Après Macron au théâtre puis Macron « nous sommes en guerre » puis « les jours heureux » puis Macron en terrasse ; après plus d’une année sous couvre-feu et confinements où les habitants et habitantes des quartiers populaires étaient tabassées par les flics et foutu·es en taule pendant que les riches se la coulaient douce à Dubaï ou à l’île de Ré ; après plus de 100 000 mort·es ; après des discours de Macron, Philippe, Castex, Véran ; après la pénurie des masques inutiles puis le masque obligatoire…l’élaboration et la distribution de vaccins contre le covid19 devaient permettre de tourner la page, et (enfin !) retrouver la croissance économique. Mais patatras, un nouveau variant arrive (plus contagieux et plus dangereux) et la course entre sa propagation et l’immunité procurée par le vaccin est déjà perdue.
Pour commencer, quelques rappels
À propos de ces vaccins, les recherches et les tests permettent de dire que leur usage réduit contaminations, malades et morts. Seulement leur production et leur répartition est insuffisante et inégalitaire. Conséquences, l’accès aux vaccins pour les habitants et habitantes des pays les plus pauvres d’Europe et du monde est très inégalitaire. Sans surprise il y a également en France un gros déséquilibre dans l’accès au vaccin [1].Au début de la campagne de vaccination les parisien·nes s’accaparaient les créneaux de vaccination de Seine Saint-Denis. Enfin Le gouvernement, comme ceux de la plupart des États riches, refusent de mettre fin aux brevets sur ces vaccins. Des millions de personnes risquent de mourir de cet égoïsme occidental.
Le choix de rendre la vaccination obligatoire, sans toutefois le dire, n’est pas un choix sanitaire cohérent. C’est une des dernières tentatives de la part de l’État de couvrir son déni de l’épidémie qui n’a rien à envier à des Trump, Johnson, Bolsonaro ou Modi. Dénis de la première vague où l’on devait aller au théâtre pendant que l’on voyait venir la catastrophe en Italie, déni de l’été 2020 où l’épidémie repartait, déni de l’hiver 2020-2021 et du carnage de la seconde vague (et de la violence du couvre-feu) déni du redéconfinement de mai et juin 2021 lancé à toute vitesse en pleine montée du variant Delta. C’est aussi la poursuite de la politique menée depuis le premier confinement. De l’auto attestation des confinements au pass sanitaire, c’est le même duo contrôle/répression, dont la politique sanitaire n’a pas l’exclusivité.
On peut raisonnablement imaginer que les personnes qui vont se faire vacciner après l’annonce du pass sanitaire allaient quoi qu’il arrive finir par se vacciner. Imposer la vaccination permet aussi à l’État de mieux couvrir ses voltes-face et se décharger sur la responsabilité individuelle de celles et ceux qui tomberont malade. En attendant, aucune mesure n’est prise pour ralentir ou arrêter les contaminations. C’est même l’inverse, puisque les délais pour être considéré en France comme complètement vacciné sont réduits en passant de 14 à 7 jours après la seconde dose, et qu’il est désormais envisagé de supprimer le port obligatoire du masque en intérieur pour les lieux sous pass sanitaire. Des personnes se sentant protégées, parce que venant de se faire vacciner ou ayant un test PCR négatif, vont donc se contaminer et contaminer d’autres personnes.
Pourtant on sait depuis plusieurs mois maintenant qu’une pratique très simple permet de réduire le risque de transmettre le coronavirus : l’aération. Les contaminations se font principalement dans les lieux clos, via des aérosols. L’aération est le meilleur moyen d’éviter la propagation du covid19 [2]. Certains pays ont fait le choix de lancer des programmes d’amélioration de l’aération des espaces publiques et d’y installer des capteurs de CO2 afin d’alerter en cas d’un renouvellement de l’air insuffisant.
Sans surprise, et comme toujours, nous sommes gouverné·es par des types dangereux et incompétents. Il n’est même pas certain que le pass sanitaire soit validé par le Conseil Constitutionnel ou le Conseil d’État, et beaucoup de personnes voulant se faire vacciner ne pourront pas le faire d’ici la mise en place du pass. Mais bon, on n’est plus à une (mauvaise) surprise près avec un gouvernement prêt à tout pour relancer ses « réformes » [3], adoptant un abject darwinisme social et qui joue très bien du contre-feu. L’usage de la coercition pour nous faire vacciner est aussi un choix politique risqué, mais cela leur importe sûrement peu, peut-être même est-ce volontaire.
