement contre les flics, afin de protéger d’urgence les centres policiers de détention provisoire où sont enfermés les centaines de manifestants arrêtés.

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