Compte-rendu d’un procés en appel de gilet jaune

Le 4 Septembre 2019 avait lieu l’appel d’un condamnation suite à une arrestation le 13 Avril. Bien que la Defense Collective conseille pas vraiment de faire appel, car à Toulouse cela améne rarement du mieux, nous étions agréablement surpris.e.s du rendu pour cette fois.

Suite à une arrestation du 13 avril, pendant la nationale de Toulouse, G a été condamné en première instance, après un premier report de comparution immédiate, à 8 mois de prison (aménageables- sans mandat de dépôt) ainsi qu’à 1 an d’interdiction de manifestation à Toulouse pour violence sur PDAD et dissimulation du visage et a été relaxé de la participation à un groupement et du refus de communiquer le code PIN de son téléphone.

L’appel remet en jeu à la fois la condamnation mais également les relaxes, le président insiste fortement dessus en affirmant que dans un cas similaire, la Cour de Cassation avait validé une condamnation pour refus de code PIN...
L’instruction du dossier donne le ton, « si les relaxes n’ont pas été motivées dans la décision de première instance, la condamnation l’est », commente le président.

« Trois fonctionnaires de police vous désignent comme étant le porteur d’une casquette coquée bleue et l’auteur d’un jet de projectile, comment expliquez-vous qu’ils vous désignent si vous n’avez pas jeté de pierre ? Est-ce qu’ils vous en veulent ? »
Rhétorique classique des tribunaux. Comme il est malaisé de faire entendre au tribunal que tout à chacun sait pertinemment que les keufs mitonnent tout le temps et que c’est une stratégie du maintien de l’ordre que de charger indistinctement innocents et coupables, G. tente de s’en sortir en expliquant que le mouvement de foule, les gaz et le nombre d’équipements similaires ont pu tromper les poulets. « SAUF QUE C’EST LEUR METIER » rétorque le président. Point final, le tribunal ne veut même pas entendre parler d’erreur humaine chez les condés du maintien de l’ordre.

Après un petit harcèlement sur le pourquoi de son matériel, si ce n’est pour être en première ligne (matos purement défensif nécessaire à l’exercice de son droit de manifester dit G.qui revendique également son droit de se protéger), le président va s’attarder sur la personnalité de G. Il le dit et le répète, « on veut savoir à qui on a affaire ».

Il a fait ses devoirs, et comme ils ont beaucoup plus le temps en appel de préparer les dossiers qu’en comparution immédiate, il est allé chercher la thèse de philosophie de G. (enfin les 2 premières pages).
« Vous n’avez pas le profil habituel de ceux qui passent devant nos juridictions », « vous avez manifestement une réflexion sur le monde », la Cour semble également être interloquée par la profession actuelle de G., « commis de cuisine ». « Comment un doctorant se contente d’être commis de cuisine ? ».

Le président nous révèle petite à petit le fruit de son intense préparation du dossier. « Il y a des personnes qui cassent parce que c’est sous-tendu par une philosophie particulière », « certains anarchistes par exemple posaient des bombes pas parce que c’étaient des criminels mais par engagement intellectuel ». Il en a la preuve ultime G. a, en première page de sa thèse retranscrit un poème qui parle de « ceux qui luttent contre les dominations de l’exploitation de l’homme par l’homme », de ses « frères de misère ».
G. confirme qu’il se sent concerné par les questions sociales mais s’il est commis de cuisine, ce n’est pas par conviction mais bien parce qu’il n’a pas pu trouver de poste d’ATER à la fac et qu’il faut bien manger. « C’est à cause de cette rancœur accumulée que vous envoyez des pierres sur les forces de l’ordre ? ».

Le président fini cette instruction du dossier par une dernière démonstration complètement tirée par les cheveux. Alors : « pour être condamné pour participation à un groupement, l’intention doit être démontrée et peut être démontrée, selon la Cour de cassation, par la production de SMS. Or, si vous refusez de donner votre code d’accès à votre téléphone, on ne peut pas vérifier si ces SMS existent (enfin si mais c plus long, il faut une réquisition à l’opérateur) donc il n’y a pas d’atteinte à la vie privée à demander un code de téléphone, et presque c’est certainement parce que vous être coupable de participation à un groupement que vous avez refusé de donner ce code.