Quelques certitudes dans une période confuse.
L’imposition du pass sanitaire est une énorme dégueulasserie.
Pourtant, les comparaisons entre le pass sanitaire et l’apartheid, la Shoah ou l’expression « dictature sanitaire » sont des négationnismes. Ces mots et expressions sont lancées et reprises par divers complotistes et l’extrême droite, qui comme Philippot ou De Villiers ne rechigneraient pas à imposer leur propre dictature fasciste. Fascismes et complotismes ont en commun cette nécessité de désigner des boucs émissaires parmi les groupes sociaux composants la société. Ces boucs émissaires sont souvent les mêmes : les étrangers, les non-hétéros, les juives et juifs, les musulmanes, les non-cis, etc. Les crises qu’engendre la pandémie sont une énorme occasion pour les diverses tendances de l’extrême-droite de capitaliser sur les angoisses et les incertitudes de la période. Des appels à manifs contre le pass sanitaire (mercredi 14 et samedi 17) ont très vite tourné dans les milieux complotistes ou d’extrême-droite. Celle de samedi 14h à Jean Jaurès est appelée par des GJ... et la France Insoumise.
S’opposer au pass sanitaire c’est aussi, potentiellement, se retrouver au côté des (petits et gros) patrons que l’on aime tant et qui ne pensent qu’à leur gueule...
La manif de mercredi est passée, si on lit la Dépêche ça avait l’air presque drôle. Ni ayant pas mis le pied, difficile de savoir qui était dans ce cortège. Uniquement des antivax et des conspis ? J’imagine que non. Si ilselles font déjà des manifs à 2 000, on est mal embarqué. Par contre on sait avec certitude que des néo nazis sont venus y faire le coup de poing avant de le revendiquer sur leur canal Telegram, une vidéo relayée sur Twitter les montre derrière les lignes de keufs.
A propos du pass en lui-même, pour la plupart des personnes ne souhaitant pas être vaccinées, il n’est pas raisonnable de pouvoirs dépenser des centaines d’euros pour obtenir un certificat de complaisance de la part d’un médecin ou sur Snap. Surtout que cela signifie faire confiance à un·e inconnu·e et lui confier du fric, une copie de pièce d’identité et son numéro de sécurité sociale... Il ne reste qu’à imaginer quelques arrangements possibles, à la marge, si le pass sanitaire était effectivement mis en place.
Si je me vaccine, je ne vais pas pour autant faire la morale à mes potes qui ne le font pas. Même si je trouve dommage qu’ilselles fassent ce choix. Alors je pourrais, par exemple, partager mon pass sanitaire pour les personnes qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas accéder aux tests et au vaccin. Personne à l’entrée d’un magasin ou d’un bar n’est susceptible de vérifier l’identité d’une client·e. Faire tourner la photocopieuse pour les proches peut permettre de se partager nos certificats de tests ou de vaccination. Au passage, ne partagez pas vos QR code utilisés dans le pass sanitaire avec n’importe qui et n’importe où. Ces QR codes contiennent des données personnelles : nom, prénom et date de naissance ! [4]. Se trimbaler avec son pass sanitaire en version papier lorsqu’on risque de se faire pincer par les flics est aussi une mauvaise idée…
« Si à peine déconfinés, on se retrouve avec des vitrines cassées partout en France, ce n’est pas génial. »
Dans ce discours de président/candidat, Macron en a aussi profité pour appâter les électeurs et électrices de droites. Valeur travail, grandeur de la Nation, destructions du droit au chômage, travailler plus vieux pour mourir plus jeune… L’annonce du pass sanitaire seul méritait de belles émeutes, le reste n’est que la goutte de trop. Mais je crois qu’il faudra être bien vigilant·es, se rappeler et dire qu’aucune cause ne mérite de s’allier aux fascistes et de reprendre leurs mots d’ordre, que l’on peut être opposé·e au pass sanitaire sans y voir un complot mondial visant à nous filer la 5G gratos. Une caillasse lancée contre le « Great Reset » n’aura jamais le même poids qu’une caillasse lancée contre l’État, les flics, les fachos et le pass sanitaire.
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