Tout d’abord, il importe d’être claire : il n’y a pas de recette magique. Face à la justice et face à la police, on fait comme on peut, avec nos limites, nos peurs, nos ressources. L’essentiel ici est d’apporter à chacun.e des éléments pour réfléchir en amont ce qui est possible, notamment pour que la réaction soit collective. Surtout ne pensez pas que si vous ne faites rien, il ne vous arrivera rien. D’une part, les prisons sont remplies de gens qui n’ont rien fait et d’autres parts, des gestes simples de solidarités, de colères et de protestations peuvent être requalifiés en "délit" sur la seule foi d’une parole de flic.
Pour les conseils de base avant l’arrestation c’est par là
Nous aurions aimé vous faire un truc synthétique en dix lignes mais c’est impossible. Le rapport à la répression est une question difficile qui mêle positionnement politique, connaissance juridique, perception de nos limites... Bref, autant prendre un peu de temps pour se mettre au clair avant un stage forcé d’immersion en milieu hostile.
L’idée ici est de réfléchir à la probabilité de l’arrestation. C’est un papier à lire collectivement pour que dans un groupe de potes, on anticipe ce que les un.e.s et les autres feront probablement une fois arrêté.e.s et pouvoir agir en conséquence. L’idée est de vous aider à répondre collectivement à ces questions et de vous inciter à vous les posez ensemble entre ami.e.s, dans votre A.G, où ça vous chante. L’enjeu est double : être prêt.e.s à réagir si on se fait serrer et l’être tout autant si un.e pote se fait serrer. Quand une personne est arrêtée, ses proches aussi sont pris.es dans la sale machine policiojudiciaire.
- Est-ce que je vais donner mon identité à la police ? Si non, est-ce que je vais donner une fausse identité ou ne rien dire du tout ?
- Est-ce que je refuserai la signalétique ? Empreintes ? Photos ? ADN ?
- Est-ce que je demanderai un.e avocat.e ? Si oui, qui ? Si non, est-ce que j’accepterai un.e commis.e d’office ?
- Est-ce que je veux que ma famille soit au courant ? Si oui, quelle(s) personne(s)/contact(s) ?
- Est-ce que je préviens quelqun.e ? Si oui, qui ? Contact ?
- Qu’est-ce que je me sens de tenir comme attitude ? Comment je me sens quant au fait de possiblement pouvoir aller en GAV ?
- Est-ce que j’ai un dossier de représentation ? Si oui, où ? Quels documents ? (cf infra)
Les réponses à ces questions sont les réactions qu’on imagine être les nôtres en cas d’arrestation pour que les copains copines devinent la marche à suivre à l’extérieur mais il est évident que le contexte (stress, pression, keufs) peut nous ammener à adopter des réactions différentes sur le moment. Alors peut-être c’est cool pour les potes dehors de se dire que les copains copines qui sont dedans n’ont pas forcément suivi à la lettre ce qu’ils ou elles avaient pu vous dire avant.
Après l’arrestation, la garde à vue (GAV)
Normalement, l’Officier de Police Judiciaire (OPJ) est obligé de vous signifier votre placement en garde à vue et de vous notifier vos droits. Parmis ceux-là, celui d’être représenté et assisté par un.e avocat.e : soit celui de votre choix, soit un.e commis.e d’office. L’un dans l’autre, ce sont les flics qui passent les appels et donc qui appelleront votre avocat.e.
Si vous décidez de bénéficier de ce droit, plusieurs choses :
- vous décidez d’avoir recours à un.e avocat.e que vous connaissez. Alors, les flics appelleront le cabinet auquel est rattaché.e votre avocat.e, il vous suffira de donner son nom. La nuit donc, c’est un problème. Parfois, il est bienvenu de consulter un.e avocat.e en amont, savoir si il ou elle a un numéro dit d’urgence pour les nuits, si il ou elle accepte de se déplacer en GAV le jour et la nuit. Attention, les flics ne sont obligés que d’essayer, pas de réussir. Si l’avocat.e ne répond pas, tant pis pour vous.
- vous décidez d’avoir recours à un.e avocat.e commis.e d’office. Dans ce cas, vous ne connaîtrez probablement pas cet.te avocat.e alors partez du principe qu’il ou elle ne sera probablement pas votre allié.e. Souvent, les avocat.e.s ne comprennent pas le fait de ne rien déclarer en détention et le fait de refuser la signalétique, par exemple.