Le président a encore un élément de preuve infaillible, G. a été arrêté avec quelqu’un qui a étudié la même chose que lui (enfin l’anthropologie-des sciences sociales quoi). Ils ont dit ne pas se connaitre mais ça parait suspect autant de coïncidences. (lol). "J’ai juste exercé mon droit au silence", répond simplement et efficacement G.
Un assesseur prend le relais et insiste à de nombreuses reprises « condamnez-vous la violence des casseurs ? ». G. tente d’expliquer que c’est une question compliquée, presque philosophique de savoir ce qu’est la violence etc. et qu’il ne peut pas répondre à cette question comme telle. Le juge ne s’embarrasse pas de détail et répond donsurementc pour lui « donc vous ne condamnez pas ! ». Merci au revoir.

C’est au tour de l’avocat de la partie civile, du keuf qui aurait soit disant été blessé. Pas d’originalité particulière de sa part. « G. est égo-centré, il a peur d’être blessé mais il se soucie pas des policiers, peut être considère-t-il que les policiers ne dont pas partie de la condition humaine ? ». Bref, l’avocate ne s’embarrasse pas de démonstration.

L’avocat général lui, était de permanence pour cette manif, a quand même pris le temps de se pointer à la manif à 14H à Jean Jaurès… et… a bien vu qu’aucun Gilet Jaune n’était équipé comme G. Toujours est-il qu’il demande la confirmation de la relaxe pour la participation à un groupement puisqu’il y a aucune preuve de l’intention. Il confirme que c’est bien compliqué quand les inculpés refusent de parler des les condamner pour participation.

Pour la dissimulation du visage, il estime que c’est constitué (il portait une casquette) et bien évidemment pour le parquet les témoignages des keufs sont amplement suffisants pour le faire condamner pour violence sur PDAP.
Pour le code PIN, il laisse à l’appréciation de la Cour puisqu’il y a bien une difficulté puisque l’autorité judiciaire doit solliciter le code (et non l’OPJ) pour que les articles puissent être applicables.
Mais pour le parquet, la décision de première instance se doit d’être confirmée (8 mois ferme)

L’avocate entame sa défense en expliquant qu’on s’éloigne, selon elle du dossier en allant, comme cela a été fait, sur le terrain philosophique. Elle fait un parallèle avec la chemise arrachée du patron d’Air France par un salarié. Il est évident que beaucoup de salarié.e.s d’Air France en lutte n’auraient pas condamné ce geste. De même il est malaisé de demander à un gilet jaune de condamner les autres.
Puis, elle prend les infractions une à une. Participation à un groupement, pas d’élément intentionnel donc elle demande la relaxe. Le PIN, l’avocat général l’a dit, il faut une réquisition de l’autorité judiciaire donc relaxe. Sur la dissimulation du visage, le conseil constitutionnel a précisé qu’il faut une intention coupable d’empêcher son identification. Les masques et casquettes c’est plutôt pour protéger son intégrité physique (comme les journalistes ou street médics). Sur les violences, il y a des grosses difficultés sur les PV des keufs. Sur le PV de mise à disposition, le keuf qui est désigné comme agent interpellateur, par la suite va faire un témoignage où il affirme que c’est pas lui qui a procédé à l’interpellation (oulala). Bon et puis en fait les incohérences sont pléthores. Yen a un qui dit avoir tout vu, jamais lâché des yeux G. mais en fait il interpelle quelqu’un d’autre au même moment. La soit disant victime est à l’arrière d’une colonne dans une toute petite rue, et ne peut concrètement pas avoir vu derrière des dizaines de personnes la personne qui a jeté la pierre qui est tombé sur son casque. Il y en a d’ailleurs un autre qui dit qu’il y a des dizaines de pierres qui pleuvent, comment distinguer le lanceur. Encore mieux, le PV d’ambiance dit que les pierres partent à 14H53 et que G. est arrêté à 14H45… L’avocat par décence dit juste qu’on y comprend rien.

Elle nous décrit un G. avide de sortir de sa précarité puisqu’ayant grandis dans un milieu ouvrier il aspirerait à vivre mieux. Il n’est donc pas du genre à aller encourager les casseurs [on se serait passé de ce petit moment dissociation dans une plaidoirie jusque là percutante].
Elle ajoute que sa thèse qui a été publiée à l’harmattan n’est pas un livre d’incitation à la violence, et demande la relaxe ou tout au plus du sursis.

RENDU LE 8 OCTOBRE :

On passe de 8 mois fermes à 8 mois de SURSIS assortis de
5 ans d’interdiction d’arme
1 ans d’interdiction de manifs en HG
600 euros à payer au flic.
Rejet de la demande (à remotiver) de non inscription au casier judiciaire.

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