- vous décidez de ne recourir à aucun.e avocat.e. Parfois, il est possible de se sentir plus à son aise qu’en présence d’un.e avocat.e, surtout quand ils ou elles sont commis.es d’office.
Parfois l’interêt d’avoir un.e avocat.e est le lien avec l’extérieur, c’est pour cela qu’un.e avocat.e connu.e est un atout. Un.e commis.e d’office pourra ne pas vouloir prendre contact avec vos proches sauf la famille. Ce peut être une solution de s’inventer un.e cousin.ne, un.e frangin.e (les familles recomposées, c’est pratique pour les noms de famille) qui peut être le lien avec l’avocat.e et être "la personne à prévenir".
Aussi, vous avez le droit de faire prévenir une personne de votre choix. Qu’on se le dise, le mieux étant de connaître le numéro de cette personne par coeur parce que les flics ne vont pas s’emmerder à vous apporter votre téléphone portable pour rechercher le contact (et puis dans l’idéal soit vous n’aurez pas votre téléhpone sur vous au moment de l’arrestation soit il sera éteint). Donc pensez à l’apprendre et à prévenir cette personne qu’elle est très certainement votre "coup de fil de GAV". Encore une fois, ce sont les flics qui passent les coups de fils. Et probablement, c’est cette personne qui pourra appeler le comico pour avoir des infos quant à votre détention en GAV.
Vous avez également le droit de demander à voir un.e médecin, toutes les 24h. Dans tous les cas, c’est un.e médecin qui travaille avec la police donc ne pensez pas que ce que vous lui direz ne sortira pas de la salle d’examen. Au contraire, ils et elles sont souvent de bons relais pour les forces de l’ordre. Ceci dit, il est peut-être utile de le voir, notamment quand votre arrestation a été musclée ou pour prévenir de coups et blessures que vous pourriez subir en GAV. Son rôle : constater vos blessures, dire si vous êtes apte ou non à la GAV. Il peut jouer un rôle parfois pas trop négligeable quand vous êtes une personne toxicomane ou polytoxicomane (délivrer un traitement de substitution par exemple). Aussi, c’est des fois une occasion de sortir de votre geôle. Un peu comme pour le/la commis.e d’office.
Le droit au silence et la question de l’identité
Quelle que soit la situation d’audition : flics, procureurs, juges… la possibilité de garder le silence est un droit. Les seuls éléments obligatoires sont le nom, prénom, adresse, date et lieu de naissance. Prendre ou ne pas prendre la parole est avant tout lié à votre ligne de défense et découle de votre décision. Raconter ou ne pas raconter une histoire (vraie ou non) ne doit pas être laisser au hasard. Il faut pouvoir distinguer les moments où vous pouvez vous défendre (face à un juge) et les moments qui ne sont là que pour vous inculper (en GAV par exemple).
De fait, c’est une décision difficile à prendre sur le moment et qui implique d’être informé.e sur les différentes étapes de la chaîne répressive. Différentes formules types existent :
- Je souhaite utiliser mon droit à garder le silence (n’implique rien puisqu’il s’agit simplement d’invoquer un droit)
- Je n’ai rien à déclarer (induit que l’on a rien à dire)
- Je ne reconnais pas les faits (induit que l’on estime n’avoir rien à voir avec les faits qui sont décrits).
Attention,les moyens pour vous soutirer des informations sont divers et sournois ; discussion de couloir, mise en relation avec un.e co-arrêté.e (et écoute), sympathie, menace, etc… Pensez à vous assurer que ce que vous dites est notifié dans un procés verbal (PV). Parfois, les flics vous font parler en "off" et s’amusent à insérer vos propos dans les PV. D’où l’importance majeure de lire avec précaution vos PV, les signer ou refuser de signer.
De la même façon, il est possible parfois de ne pas donner son identité. Les rédactrices de cet article n’étant pas super au point, nous vous renvoyons vers des textes qui reviennent aussi sur les choses déjà dites ici. C’est sur le site de la ZAD de Notre Dame des Landes.
La comparution immédiate
Anciennement tribunal des flagrants délits, la comparution immédiate est une des armes de la politique pénale de réponse rapide. Elle doit permettre de donner en quelques heures une « sanction » à un acte de délinquance. Bras armé de la politique pénale, les « compétences » de ce tribunal expéditif n’ont cessé d’augmenter. On est passé en quelques années de une ou deux séances hebdomadaires à cinq.
Le choix de la procédure repose moins sur une appréciation juridique que sur la volonté d’une répression rapide concrétisée par un mandat de dépôt et l’envoi directe en prison. La décision d’être « sévère » et « réactif » sur tel ou tel type de délit dépend d’une politique générale souvent en prise avec l’actualité.
Le procureur ne connaît de l’affaire que ce qu’en dit l’OPJ [1], qui la lui transmet. C’est donc une procédure essentiellement à charge, c’est-à-dire qui tend à vous inculper. La décision s’appuie principalement sur les antécédents judiciaires de la personne, les renseignements de la police et les garanties de revoir la personne en cas de remise en liberté.
Il vaut donc mieux refuser cette procédure mais pour ce faire il convient d’avoir des "garanties de représentation" (cf infra). Pour la refuser, il vous faudra dans tous les cas passer une première fois devant un.e magistrat.e qui vous demandera si vous souhaitez ou non comparaître tout de suite. Là, vous pouvez décider de refuser la comparution immédiate en expliquant en une phrase que vous ne souhaitez pas passer aujourd’hui mais prendre le temps de préparer votre défense. Alors, il ou elle devra statuer sur deux choses : une prochaine date d’audience et s’il ou elle décide de vous faire attendre dehors ou en taule. Là, le dossier de représentation est important ! C’est un des moments-clés du soutien des potes à l’extérieur.
Le dossier de représentation
Qu’est-ce qu’un dossier de représentation ? C’est un dossier qui doit regrouper l’ensemble des documents attestant de vos garanties de représentation. Les garanties de représentation, ce sont tous les documents qui vont venir étayer votre dossier dans le but de ne pas vous faire incarcérer, c’est-à-dire faire préférer au juge un placement sous contrôle judiciaire plutôt qu’un placement en détention provisoire :
- photocopie d’une pièce d’indentité : carte d’identité, passeport ou titre de séjour
- photocopie de votre bail si vous êtes locataire en votre nom et/ou une photocopie d’un justificatif de domicile récent (factures d’électricité ou quittance de loyer par exemple)
- une attestation d’hébergement dans le cas où vous n’êtes pas locataire. Cette attestation doit être daté et signé par la personne qui reconnaît vous héberger. Aussi, cette personne doit fournir une photocopie de pièce d’identité ainsi que son bail et/ou un justificatif de domicile
- photocopies de tous documents attestant que vous êtes étudiant.e.s ou salarié.e.s (carte étudiant.e et certificat de scolarité dans le premier cas, contrat de travail ou attestation de l’employeur ou promesse d’embauche dans le second)
- photocopie de votre titre de séjour temporaire dans le cas où vous seriez demandeur.se d’asile et attestation de versement de thunes
L’idée en somme, c’est de montrer à la justice combien vous êtes une personne "insérée" et "autonome" au regard de ce grand monde social, que vous devez rester en liberté et que vous viendrez à votre date d’audience prochaine.
Ce dossier doit être transmis dans les plus brefs délais à l’avocat.e de votre camarade. Et c’est à ce moment qu’on se méfie de ce qui a pu se dire à l’intérieur. Aussi bien, le pote qui vous avez dit que jamais au grand jamais il ne donnerait son identité n’a peut-être finalement pas eu le choix, et inversement.
Découvrir qui est l’avocat.e de votre camarade, c’est chiant. Soit il ou elle a désigné un.e avocat.e que vous connaissez, dans ce cas c’est cool. Soit il ou elle a choisi d’être représenté par un.e commis.e d’office. Dans ce cas, il vous faut trouver le moyen d’obtenir la liste des avocat.e.s commis.e.s d’office, c’est-à-dire celles et ceux qui sont de permanence de jour ou de nuit. De toutes les manières, quand des ami.e.s ont été arrêté.e.s, vous pouvez essayer de choper les avocat.e.s qui sortent du comico, aller aux comparutions immédiates pour voir si votre ami.e est déféré.e. Demandez à des avocat.e.s que vous connaissez la liste des commis.e.s d’office.
Bon courage dans cette galère et n’oubliez pas de prendre soin de vous et de vos proches ! La répression n’arrêtera pas nos rebellions mais on peut quand même prendre un moment pour souffler un peu et se faire du bien quand ça nous tombe dessus.
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